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COVID-19 : la plupart des Américains vaccinés d'ici juin, prévoit le responsable

Les États-Unis réussiront à produire suffisamment de doses de vaccins contre la COVID-19 pour être en mesure de vacciner tous les Américains qui le désirent d'ici mai ou juin 2021, a indiqué sur les ondes d'ICI RDI le responsable de l'opération Warp Speed (Vitesse de l'éclair), le Dr Moncef Slaoui. Les Canadiens, eux, devront s'armer de patience.

Il est devant un lutrin sur lequel se trouve un microphone.

Le Dr Moncef Slaoui s'adresse aux reporters depuis la Roseraie de la Maison-Blanche lors de l'annonce officielle de l'opération Warp Speed.

Photo : Associated Press / Alex Brandon

  • Sophie-Hélène Lebeuf

Heureux de la vitesse à laquelle s'est déroulé le processus de recherche, le directeur scientifique de l'opération, fruit d'un partenariat public-privé pour produire et distribuer rapidement un vaccin contre la COVID-19, s'est montré rassurant.

On a progressé de manière très satisfaisante, très rapide, sans mettre en péril la sécurité, l'innocuité des vaccins, a assuré le chercheur en immunologie et biologie moléculaire, une sommité dans son domaine, au cours d'une entrevue accordée à Patrice Roy depuis Philadelphie.

L'objectif de l'opération d'envergure, dotée d'un budget de 18 milliards de dollars et bénéficiant de l'aide logistique de l'armée américaine, était de produire et de distribuer 300 millions de doses de vaccins, dont les premières seraient disponibles d'ici janvier 2021.

Le président américain, qui s'est attribué le succès des développements scientifiques, avait cependant affiché un plus grand optimisme, évoquant en septembre une distribution qui pourrait s'amorcer quelques semaines plus tard.

Celui que Donald Trump a surnommé Monsieur Vaccin a précisé que l'Agence des produits alimentaires et médicamenteux (FDA) était sur le point d'approuver les premiers vaccins.

Entrevue avec le directeur scientifique de l'opération Warp Speed, le Dr Moncef Slaoui

COVID-19 : tout sur la pandémie

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Une représentation du coronavirus.

Le tout premier à obtenir son feu vert, le 11 décembre, sera celui mis au point par l'américaine Pfizer en partenariat avec l'allemande BioNTech, prévoit-il. La semaine dernière, les deux entreprises ont fait état d'une efficacité à 95 % de leur vaccin à ARN messager au terme de l’étude clinique de phase 3, plus que le ne laissaient présager les résultats préliminaires dévoilés quelques jours plus tôt.

Une semaine plus tard, ce sera au tour du vaccin de Moderna d'obtenir l'aval des autorités si tout se passe bien, a précisé le Dr Slaoui. La société américaine a affirmé qu'une analyse préliminaire d'une étude clinique de phase 3 de son vaccin, qui utilise aussi la technologie de l'ARN messager, montre qu'il est efficace à 94,5 %.

En une semaine malheureusement, aujourd’hui aux États-Unis, il y a jusqu'à 14 000 morts. 2000 morts par jour. Chaque jour compte.

Une citation de Le Dr Moncef Slaoui, directeur scientifique de l'opération américaine Warp Speed

À l'heure actuelle, il y a environ 6,5 millions de doses du vaccin de Pfizer-BioNTech et quelque 2 millions de celui de Moderna, mais la distribution doit attendre l'approbation de la FDA, mentionne le Dr Slaoui. D'ici la fin de l'année, il y aura près 20 millions de doses de chacun des deux vaccins.

Les Américains d'abord

Prévoyant l'approbation de deux autres vaccins, ceux de Johnson & Johnson et d'AstraZeneca, probablement à la fin du mois de janvier ou au début du mois de février, le Dr Slaoui croit qu'il y aura alors suffisamment de vaccins pour vacciner entre 50 et 60 millions de personnes par mois.

Les États-Unis, estime-t-il, auront atteint une vaccination généralisée de la population dans l'horizon de mai ou juin 2021, soit environ un an après l'annonce officielle du projet par le président américain.

Ce qui est important psychologiquement, c’est que si l’on sait qu’il y a une fin à ce problème, ça redonne l’énergie et le courage de traverser le tunnel parce qu’on voit le bout, et c’est important, avance le Dr Slaoui, cette fois à l'émission 24/60 d'Anne-Marie Dussault.

Les premières doses fabriquées sur le sol américain seront pour le public américain, précise le chercheur.

Je pense que c'est raisonnable, étant donné qu'on a fait tous les investissements – pour le monde –, de se servir en premier.

Une citation de Le Dr Moncef Slaoui, directeur scientifique de l'opération américaine Warp Speed

Si les Américains ont priorité, le Dr Slaoui souligne néanmoins que ce n'est qu'une première étape, ajoutant que des sociétés pharmaceutiques dans d'autres pays sont elles aussi dans la course aux vaccins.

Le vrai contrôle n’aura lieu qu’une fois que toute la population mondiale aura été vaccinée.

Une citation de Le Dr Moncef Slaoui, directeur scientifique de l'opération américaine Warp Speed

Le Canada, lui, tardera davantage à vacciner sa population contre la COVID-19. L'Agence de la santé publique a indiqué la semaine dernière que la majorité des Canadiens le seraient avant la fin de 2021.

Si tout va comme prévu pour deux des vaccins réservés par Ottawa, soit ceux de Pfizer-BioNTech et Moderna, les autorités fédérales estiment que 3 millions de Canadiens le seront entre janvier et mars. Ottawa a acheté auprès de sept manufacturiers un total de 194 millions de doses de vaccins et a pris une option sur 220 millions de doses supplémentaires.

L'ancien directeur de la recherche du géant mondial GlaxoSmithKline ne croit pas que les pharmaceutiques s'enrichiront avec leurs vaccins. Le coronavirus ne subit pas de mutation significative, fait-il ressortir, estimant que cela réduit donc la taille du marché. On va être protégé à long terme, évalue le Dr Slaoui. Peut-être faudra-t-il avoir une dose tous les cinq ans.

Des vaccins sécuritaires

On voit le logo de Pfizer.

Une femme trempe une seringue dans une petite bouteille d'un vaccin contre la COVID-19.

Photo : Reuters / DADO RUVIC

La rapidité avec laquelle s'est déroulée la course au vaccin ne rassure pas tout le monde, reconnaît le Dr Slaoui, qui estime que le contexte politique a exacerbé les craintes des Américains.

Les chercheurs n'ont pas tourné les coins ronds, assure-t-il. Ils ont pu profiter des plateformes technologiques dans lesquels des investissements étaient faits depuis 10 ou 15 ans, explique-t-il. Il cite en exemple le coronavirus du syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS-CoV-1), apparu en Asie du Sud-Est, et le coronavirus du syndrome respiratoire du Moyen-Orient (CoV-SRMO), très semblables au SRAS-CoV-2 à l'origine de la COVID-19.

On a fait des études cliniques plus importantes, plus grandes en nombre de personnes immunisées que les études requises pour tous les vaccins qui sont approuvés, ajoute-t-il, en soulignant l'absence d'effets secondaires sérieux.

La différence, c'est qu'on ne connaît pas encore pour ces vaccins l’innocuité à très long terme, dit-il cependant.

Selon un sondage récent, 58 % des Américains se disent prêts à recevoir un vaccin dès qu'il sera disponible. C'est insuffisant, souligne le Dr Slaoui.

Il croit que le taux d'efficacité extrêmement élevé des vaccins sur le point d'être offerts aura raison des réticences de plusieurs Américains.

Il faut qu'à peu près entre 75 % et 80 % de la population soit vaccinée pour pouvoir avoir ce qu’on appelle l’immunité de masse.

Une citation de Le Dr Moncef Slaoui, directeur scientifique de l'opération américaine Warp Speed

En attendant, explique-t-il, le vaccin doit faire partie de l'arsenal pour contrôler la pandémie, avec le port du masque, le lavage de main et la distanciation physique.

Le scientifique déplore la résistance de pans de la population devant des mesures simples qui pourraient sauver des vies.

C’est franchement dramatique. Ce qui est dangereux et dommage, c’est que des discours politiques ont interféré avec la compréhension des gens, commente-t-il. C’est devenu [une déclaration politique] de dire : "Je porte un masque ou je ne porte pas de masque."

Et le résultat, c'est qu'on a 200 000, 220 000 cas d'infections par jour, et 2300 morts par jour. C'est une hécatombe. Et ça va aller en s'empirant d'ici Noël.

Une citation de Le Dr Moncef Slaoui, directeur scientifique de l'opération américaine Warp Speed

S'il dit avoir vraiment l'intention de rester complètement en dehors de la politique depuis sa nomination, il reconnaît au passage que le président américain a contribué aux problèmes. Je pense que le président, comme d'autres, y a participé, dit-il.

Libre des pressions politiques, assure le Dr Slaoui

Le défi de mettre au point un ou des vaccins en un temps record était de taille. Je pensais que c'était possible, mais extrêmement difficile, reconnaît le coordonnateur de l'opération, qui a 14 vaccins à son actif.

Quand on pense qu'il y a une chance que cela marche, il faut essayer, dit le scientifique, dont la soeur est morte de la coqueluche avant qu'il y ait un vaccin. Le risque, sinon, c'est que des millions et des millions de personnes [...] continuent à mourir.

Jusqu'ici, la COVID-19 a tué près de 260 000 Américains.

Je n'ai pas beaucoup hésité, malgré le fait que je ne sois pas du tout un partisan de l'administration Trump. L’important était d’aider la population américaine et du monde.

Une citation de Le Dr Moncef Slaoui, directeur scientifique de l'opération américaine Warp Speed

Le Dr Slaoui avait bien établi ses conditions dès le départ : disposer de tous les pouvoirs nécessaires sans obstacle bureaucratique et ne pas subir d'interférences politiques.

Le Dr Slaoui affirme d'ailleurs n'avoir absolument pas [subi] de pression de la part du président Trump.

Celui-ci avait pourtant exhorté publiquement les scientifiques à développer un vaccin avant l'élection du 3 novembre, qu'il a ultimement perdue. Ses adversaires avaient dénoncé des commentaires électoralistes, craignant qu'il tente de précipiter le processus d'autorisation et de distribution d'un vaccin.

La pression venait de la pandémie elle-même, soutient cependant le Dr Slaoui, qui dit être resté insensible au discours politique du président sur la place publique.

Ce qui l'a surtout incommodé, dit-il, ce sont les critiques de ceux qui l'ont accusé d'avoir accepté de diriger l'opération Warp Speed par appât de l'argent.

En fait, j'ai tout laissé tomber et je ne suis pas payé pour ce rôle. Je l'ai fait de manière bénévole. J'ai mis mon expérience et mon expertise et mon énergie à la disposition du pays et du monde. Et j'ai trouvé que c'était vraiment malsain de m'utiliser en tant que cible, parce que le vrai objectif, évidemment, était Trump, et moi je n’ai rien à voir avec Trump, laisse-t-il tomber.

  • Sophie-Hélène Lebeuf

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