Un nouveau centre d'amitié autochtone dans Lanaudière

La communauté atikamekw de Manawan est située dans le nord de Lanaudière.
Photo : Radio-Canada
Prenez note que cet article publié en 2020 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Le gouvernement Legault investit 3,1 millions de dollars pour doter Lanaudière d'un nouveau centre d'amitié autochtone. Le centre sera construit sur un terrain adjacent à l'hôpital de Joliette, où est décédée dans des circonstances troublantes à la fin du mois de septembre Joyce Echaquan, une mère de famille atikamekw.
En plus des locaux administratifs, le nouveau point de service qui devrait ouvrir ses portes à l'automne 2022 comprendra un centre de la petite enfance.
Cette annonce arrive au moment où le Conseil de la Nation Atikamekw s'apprête à proposer au gouvernement Legault l'implantation d'un guide conçu pour et par les Premières Nations pour adapter les soins de santé au Québec aux autochtones.
Au cours des dernières semaines, le conseil de bande de Manawan, où vivait Joyce Echaquan, a mené des consultations auprès des Atikamekw et des autres communautés autochtones. Ils ont élaboré le principe de Joyce, une sorte de marche à suivre pour éviter que l'histoire de la mère de 37 ans ne se reproduise. À Manawan, où nous nous sommes rendus, c'est une façon de donner un sens à sa mort.
Le chemin de Manawan est une route cahoteuse qui semble ne mener nulle part. Pourtant, au bout des 86 kilomètres de chemin forestier, nous arrivons à un poste de contrôle. COVID-19 oblige, les policiers de la réserve vérifient si nous avons bel et bien l'autorisation d'y entrer. Quand, finalement, le vice-chef du conseil de bande nous donne le feu vert, nous avons presque l'impression de franchir une frontière, d'entrer dans un autre monde, celui de Joyce Echaquan.
Aux fenêtres des maisons, plusieurs Atikamekw affichent la photo de la mère de 37 ans dont les derniers moments à l'hôpital de Joliette ont soulevé la honte et l'indignation.
À Manawan, tout le monde connaissait Joyce et tout le monde connaît aussi les lacunes dans les soins de santé aux Autochtones.

Le centre Masko-Siwin est la porte d'entrée du système de santé pour les Atikamekw de Manawan
Photo : Radio-Canada
La communauté dispose d'un dispensaire qui offre des services de première ligne. Le centre Masko-Siwin est la porte d'entrée du système de santé pour les Atikamekw de Manawan.
Le lien de confiance qu'on y crée avec les patients est donc primordial. La priorité, c'est qu'ils se sentent en sécurité à l'intérieur des soins qu'on leur donne
, explique Sandro Echaquan, le premier infirmier praticien spécialisé autochtone au Québec.
Chaque geste compte, dit l'infirmier, qui a troqué le stéthoscope autour de son cou pour un médaillon bien particulier qui représente une patte d'ours. L'ours est le symbole chez les Atikamekw du porteur de la médecine
, raconte l'homme, qui est également le cousin de Joyce Echaquan. Il sait mieux que quiconque qu'avant de soigner, il faut dissiper la méfiance des patients.
Le principe de Joyce

Sipi Flamand est vice-chef du conseil de bande de Manawan.
Photo : Radio-Canada
Malgré le dévouement des infirmiers et des intervenants sociaux qui travaillent au centre Masko-Siwin, la relation de confiance est fragile avec les patients et les soins dispensés sont limités. Lorsque le personnel soignant arrive au bout de leurs ressources, c'est là qu'il y a rupture dans le traitement et, bien souvent, c'est à ce moment que la démarche du patient s'arrête.
Quand ils nous appellent et qu'on les voit et qu'on leur dit : "J'ai fait tout mon possible, j'ai fait l'évaluation, je pense que c'est ça et je pense qu'il faut que tu ailles en ville, faut que tu ailles consulter à l'urgence." Ils ont peur, ils ne veulent pas y aller
, dit Jolianne Ottawa, également originaire de Manawan, et infirmière dans la communauté.
C'est tout un système que l'on veut corriger.
Pour le grand chef du Conseil de la Nation atikamekw, Constant Awashish, la solution pour corriger ce système doit être créé par les Premières Nations. Pour nous, c'est important que l'on puisse donner une voix, une image, quelque chose de concret au cri de Joyce Echaquan
, a-t-il affirmé.
Pour ce faire, le vice-chef du conseil de bande de Manawan, Sipi Flamand, a coordonné une série de consultations depuis la mort de la mère de 37 ans pour élaborer le principe de Joyce. Le principe de Joyce, ça vise à garantir des services de santé de qualité pour les Autochtones
, explique-t-il. Avec le principe de Joyce, on veut d'une part que le racisme systémique soit reconnu
, poursuit le vice-chef.
Parmi les mesures à mettre en place, il est évidemment question de la formation du personnel soignant à la réalité, à l'histoire et à la médecine traditionnelle autochtone. Dans la proposition initiale, les Atikamekw réclament que le principe soit inclus dans le serment des ordres professionnels et que les Autochtones puissent recevoir un maximum de soins dans leur communauté. Enfin, pour assurer l'application du principe, ils proposent la création d'un bureau d'ombudsman à la santé autochtone, à l'image de ce qui était recommandé dans le rapport Viens.
Le plus rapidement possible
À Manawan, la crainte qu'un drame comme celui de Joyce Echaquan se reproduise est bien présente. Voilà pourquoi on souhaite que le principe de Joyce soit implanté rapidement, d'ici la fin de l'année.
Si le gouvernement Legault refuse, les Atikamekw n'écartent pas la possibilité de se tourner vers les tribunaux pour l'y contraindre. Au bureau du ministre responsable des Affaires autochtones, Ian Lafrenière, on attend d'avoir en main la proposition pour en discuter.