Une molécule efficace contre la gonorrhée et la méningite

La découverte pourrait permettre de lutter plus efficacement contre les bactéries responsables de la gonorrhée et de la méningite à méningocoques, même les souches résistantes aux antibiotiques.
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Une découverte « fortuite » réalisée par une équipe de l'Institut national de la recherche scientifique (INRS) du Québec pourrait permettre de lutter plus efficacement contre les bactéries responsables de la gonorrhée et de la méningite à méningocoques, même les souches résistantes aux antibiotiques.
Les professeurs Frédéric Veyrier et Annie Castonguay essayaient de trouver des agents antimicrobiens efficaces contre différentes bactéries, notamment la bactérie Neisseria meningitis (qui cause la méningite) et Neisseria gonorrhoeae (qui cause la gonorrhée), quand ils ont fait cette découverte.
On screenait des molécules pour trouver des activités antibactériennes contre Neisseria meningitis et contre Neisseria gonorrhoeae
, a expliqué M. Veyrier en primeur à La Presse canadienne.
« On a trouvé plusieurs molécules, mais cette molécule-là [...] on s'est aperçu qu'elle avait une bonne activité et en plus de ça que son activité était vraiment spécifique aux deux Neisseria pathogènes. »
Malgré le fait qu'elles causent des maladies passablement différentes, la Neisseria meningitis et la Neisseria gonorrhoeae se ressemblent beaucoup, comparativement aux autres Neisseria, a-t-il précisé.
On trouve dans l'organisme plusieurs bactéries Neisseria, et toutes ne sont pas nuisibles. La découverte d'une molécule capable de s'en prendre uniquement à celles qui sont dangereuses devient alors d'autant plus intéressante.
« On va pouvoir tuer spécifiquement ces bactéries-là sans toucher les autres Neisseria qui font partie de notre flore normale. »
Résistance aux antibiotiques
La résistance aux antibiotiques est de plus en plus préoccupante. L'Organisation mondiale de la santé prévenait cet été que cela constitue aujourd'hui l'une des plus graves menaces pesant sur la santé mondiale, la sécurité alimentaire et le développement
.
L'agence onusienne de la santé ajoutait qu'un nombre croissant d'infections, comme la pneumonie, la tuberculose ou la gonorrhée […] deviennent plus difficiles à traiter, les antibiotiques utilisés pour les soigner perdant leur efficacité
.
« Si on dispose toujours de vaccins efficaces pour contrer la méningite, la situation de la gonorrhée est plus problématique. »
Neisseria gonorrhoeae commence à être un très gros problème parce qu'elle infecte beaucoup de monde sur la planète et, du coup, on a de plus en plus de bactéries qui sont résistantes aux antibiotiques qu'on utilise et on commence à avoir des souches qui commencent à résister à pas mal tout ce qu'on peut leur donner comme antibiotiques
, a-t-il expliqué.
Au Canada, la proportion de cas de gonorrhée multirésistante aux antibiotiques est passée de 4,5 % en 2014 à 8 % en 2018, selon les données du gouvernement fédéral.
« Les Neisseria sont particulièrement problématiques en ce qui concerne l'antibiorésistance, parce qu'on sait que leur génome se modifie assez facilement. »
Dans un premier temps, explique-t-il, elles ont une compétence naturelle
à capter et à intégrer l'ADN d'autres Neisseria ou d'autres bactéries. Cela leur permet donc de s'approprier des résistances aux antibiotiques.
De plus, leur système de réparation de l'ADN n'est pas forcément hyperperformant pour une bactérie, et du coup, il y a beaucoup de mutations qui peuvent s'accumuler
, a dit M. Veyrier.
« Et en présence de l'antibiotique, ces mutations-là peuvent être sélectionnées et causer une résistance à l'antibiotique. »
Le mécanisme qui permet à la molécule d'attaquer et de détruire les Neisseria n'est pas clairement compris, mais les chercheurs soupçonnent qu'il soit relié à la membrane des bactéries.
Les Neisseria pathogènes, par exemple, ont une membrane différente de celle de leurs cousines, ce qui pourrait expliquer pourquoi la molécule les attaque plus efficacement que les autres.
La découverte de cette molécule pourrait donc non seulement mener au développement éventuel d'une nouvelle thérapie, mais aussi permettre de mieux comprendre ce qui différencie les Neisseria dangereuses des autres.
Les conclusions de cette étude ont été publiées par le journal Antimicrobial Agents and Chemotherapy (Nouvelle fenêtre) (en anglais).