Des postes à pourvoir par centaines dans l’industrie du jeu vidéo au Québec
145 postes ouverts chez Ubisoft, 77 chez Unity, 20 chez Gameloft...

L'industrie des jeux vidéo est prolifique.
Photo : iStock / gorodenkoff
Prenez note que cet article publié en 2020 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
La quête de nouveaux travailleurs dans l’industrie du jeu vidéo, qui croît sans cesse, est loin de s’essouffler au Québec. Mais la pandémie complique le processus d’embauche à l’étranger et accentue la demande d’experts en technologie, toutes industries confondues.
Il nous en manque toujours trop
, admet le directeur mobilité et talent de Behaviour Interactif, Julien Jacob. Le développeur indépendant de jeux vidéo, dont le jeu Dead by Daylight a connu un vif succès, se trouve avec un manque à gagner de 145 postes, dont 15 stagiaires. Pas moins de 700 personnes travaillent à l’heure actuelle pour son studio du Mile-Ex, à Montréal.
Son équipe de recrutement a doublé
depuis le début de la crise; il y a maintenant près d’une douzaine de personnes qui se consacrent à l’embauche de personnel. On essaie de tenir le fort pour soutenir la croissance de l’entreprise
, évoque M. Jacob.
Le confinement à la maison entraîne une nouvelle demande en création de jeux vidéo. Au même moment, la pandémie crée un stress sur le marché en ralentissant les demandes de permis pour les travailleurs issus de l’étranger, en diminuant la mobilité de certaines personnes et en changeant les façons de faire avec le télétravail
.
En revanche, les possibilités de travail augmentent, car la barrière du transport de travailleurs au Québec se trouve éliminée. En attendant de pouvoir immigrer ici, des personnes d'outre-mer se voient même confier des mandats par Behaviour Interactif et jouent temporairement le rôle de consultant
.
Avant, c’était deux à trois mois de délai pour un permis de travail pour quelqu’un en Europe ou aux États-Unis. Maintenant, c’est de six à dix mois. On ne peut pas se fermer à cette main-d'œuvre qui fait partie de 10 à 20 % de nos embauches annuelles. Il faut être inventifs.
Dans la métropole, le marché est très compétitif
. Nous n’avons pas le choix d’aller à l’étranger
, aux dires de Julien Jacob. La moitié des postes ouverts concernent les programmeurs et développeurs, qui constituent le nerf de la guerre
dans l’industrie. Ils sont non seulement courtisés à droite comme à gauche, voire sollicités plusieurs fois par semaine par des concurrents et d’autres entreprises technologiques, mais ils doivent en plus avoir une connaissance du jeu vidéo.
Surenchère des conditions
Chez Sourcinc, spécialisée dans le recrutement, le président Sébastien Savard parle d’une année occupée
. Il y a une énorme surenchère, indique-t-il. Dans les cinq dernières années, on a vu des augmentations incroyables au niveau des conditions.
Les joueurs américains arrivent sur le marché montréalais avec leurs conditions plus qu’avantageuses. Les studios doivent tirer vers le haut leurs conditions ou jouer de créativité pour se démarquer. C’est souvent dommageable pour les petits studios.
Dans ses premières années, un développeur peut gagner de 50 à 60 000 $. Sept ans plus tard, il lui est possible de franchir la barre des 100 000 $. Dans le passé, on a eu des clients qui arrivaient sur le marché montréalais et offraient parfois de 15 à 20 000 $ au-dessus des attentes des candidats
, raconte-t-il.
L’arrivée d’un nouvel acteur dans le marché, Phoenix Labs, ne fera qu’ajouter de la pression en 2021. Selon l’annonce communiquée mercredi, l’entreprise de création de jeux vidéo de Vancouver compte créer jusqu’à 250 emplois en un an.

Image du jeu « Dead by Daylight » de Behaviour Interactif
Photo : Behaviour Interactif
Le développement du commerce électronique et de solutions technologiques pour les entreprises contribue d’autant plus à cette rareté de main-d'œuvre. Sébastien Savard est sans nuance à ce propos : C’est clairement le marché où on a le plus d’enjeux à combler des postes. [...] On recrute en Europe et au Maghreb pour attirer des talents en technologie de l’information à Montréal.
Plusieurs de ses clients se voient en conséquence ralentis dans leur développement. L’idée, l’argent et le potentiel sont là, mais ils n’ont pas la main-d'œuvre.
Julien Jacob de Behaviour Interactif reconnaît par exemple que la situation peut retarder certaines échéances
ou conduire à des planifications plus rigoureuses
.
Tout juste derrière les préposés aux bénéficiaires
Le site de recherche d’emploi Indeed révélait récemment que les postes de programmeurs étaient au deuxième rang des postes affichés pendant plus de 60 jours entre mai et octobre au Québec, tout juste derrière ceux de préposés aux bénéficiaires. À Montréal, ils sont au premier rang, suivi des postes de designer de jeux vidéo, d’assistant technique en pharmacie, de développeur informatique et d’infirmière.
Le directeur principal de la firme au Québec, Stepan Arman, fait savoir qu’il est essentiel pour les employeurs d’offrir ce que les professionnels veulent et de mettre de l’avant les avantages et la culture d’entreprise via les canaux appropriés
.
À la Guilde du jeu vidéo du Québec, la directrice générale Nadine Gelly maintient toutefois que les travailleurs en technologie de l’information ne représentent que 30 % de l’industrie. Le reste des ressources, souligne-t-elle, c’est beaucoup plus au niveau de la créativité. Ce sont des artistes, des gens en communication, des spécialistes du développement des affaires. Il nous en manque beaucoup.
Quand les gens sortent de l’université en communication, ils ne voient pas l’industrie du jeu comme une option. [...] Il se donne très peu de cours ici au Québec sur la commercialisation du jeu vidéo, donc on doit aller chercher des gens de l’extérieur et qui sont des séniors en la matière pour former des gens ici.
Pour Mme Gelly, cette industrie n’a pas encore été suffisamment démocratisée
.
Un crédit d’impôt généreux
Les producteurs de titres multimédias bénéficient au Québec d’un crédit d’impôt remboursable pouvant atteindre 37,5 % des salaires admissibles. Ce programme instauré en 1996 a nettement contribué à l’essor de l’industrie du jeu vidéo dans la province, mais des gens du milieu des affaires soutiennent qu’il raréfie la main-d’oeuvre qualifiée pour d’autres secteurs et génère une fuite de capitaux à l’étranger. En 2019, le crédit a coûté 238,5 millions de dollars à l’État, en hausse de 52 % par rapport à cinq années plus tôt. Cette année, le ministère des Finances projette une charge fiscale de 250,5 millions de dollars.
Plus d’un Canadien sur deux joue
Au Canada, 61 % de la population jouerait régulièrement à des jeux vidéo, selon une récente étude de l’Association canadienne du logiciel de divertissement. La pandémie n’aurait entraîné l’arrivée de nouveaux consommateurs que dans une faible proportion de moins de 2 %, mais elle aurait considérablement augmenté le nombre de jeux vidéo auxquels les consommateurs actuels ont joué
.
941 000 $ pour un projet de simulation
Jeudi, le gouvernement du Québec annonçait la création d’un projet de simulation d’entreprise en technologie de l’information, un nouveau modèle d’apprentissage dans l’action
. À compter de janvier, des étudiants issus de l’immigration et ayant des connaissances en informatique pourront prendre part à cette formation accélérée d’une année. Ainsi, 240 étudiants pourraient y prendre part sur cinq ans au Collège Bois-de-Boulogne, au Cégep Gérald-Godin et au Cégep John-Abbott. L’initiative demeure somme toute marginale; TechnoCompétences estimait qu’il y avait 6500 postes à pourvoir dans ce domaine avant la pandémie.