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Le projet de loi 59, « une injustice totale », disent des travailleurs handicapés

Une homme dans un fauteuil roulant

Si le projet de loi 59 est adopté, les organismes craignent entre autres que les personnes handicapées lors d’un accident de travail ne puissent plus être indemnisées.

Photo : Shutterstock

Radio-Canada

Le projet de loi visant à moderniser le régime de santé et de sécurité du travail au Québec fait craindre le pire à des organismes de défense des droits des personnes en situation de handicap. Ils redoutent notamment que celui-ci soit un frein à l'embauche de personnes handicapées pour les employeurs.

Un texte de Yasmine Khayat

Le projet de loi fait 120 pages, mais ce sont les quelques lignes de l’article 97 qui les inquiètent. Cet article modifie l’article 329 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (LATMP).

Il insère de nouvelles notions à la définition du travailleur déjà handicapé comme l’incapacité significative et persistante, les obstacles et les activités courantes, mais sans les préciser.

Extrait du projet de loi 59, article 97, 2°

... est déjà handicapé le travailleur ayant, avant sa lésion professionnelle, une déficience entraînant une incapacité significative et persistante et qui est sujet à rencontrer des obstacles dans l’accomplissement d’activités courantes.

C’est une injustice totale pour les personnes vivant avec des incapacités, déclare Dominique Salgado, directeur général du Comité d’action des personnes vivant en situation de handicap (CAPVISH). Si ce projet de loi est adopté, il pense qu’une personne handicapée à la suite d’un accident de travail ne pourra plus être indemnisée.

Pour mettre en évidence l’impact que ces changements auront sur les travailleurs handicapés, M. Salgado donne l’exemple d’un membre de son équipe atteint d'ostéogenèse imparfaite, appelée aussi maladie des os de verre.

Si l’employé venait à se fracturer un bras au travail, l'employeur devrait alors prouver à la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) l'ensemble des notions incluses à l'article afin d'avoir accès au fonds d'indemnisation de la CNESST auquel il a toujours cotisé.

M. Salgado ajoute que la CNESST pourrait exiger des précisions ou des examens supplémentaires. Actuellement, la commission ne demande rien de plus qu’un document appelé Avis de l’employeur et demande de remboursement (ADR).

Linda Gauthier, présidente du Regroupement des activistes pour l’inclusion au Québec (RAPLIQ), qui se déplace elle-même en fauteuil roulant, dénonce également l'injustice.

C'est tout à fait honteux! C'est de la ghettoïsation, de la ségrégation sociale, c'est faire preuve de capacitisme, voire d'eugénisme!

Une citation de Linda Gauthier, présidente du RAPLIQ

Les membres de ces deux organismes craignent une discrimination à l’emploi.

Un frein à l’embauche

Les employeurs craignent que les modifications à la loi ne leur imposent des charges financières accrues. Ils contribuent tous à un fonds de régime de la CNESST et lorsqu’un employeur obtient le partage de coûts, il ne paie pas l'entièreté des indemnisations, mais seulement un pourcentage. Le reste est prélevé à même le fonds général.

C’est donc l’accès au partage des coûts qui pose dorénavant problème.

Le Conseil du patronat du Québec (CPQ), qui représente la voix des employeurs, estime que ses membres n’auront plus de marge de manœuvre.

Ces modifications ne permettront plus aux employeurs d’obtenir des partages de coûts selon le cadre actuel de la loi. Les termes ajoutés resserrent considérablement le cadre actuel, voire même rendent presque impossible une "désimputation" sur la base de cette disposition.

Une citation de Arnaud Champalbert, directeur des affaires publiques et gouvernementales du CPQ

Les employeurs risqueraient ainsi de prendre en charge la totalité du coût des indemnités, ce qui les dissuaderait d’embaucher des personnes handicapées, selon l'organisation.

Sous la loupe des avocats

Selon Laurence Bourgeois-Hatto, du cabinet Langlois Avocats, dont le domaine d’expertise couvre aussi le droit du travail et de l’emploi, il ne sert à rien de modifier un régime qui fonctionne déjà très bien.

Ce projet de loi est une nouvelle tentative de la CNESST de se simplifier la vie et d’imposer aux employeurs un fardeau financier injuste.

Une citation de Laurence Bourgeois-Hatto, avocate

De son côté, le cabinet Norton Rose Fulbright qui représente les intérêts des employeurs soutient que le projet de loi défend une partie au détriment d’une autre.

Si l’article 329 est modifié, la firme pense que les dossiers de lésion professionnelle d’une grande partie des travailleurs ne seront pas traités. Par ailleurs, les employeurs devront se conformer à un projet de loi qui ne donnera suite à aucune de leurs revendications.

Le projet de loi déposé à l’Assemblée nationale le 27 octobre fera l’objet de consultations au cours des prochaines semaines.

Les représentants du CAPVISH et du RAPLIQ n’ont toujours pas été invités. Ils espèrent l'être prochainement.

Le ministre Boulet se fait rassurant

Le ministre du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale, Jean Boulet, rassure les travailleurs en situation de handicap sur le fait que les modifications apportées à l’article 329 n’auront aucune incidence sur l’accès à l’indemnisation en cas de lésion professionnelle.

Il ajoute que ce projet de loi est plutôt en leur faveur, et que s’il est nécessaire de revoir ou de préciser l’article en question, on le fera.

Pour le ministre Boulet, ce texte législatif encadrerait les pratiques entourant les réclamations de partage des coûts par les employeurs à la CNESST.

D’après lui, le projet de loi, dans sa partie relative au régime d’indemnisation soulagerait le système judiciaire, réduirait les dossiers au contentieux et éviterait des processus de judiciarisation coûteux en frais d’expertise et de représentation.

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