Tuerie de Portapique : des témoins parlent d'une situation « chaotique »
Sharon McLellan dit avoir vu par la fenêtre de sa cuisine deux policiers ouvrir le feu sur la caserne des pompiers d’Onslow durant la matinée du 19 avril 2020. La situation était « chaotique », dit-elle.
Photo : CBC/Steve Lawrence
Des gens témoignent du « chaos » qui régnait lorsque des policiers ont tiré sur une caserne de pompiers à Onslow, en Nouvelle-Écosse, durant la chasse à l’homme du printemps dernier.
Le 19 avril 2020, les services policiers étaient à la recherche d’un suspect qui se déplaçait en abattant des gens qu'il ne connaissait pas. En 13 heures, de Portapique à Enfield, cet homme a abattu 22 personnes.
Sharon McLellan, résidente d’Onslow, relate qu’elle parlait au téléphone lorsqu’elle a aperçu deux hommes sortir d’une voiture en portant des armes d’épaule. Selon elle, l’un d’eux a pris position dans un fossé et l’autre derrière une benne à ordures dans le terrain de stationnement de la caserne. Elle a entendu des coups de feu quelques secondes plus tard.
Mais l’homme responsable de la tuerie ne se trouvait pas à cet endroit. Deux agents de la Gendarmerie royale du Canada ont tiré en direction d’un autre agent et d’un passant qui étaient près d'une voiture du corps policier garée devant la caserne.
Mme McLellan dit qu’elle était bouleversée en entendant les coups de feu, qu’elle croyait que l’homme recherché était présent, qu’elle ne savait pas réellement ce qui se passait.
L’équipe de l’émission The Fifth Estate, de CBC, a étudié les enregistrements des caméras de surveillance de la caserne. Ces enregistrements ne montrent pas les policiers qui tiraient sur la caserne, mais on voit un homme portant un gilet de sécurité se précipiter à l’intérieur de l'édifice à 10 h 21.
Le chef suppléant des pompiers volontaires d’Onslow, Darrell Currie, se trouvait à l’intérieur, près de l’un des deux camions de la brigade, lorsqu’il a soudainement entendu des coups de feu. En entrevue à l’émission The Fifth Estate, il affirme que quelqu’un était entré en courant et en criant aux autres de se mettre à l’abri à cause des coups de feu. Tout le monde à l’intérieur s’est abrité de son mieux, dit-il.
Un enregistrement de surveillance montre que quelques secondes plus tard, un agent de la GRC
qui était garé devant la caserne se tenait debout, les mains en l’air, près de sa voiture.À lire aussi :
Personne à l’intérieur de la caserne n’a été blessé. Un mur a été criblé de balles. Des balles ont transpercé l’une des grandes portes du garage et endommagé le pare-brise d'un camion, son moteur et sa carrosserie. Des balles ont aussi transpercé une enseigne située à environ 60 mètres de la voiture de police garée et endommagé un monument en granite.
Sharon McLellan dit qu’elle a compté 32 impacts sur l’édifice après les faits. Elle estime que les gens qui étaient à l’intérieur l’ont échappé belle.
Le coût des réparations à l’édifice, à l’équipement, à l’enseigne et au monument endommagés s’est élevé à 39 000 $, précise le chef de la brigade, Greg Muise. La GRC , dit-il à l'émission The Fifth Estate, s’est chargée de la facture.
M. Muise dit croire que le camion a sauvé des vies. Il dit ressentir de la colère à la suite de cet incident et qu’il n’avait jamais connu d'incidents similaires auparavant en 39 ans de carrière.
La GRC The Fifth Estate au sujet de ces coups de feu.
n’a pas accordé d’entrevue à l’émissionL'Équipe d'intervention en cas d'incident grave de la Nouvelle-Écosse (SiRT) poursuit son enquête afin de déterminer ce qui s’est passé et pourquoi les deux policiers ont tiré sur la caserne des pompiers. Le directeur de l’Équipe d’intervention, Felix Cacchione, explique qu’elle attend depuis des mois les résultats d’une analyse en laboratoire des balles et des armes d’épaule.
Le fait que l’homme recherché se déplaçait à l’aide d’une ancienne voiture de police à laquelle il avait rendu son allure originale portait à confusion lors de la chasse à l'homme.
Ce matin-là, la caserne des pompiers d’Onslow accueillait des gens qui ne pouvaient rentrer chez eux à Portapique tandis que des policiers enquêtaient sur les meurtres de 13 personnes et les incendies criminels commis dans cette petite communauté.
Le policier garé devant la caserne était chargé de veiller sur la sécurité de ces personnes déplacées. Cet agent de la GRCThe Fifth Estate.
travaillait d’habitude dans le comté de Pictou, plus loin à l’Est, et les deux policiers qui ont ouvert le feu travaillaient dans un autre détachement, a apprisLes images des caméras de surveillance montrent ensuite l’un des policiers s’approcher de celui qui avait les mains en l’air. Il s'avançait en gardant son fusil braqué vers le sol. Les deux agents semblaient discuter tandis que le troisième faisait le tour du bâtiment à pied.
Environ trois minutes après les coups de feu, les deux policiers qui ont tiré sur la caserne ont quitté les lieux.
Ce matin-là, Greg Muise avait ouvert la caserne à la demande des autorités du comté de Colchester pour que les gens déplacés de leur demeure puissent s’y rendre le temps de trouver un autre logement temporaire.
Après avoir entendu les coups de feu, Greg Muise et Darrell Currie ont passé environ une heure abrités derrière des tables renversées. Un homme qui avait perdu un membre de sa famille abattu par le tueur au cours de la nuit précédente se trouvait avec eux.
Le policier garé à l’extérieur est entré pour vérifier s’ils se portaient bien. Selon les pompiers, l’agent n’a pas expliqué ce qui s’était passé ni précisé si le danger était écarté.
Aucun des agents qui ont tiré sur la caserne n’a parlé aux gens à l’intérieur. L’un deux est entré, mais il n’y est resté à l’intérieur que quelques secondes, peut-on voir sur l’enregistrement vidéo.
De l’autre côté de la rue, Sharon McLellan est restée dans sa maison. Elle dit avoir compris que les tireurs étaient des policiers lorsqu’elle a vu le mot police
écrit sur le dos de la veste de l’un d’eux. Elle a verrouillé ses portes en croyant qu’ils avaient fait feu sur le tueur de Portapique.
C’était complètement chaotique
, dit-elle en expliquant qu’il était impossible de savoir si le véritable tueur était dans les parages ou non.
À l’intérieur de la caserne, Darrell Currie a consulté le média social Twitter pour tenter d’en savoir plus.
Au moment où les deux policiers tiraient sur la caserne, à 10 h 21, la GRCTwitter indiquant que le tueur était dans la région d’Onslow Debert. Les pompiers, affirme M. Currie, ont alors cru que le tueur était dans les parages.
de la Nouvelle-Écosse a lancé un message surLe groupe à l’intérieur de la caserne ne s’est aventuré à l’extérieur qu’environ une heure plus tard, après avoir lu que la GRC
détenait un suspect. Des agents de la GRC avaient en fait retrouvé et abattu le tueur à une station-service à Enfield. Le corps policier a confirmé sa mort dans les heures suivantes.Durant l’après-midi, Sharon McLellan s’est rendue à la caserne et elle a parlé au policier toujours sur les lieux pour tenter d’en savoir plus. Le policier, raconte-t-elle, était ébranlé et lui a raconté une histoire touchante. Selon elle, il disait que c’était son jour de congé, qu’il avait été appelé à travailler, que son jeune fils lui avait demandé de ne pas y aller et qu’il lui avait dit qu’il serait vite de retour.
Plus tard, lorsque les pompiers ont visionné les enregistrements vidéo, ils ont constaté qu’à 10 h 07, 14 minutes avant les coups de feu, qu’une voiture ressemblant à celles de la GRC
est passée devant les lieux sans s’arrêter. Les pompiers croient qu’il s’agissait du tueur parce que cette voiture, contrairement à celles de la GRC en Nouvelle-Écosse, était équipée de barres de poussée.Aujourd'hui, sept mois après les faits, les pompiers volontaires sont toujours ébranlés. Personne ne leur a expliqué pourquoi deux policiers ont tiré sur leur caserne.
Darrell Currie dit croire que tout le monde a droit à des explications. Il espère en recevoir un jour.
Greg Muise dit se sentir troublé à la pensée qu’il avait ouvert la caserne pour aider des gens en difficulté et qu’ils ont été mis ainsi en danger. Il dit vivre un jour à la fois en espérant se sentir mieux, mais que ce n’est pas le cas la plupart des jours.
Sharon McLellan ajoute qu’elle se souvient des faits chaque fois qu’elle jette un coup d’oeil à la caserne. Elle estime que les policiers ont commis une erreur. Elle espère aussi qu’ils répondront un jour aux questions de la communauté.
D'après un reportage d’Elizabeth McMillan et de Gillian Findlay de CBC