Attention à ne pas politiser le projet de tramway, prévient une spécialiste

Maquette du tramway à son passage sous les lignes d'Hydro-Québec
Photo : Ville de Québec
Prenez note que cet article publié en 2020 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Un jour à peine après la publication du rapport du BAPE, le ministre des Transports a exigé une nouvelle version du projet de tramway afin de mieux desservir les banlieues. Sans prêter d’intentions au gouvernement Legault, la professeure Marie-Hélène Vandersmissen espère que ce ne sera pas l’occasion de politiser le projet.
Effectivement, ce risque-là existe. Il va falloir le soupeser soigneusement
, prévient la directrice du département de géographie à l’Université Laval. C'est un terrain assez délicat
, admet-elle en évoquant le risque de se retrouver avec un tracé qui desservirait les banlieues, mais où l'achalandage ne serait pas au rendez-vous.
« Dans beaucoup de cas, on ne parle plus de projet de transport, ça devient des projets politiques. »
Un rapide coup d’oeil à la carte électorale de la région de Québec permet de saisir le risque qu’évoque Mme Vandersmissen. Les élus caquistes représentent la totalité des banlieues alors que les deux circonscriptions du centre-ville ont élu des députés de Québec solidaire.
Le règne de la voiture
Marie-Hélène Vandersmissen estime que dans certains quartiers de banlieues déjà construits autour de l’automobile, il ne sera pas nécessairement facile de convaincre les résidents de se convertir au transport en commun.
Elle donne le boulevard Robert-Bourassa en exemple, où des milliers d’unités d’habitation ont vu le jour ces dernières années. La plupart des ménages de ces secteurs ont déjà une automobile, sinon deux.
« Une fois qu'on a une automobile dans le stationnement chez soi, ça devient très difficile de passer à côté et d'aller s'acheter un billet d'autobus. »
Marie-Hélène Vadersmissen note aussi que les banlieues nord de Québec sont quand même bien desservies en autoroute
, ce qui constitue une raison de plus de se déplacer en voiture. Selon elle, le secteur Chaudière présente l’avantage de pouvoir rabattre un bon nombre de déplacements en provenance des secteurs ouest de la Ville, en plus de pouvoir orienter le développement résidentiel prévu vers le transport en commun.
Étalement urbain
À l’École nationale d'administration publique (ÉNAP
), Fanny Tremblay-Racicot n’est pas de cet avis. Selon elle, un terminus dans le secteur Chaudière aurait pour effet d'encourager l’étalement urbain autant dans le périmètre urbain que dans les secteurs plus au nord et plus à l’ouest.Dans son mémoire présenté à titre de citoyenne au BAPE
, elle remettait déjà en question la pertinence de ce choix, tout comme l’absence de bonification du service de transport en commun dans le secteur Lebourgneuf. La professeure adjointe est néanmoins d’avis que le tramway demeure le meilleur véhicule pour Québec, contrairement à ce que laisse entendre le BAPE .
Fanny Tremblay-Racicot analyse le rapport du BAPE sur le projet de tramway de Québec.
Photo : Radio-Canada
« Quand on lit entre les lignes du rapport du BAPE, on dirait que ça pointe vers un système rapide par bus. »
Le ministre des Transports, François Bonnardel, a affirmé que le tramway demeurait l’option privilégiée par le gouvernement. Il n’a pas mentionné un possible retour à un service rapide par bus.
Retard dans le projet
Mme Tremblay-Racicot admet que le désir de revoir le tracé du réseau risque d’engendrer des délais additionnels, mais juge que c’est un mal pour un bien. C'est mieux de prendre un pas de recul et le ministre a dit que l'échéancier du 3e lien serait revu. Alors je préfère qu'on prenne un pas de recul pour avoir un projet qui tienne la route qu'un projet qui ne va pas nécessairement rencontrer les objectifs de mobilité durable
, analyse la professeure adjointe.
Si le maire Régis Labeaume a fustigé le rapport du BAPEtronqué, biaisé et rempli d’incohérences
, Fanny Tremblay-Racicot estime plutôt qu’il s’agit d’une leçon d’humilité et une leçon de planification
pour l’administration municipale et le bureau de projet.
Selon elle, la Ville a jeté son dévolu trop rapidement sur le tracé du projet. Il ne faut pas prédéterminer une solution et y aller à fond comme on fait actuellement, et ça, c'est une leçon qu'on peut apprendre du projet actuel.