Une femme autochtone frappée dans un détachement de la GRC lance une poursuite

Genesta Garson, au sol, auprès avoir été frappée et s'être cogné la tête contre le mur et puis sur le plancher de ciment lors de sa chute.
Photo : Gendarmerie royale du Canada (GRC)
Prenez note que cet article publié en 2020 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Une femme lance une poursuite après avoir été frappée au visage par un agent de sécurité communautaire municipal dans le détachement de la GRC de Thompson, au Manitoba. Genesta Garson dit également avoir été victime de discrimination parce qu'elle est Autochtone.
CBC/Radio-Canada a obtenu la vidéo grâce à une demande auprès de la Cour.
Le 6 janvier 2018, deux agents de sécurité communautaire ont transporté Genesta Garson, une femme de 19 ans de la nation crie Tataskweyak, à un point de service de la Gendarmerie royale du Canada (GRC). Ils la soupçonnaient d'être ivre devant l'hôtel Northern de Thompson, au Manitoba.
Il était prévu que Genesta Garson se dégrise en passant la nuit sur un plancher de ciment dans une cellule. Elle est plutôt partie en ambulance cette soirée-là, car un agent de sécurité l’a frappée au menton, et la jeune femme a perdu connaissance.
Attention : cette vidéo contient des images qui pourraient choquer.

Un agent de sécurité donne un coup de poing au visage de Genesta Garson. Sa tête frappe le mur et à nouveau en tombant le plancher de ciment.
Photo : Gendarmerie royale du Canada (GRC)
Depuis que c’est arrivé, je ne me sens plus en sécurité quand il y a des agents près de moi.
La femme avoue avoir bu quelques bières. Quand elle est arrivée au point de service de la GRC, on a exigé qu'elle se dévêtisse de plusieurs couches de vêtements et qu'elle enlève son soutien-gorge, pour des raisons de sécurité. À cette étape, la vidéo de surveillance montre autour d'elle deux agents de sécurité communautaire de la Ville de Thompson et une agente de la GRC.
Dans la vidéo, Genesta Garson hésite avant d’enlever sa ceinture. Elle recule au moment où un des agents s’approche d'elle. Je me suis sentie mal à l’aise quand ils m’ont demandé d’enlever mon soutien-gorge
, explique Genesta Garson.
Elle enlève sa ceinture et la lance vers l’agent de sécurité et l’agente de la GRC. J’ai essayé de lui donner rapidement, il a pensé que j’essayais de le frapper
, raconte la femme.
À ce moment-là, un des agents de sécurité communautaire la frappe au visage. Sa tête frappe le mur. Genesta Garson se cogne à nouveau la tête en tombant sur le plancher de ciment.
Les deux hommes prennent la femme de 19 ans par les mains et la traînent au sol jusqu’à une cellule. Des ambulanciers arrivent 15 minutes plus tard pour transporter Genesta Garson à l’hôpital.
Dans son dossier de l’hôpital, il est écrit : La femme a frappé un agent avec sa ceinture. Elle a donc été frappée au visage.
Son dossier médical note aussi qu'elle a la lèvre coupée, un bleu sur le menton et a perdu conscience 10 secondes. Des bleus sont apparus sur le côté de la tête après sa chute.
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Protocoles des agents
Les agents de sécurité communautaire peuvent, selon la loi sur les services de police du Manitoba (Nouvelle fenêtre), détenir une personne si elle se trouve à la fois dans un lieu public et en état d’ébriété ou droguée.
Selon la GRC, les agents de sécurité communautaire sont surveillés par la Ville de Thompson. En cas d’allégations criminelles, la GRC enquête.

Après avoir visionné la vidéo, l’ancien directeur de l’Unité des enquêtes spéciales (UES) de l’Ontario, Howard Morton, estime que la réaction de l'agent de sécurité était « exagérée et dépassait de loin les limites de l'acceptable ».
Photo : CBC/Radio-Canada
L’ancien directeur de l’Unité des enquêtes spéciales (UES) de l’Ontario, Howard Morton, est d’avis qu’une entité indépendante devrait directement surveiller les agents de sécurité communautaire comme cela est fait avec les policiers.
Quand l’agent l’a frappée au visage, ça représentait de la vengeance. Ce n’était pas une question d’autodéfense.
M. Morton ajoute que le gouvernement du Manitoba devrait placer les agents de sécurité sous la juridiction de l’Unité d’enquête indépendante du Manitoba (IIU), ce qui n'est pas le cas en ce moment.
Plus de 27 000 arrestations
Ces cinq dernières années, dans le nord du Manitoba, les agents de la GRC ont eu recours 27 000 fois à la Loi provinciale sur la détention des personnes en état d’ébriété (Nouvelle fenêtre). Ce nombre inclut aussi les personnes soupçonnées d'être sous l'influence d’un stupéfiant.
La loi a été créée pour prévenir les dangers potentiels de ces personnes envers elles-mêmes ou envers les autres. Ces personnes ne sont pas officiellement arrêtées, et l’information notée dans le dossier n’est pas accessible au public.
Le nombre de personnes détenues en vertu de cette loi est six fois plus élevé dans le nord de la province que dans la capitale.
L’avocat de Genesta Garson, Rohit Gupta, est d’avis que la loi est utilisée à outrance envers les Autochtones. M. Gupta a travaillé plusieurs années comme avocat criminaliste dans le nord.
Il remarque qu'un nombre élevé d'Autochtones se retrouvent dans une cellule pour ce type d'incident.
Si ç'avait été une autre personne, on l'aurait reconduite à la maison. Elle aurait simplement reçu un avertissement des policiers.
Après avoir quitté l’hôpital, Genesta Garson a été accusée de voies de fait contre un agent de sécurité. L'accusation a été suspendue depuis.
Son avocat a aidé la femme à déposer une plainte formelle contre la GRC dans le cadre de la Commission civile d’examen et de traitement des plaintes relatives à la GRC.

Deux agents de sécurité communautaire ont transporté Genesta Garson, une femme de 19 ans de la nation crie Tataskweyak à un point de service de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) à Thompson.
Photo : Jerry Hebert
Pression pour annuler une plainte, selon la femme
Plutôt que d’avoir son avocat comme intermédiaire de communication, Genesta Garson dit qu'elle a été approchée à maintes reprises à sa résidence de Split Lake, à 140 km au nord de Thompson, par différents agents de la GRC qui lui demandaient d’annuler sa plainte. La femme dit avoir succombé à la pression et au harcèlement
, et elle a signé pour annuler sa plainte.
La poursuite en dommages-intérêts nomme la GRC, la Ville de Thompson, le procureur général du Canada, David Lametti, les deux agents de sécurité communautaire, Garrett Allen et Thomas Warkentin, et l’agente de la GRC, Jenelle Hulan.
Garrett Allen est nommé dans la poursuite comme étant l’agent de sécurité qui a frappé Genesta Garson. CBC/Radio-Canada a tenté de l’appeler, mais il s’est abstenu de tout commentaire. Il a redirigé toutes les questions vers les directeur municipal de la Ville de Thompson.
La poursuite allègue également que les droits de Genesta Garson ont été violés et qu'elle a été victime de discrimination parce qu’elle est Autochtone.
Dans leurs déclarations déposées à la cour, la GRC et la Ville nient toutes les allégations de Genesta Garson. La Ville soutient qu'elle était « activement combative », tandis que la GRC décrit son comportement comme étant « erratique, non coopératif et agresssif ».
Le directeur municipal de la Ville de Thompson, Anthony McInnis, affirme que les agents de sécurité communautaires n’occupent plus leur poste, mais qu’un deux est toujours un employé de la Ville, sans préciser lequel.
Le superintendant de la GRC pour les opérations du nord, Kevin Lewis, déplore que Genesta Garson ait maintenant peur des agents.
M. Lewis explique que des agents de la GRC se sont rendus chez la elle pour tenter de régler de façon informelle sa plainte, une partie du processus
, selon lui.
Il ajoute qu’au bout du compte la GRC et la police ne représentent pas la solution pour contrer les problèmes sociaux. Nous travaillons seulement avec les résultats de ces problèmes sociaux.
Avec les informations de Kristin Annable