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Accès à la terre : la situation se dégrade pour la relève agricole

L’appétit des citadins pour les maisons de campagne est un obstacle supplémentaire pour la relève.

Un maraîcher dans un champ.

Hugo de Foy Lavoie, propriétaire de la ferme Artisan Maraîcher.

Photo : Radio-Canada / Thomas Deshaies

Alors que le gouvernement du Québec plaide en faveur d’une plus grande autonomie alimentaire, les obstacles demeurent importants pour la relève agricole et surtout pour celle qui pratique une agriculture à petite échelle. Le prix de la terre est constamment en hausse et le regain d’intérêt des citoyens des métropoles pour des maisons de campagne ne fait qu’aggraver la situation.

On cherche une terre depuis an , s’exclame le propriétaire de la ferme Artisan Maraîcher, Hugo de Foy Lavoie. Il doit se contenter d’exploiter une terre en location sur laquelle il ne peut investir pour des infrastructures à long terme.

Il y a des journées où on se demande si ça va être de quoi qu’on va pouvoir continuer à faire à long terme (vivre de l’agriculture), si c’est aussi difficile que cela d’accéder à une terre.

Une citation de Hugo de Foy Lavoie, propriétaire de la ferme Artisan Maraîcher

La situation l’empêche d’augmenter sa production, puisqu’il n’a plus de place. Ses paniers bio ont fait fureur cette année. Ce ne sera pas une mince affaire de trouver une terre en raison, entre autres, du prix des terres qui rend l’accessibilité difficile pour de petits agriculteurs comme nous , se désole-t-il.

Un problème généralisé

Hugo de Foy Lavoie est loin d’être le seul agriculteur de la relève à être incapable devenir propriétaire d’une terre agricole en Estrie. C’est un enjeu qui peut être très facilement démontré. Le nombre de producteurs et d’entreprises agricoles est constamment en baisse depuis 100 ans, souligne le directeur de la Fédération de la relève agricole, Philippe Pagé.

Ça va prendre une plus grande intervention de l’État.

Une citation de Philippe Pagé, directeur de la Fédération de la relève agricole

Philippe Pagé tire la sonnette d’alarme et réclame plus de volonté politique . Ça prend un large consensus pour faire ces choix-là puis permettre à la relève d’accéder plus facilement à des terres , souligne-t-il.

Le prix de la terre a explosé dans plusieurs régions en raison de la loi de l’offre et de la demande. Tant que les gens vont vouloir des terres agricoles, les prix vont augmenter, souligne M. Pagé. La ville aussi se nourrit des terres agricoles. Elle ne peut pas agrandir ailleurs que cela.

En compétition avec les citadins

L’accès à la terre est encore plus difficile pour cette nouvelle génération d’agriculteurs qui délaisse le modèle d’agriculture industrielle au profit de la production biologique à petite échelle misant sur les circuits courts.

La législation québécoise a favorisé la fusion des terres pendant des décennies pour le bénéfice des grandes fermes.

Ce qui fait qu’il y a de moins en moins de petits lots qui sont disponibles dans toutes les régions du Québec, explique la présidente de la Coopérative pour l’agriculture de proximité écologique (CAPÉ), Caroline Poirier. Puis sur ces petits lots-là, la relève agricole est en compétition avec des gens qui veulent faire un projet de préretraite, de retraite en campagne.

Une agricultrice dans une serre.

Caroline Poirier, présidente de la Coopérative pour l’agriculture de proximité écologique.

Photo : Radio-Canada / Thomas Deshaies

On est en compétition avec les gens qui essaient juste de trouver une résidence à l’extérieur de la ville.

Une citation de Hugo de Foy Lavoie, propriétaire de la ferme Artisan Maraîcher

L’appétit des citadins pour les propriétés en campagne en cette période de pandémie n’a rien de réjouissant pour la relève. Nous ce qu’on veut, c’est plus d’entreprises agricoles qui vont alimenter puis nourrir le monde, pas des projets pour des retraités , clame Philippe Pagé.

Il souhaite que l’État s’implique pour s’assurer que les terres agricoles disponibles puissent être mises en valeur par des agriculteurs. Quand il y a une terre de disponible, on met tout en place pour que ce soit une relève agricole, qui s’établisse dessus. À ce moment-là, c’est un choix de société, puis ça va pendre une intervention du gouvernement plus forte que ce qu'ils font actuellement. Ça prend une réflexion avant d’en arriver là, puis faudrait qu’elle soit au moins entamée , s’exclame M. Pagé.

Diviser les grandes terres en plus petits lots?

Pour accéder à la propriété, certains agriculteurs comme Sarah Lamontagne tentent alors de morceler de grandes terres. Les plus petites parcelles ainsi créées avec l’approbation de l’actuel propriétaire pourraient être acquises à un prix abordable par plusieurs agriculteurs.

Un processus qui nécessite l’approbation de la Commission de protection du territoire agricole du Québec (CPTAQ) qui se montre encore aujourd’hui, selon l’avis de la CAPÉ, réticente à ce type de projet.

Caroline Poirier croit que cela s’explique puisque la CPTAQ est entrée en vigueur à une époque où on voulait sortir des gens des campagnes . On voulait que l’agriculture devienne plus productiviste, plus industrielle, plus rentable, moins basée sur l’autosuffisance , explique-t-elle.

Ça fait des décennies qu’on nous dit que l’âge moyen des agriculteurs est élevé, que c’est une population vieillissante, qu’il y a très peu de relève. Par contre, dans notre secteur, dans le milieu du maraîchage, de la biodiversité, les écoles sont pleines.

Une citation de Caroline Poirier, présidente de la CAPÉ

Il faut que l’État et ses lois s’adaptent davantage à l’émergence de cette nouvelle agriculture, plaide Mme Poirier. Plutôt que de continuer à promouvoir un modèle agricole qui ne correspond peut-être pas aux aspirations d’une grande partie de la relève, prenons les aspirations de cette relève puis réfléchissons collectivement sur comment on peut les aider à mettre en œuvre leurs rêves qui vont contribuer à augmenter l’autonomie alimentaire au Québec , souligne-t-elle.

Le ministre lance une réflexion au ministère

En entrevue à Radio-Canada, le ministre de l’Agriculture André Lamontagne s’est engagé à analyser cet enjeu. J’ai lancé une réflexion ici au ministère pour voir quelles seraient les façons d’améliorer si on veut l’arrimage entre ces nouveaux modèles d’agriculture-là, puis nos lois, nos réglementations , a-t-il déclaré.

Je suis vraiment engagé dans cette direction. Ce sont des choses que je veux réaliser dans mon mandat.

Une citation de André Lamontagne, ministre de l’Agriculture

Il juge cependant que le Québec est la province la plus généreuse du Canada pour la relève agricole. Je comprends qu’on peut toujours essayer de faire mieux, mais honnêtement, on a déjà passablement d’outils pour accompagner les gens qui veulent se lancer en agriculture aujourd’hui , souligne-t-il.

Alors que le ministre de l'Agriculture a annoncé jeudi de nouvelles mesures pour favoriser l'atteinte de l'autonomie alimentaire, l’enjeu de l’accès à la terre demeure une préoccupation majeure.

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