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La vaccination obligatoire contre la COVID-19 est-elle vraiment une option?

Le gouvernement gagnerait à miser d'abord sur la transparence et la communication, pensent les experts.

Une seringue et une fiole sur laquelle on peut lire : « Vaccin, COVID-19 ».

Aucun vaccin contre la COVID-19 n'a encore été homologué par Santé Canada.

Photo : Getty Images / AFP/JOEL SAGET

Alors que 21 % des Canadiens sondés par IPSOS sont incertains de se faire vacciner et que 16 % y sont réfractaires, le gouvernement pourrait-il les contraindre à le faire contre leur gré?

L’idée de rendre obligatoire la vaccination contre la COVID-19 a l’appui de 56 % de la population, mais rien n’indique cependant qu’il soit nécessaire d’emprunter cette avenue pour atteindre une bonne couverture vaccinale.

Actuellement, seuls l’Ontario et le Nouveau-Brunswick exigent que les enfants et les adolescents aient reçu certains vaccins pour pouvoir fréquenter l’école, à moins d’avoir une dérogation pour des raisons médicales ou idéologiques (raisons de conscience ou croyances religieuses).

Les autres provinces les recommandent fortement, mais ce n’est pas obligatoire. Les données de l’Agence de la santé publique du Canada ne montrent cependant pas de différence marquée dans le taux de vaccination des enfants entre ces deux provinces et d’autres, comme le Québec, où la vaccination n’est pas obligatoire.

Une fillette se fait vacciner sur le bras.

Le reportage de Vincent Maisonneuve

Photo : getty images/istockphoto

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Une représentation du coronavirus.

Un article co-écrit par Ève Dubé, chercheuse à l'Institut national de santé publique du Québec, qui passe en revue des études sur la couverture vaccinale, montre qu’il n'y a pas de différences importantes pour les maladies infantiles entre les pays où la vaccination est obligatoire et ceux où elle ne l'est pas.

La comparaison entre le Québec et des régions comme l’Ontario, la Californie, l’Australie, la Slovénie et l’Ouganda, où différentes sanctions s’appliquent aux récalcitrants, montre en fait qu’essayer de rendre un vaccin obligatoire n’a pas été, jusqu'à ici, une stratégie fructueuse.

Ce que l'histoire nous démontre jusqu'à maintenant, c'est que juste avec les politiques de promotion de la vaccination, de l'incitation et de l'information, on a toujours réussi au Québec à avoir de bons taux de vaccination, sans qu'il y ait jamais eu de mise en place d'obligation vaccinale.

Une citation de Ève Dubé, chercheuse à l'Institut national de santé publique du Québec.

On peut donc présumer que ce sera la même chose pour le vaccin contre la COVID-19, pense cette professeure du Département d'anthropologie de l’Université Laval, qui soutient qu’il faut plutôt miser sur la facilité d’accès et la sensibilisation du public.

Un garçon se fait faire une piqûre au bras.

Cette année, les Canadiens ont été nombreux à vouloir se faire vacciner contre la grippe saisonnière.

Photo : Radio-Canada / BERT SAVARD

La contrainte n’est pas le seul facteur influençant la décision de se faire vacciner, croit également Nicole Basta, professeure d’épidémiologie à l’Université McGill, qui a mené pour sa part une enquête sur les pénalités imposées, un peu partout dans le monde, aux personnes qui ne se font pas vacciner.

Plus de la moitié des pays dans le monde imposent une obligation de vaccination, soutient-elle. Il s’agit habituellement de vaccins contre des maladies infantiles, connus depuis longtemps et facilement accessibles.

Cependant, ajoute-t-elle, il peut y avoir un taux de vaccination élevé même sans politique obligatoire. Il y a une très grande hétérogénéité dans les approches que prennent les pays pour promouvoir la vaccination.

La prochaine étape de son étude sera de déterminer les différents degrés d’efficacité des pénalités, qui peuvent aller de l’interdiction de fréquenter l’école jusqu'à l’emprisonnement, en passant par une amende.

Différentes approches peuvent être efficaces dans différents contextes pour différents vaccins.

Une citation de Nicole Basta, professeure adjointe au Département d’épidémiologie de l’Université McGill
Des gens attendent en file pour obtenir le vaccin contre la grippe H1N1 à Saint-Eustache, le 30 octobre 2009.

La vaccination contre la grippe H1N1 n'a pas été obligatoire, mais les Canadiens se sont précipités pour se faire vacciner.

Photo : The Canadian Press / Ryan Remiorz

Une mesure extrême

L’obligation devrait être le dernier recours, estime quant à lui Bryn Williams-Jones, professeur titulaire à l’École de santé publique de l'Université de Montréal.

La question de la vaccination obligatoire doit être mesurée en fonction du bénéfice du vaccin, mais aussi des autres possibilités qui sont en place, affirme le chercheur. D’obliger les gens, d'un point de vue éthique, cela peut être justifié, mais c'est la mesure maximale en termes d'intervention, parce qu'elle brime les libertés individuelles.

La vaccination obligatoire, c’est un peu l’option nucléaire. Ce devrait être le dernier recours.

Une citation de Bryn Williams-Jones, professeur titulaire à l’École de santé publique de l'Université de Montréal.

Avant d’en arriver là, pense-t-il, on doit s’assurer d’avoir utilisé tous les autres moyens offerts, à commencer par rendre le vaccin accessible et gratuit. On veut utiliser l’incitatif au lieu de menaces, souligne-t-il.

Après avoir levé les barrières à l’accès, il faut être certain d’obtenir la confiance de la population, soutient M. Williams-Jones. Ce doit être le défi majeur des acteurs de santé publique, croit-il.

Plan rapproché d'Horacio Arruda, les doigts croisés, répondant à une question. En arrière-plan, François Legault.

Le directeur national de santé publique du Québec, Horacio Arruda, en point de presse avec le premier ministre François Legault.

Photo : La Presse canadienne / Jacques Boissinot

On a besoin de démontrer que les vaccins homologués sont vraiment sécuritaires et qu’ils sont efficaces. Si on n'a pas fait ce travail en amont, il n'y a aucune justification pour obliger les gens à se faire vacciner.

Une citation de Bryn Williams-Jones, professeur titulaire à l’École de santé publique de l'Université de Montréal.

C’est bien là le principal écueil. La rapidité de développement des vaccins et leur mise en oeuvre accélérée a semé le doute dans l’esprit de plusieurs.

La durée moyenne de développement des 21 vaccins approuvés depuis dix ans par la Food and Drug Administration des États-Unis a été de huit ans. Dans ce cas-ci, il se sera écoulé moins d’un an.

Ce que semble confirmer le sondage IPSOS, puisque 71 % des personnes sondées disent s'inquiéter des effets secondaires ou des risques associés au vaccin. Cette crainte est présente même chez 60 % de ceux qui se feront vacciner.

Pour rassurer la population, l’État doit être transparent, estime Bryn Williams-Jones. Il a le devoir de démontrer qu’il a sélectionné les bons vaccins et de partager les données sur leur efficacité à court et à long terme, ainsi que les effets secondaires prévus, souligne le chercheur.

Une foule de personnes, sans masque, manifeste.

Des manifestants réunis à Montréal le 12 septembre 2020 scandaient des slogans antivaccin.

Photo : The Canadian Press / Graham Hughes

La Loi sur la santé publique prévoit que le gouvernement du Québec peut ordonner la vaccination obligatoire pour protéger la population d'une maladie contagieuse grave.

Dans le cas de la COVID-19, serait-il justifié d‘invoquer ce pouvoir?

Bien des inconnues demeurent avant de pouvoir répondre, croit Colleen Flood, directrice du Centre de droit, politique et éthique de la santé de l’Université d’Ottawa et membre du groupe de travail de la Société royale du Canada sur la COVID-19.

Tant qu’on ne connaîtra pas mieux le fonctionnement du vaccin, ses effets secondaires ou son efficacité, difficile de se prononcer sur la légalité d’une telle mesure, avance la chercheuse.

Il nous manque beaucoup d'information avant de pouvoir faire une analyse juridique, estime-t-elle. La loi ne se fait pas dans le vide, elle doit répondre aux faits scientifiques sur le terrain.

Ce qui est sûr, c’est qu’avant d’imposer la vaccination obligatoire, le gouvernement devra d’abord prouver qu’il n’y a pas d’autre moyen de convaincre la population, croit-elle.

Un tribunal ne confirmerait pas un mandat général pour vacciner tout le monde, à moins qu'il n'y ait de très fortes preuves qui en démontrent la nécessité, soutient Mme Flood.

Avant d’en arriver là, le gouvernement a le devoir d’éduquer la population et d’expliquer clairement les risques et bénéfices du vaccin, croit Mme Flood.

On est encore loin du moment où un tribunal va dire qu’il y a assez de preuves démontrant que la vaccination obligatoire est essentielle pour la santé publique au Canada.

Une citation de Colleen Flood, directrice du Centre de droit, politique et éthique de la santé de l’Université d’Ottawa.

Ce n’est que lorsque le gouvernement aura pris toutes les mesures nécessaires pour convaincre les gens des bienfaits de la vaccination, et si certains se montrent récalcitrants, qu’il pourrait tenter de persuader le tribunal que cela représente un risque pour tout le monde et qu’il faut donc les forcer à se vacciner, croit Mme Flood.

Ce n’est qu’à ce moment-là que ce sera du ressort des tribunaux, souligne la chercheuse.

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