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Pesticides : Québec s'est fixé une cible de réduction déjà atteinte

Le ministère de l'Agriculture invoque un « biais » dans les données du ministère de l'Environnement.

Épandage de pesticides sur un champ de soya.

Les ventes ont considérablement diminué en 2018, mais le bilan des déclarations est faussé, admet le gouvernement.

Photo : iStock

Le Québec n'aura pas de mal à atteindre son objectif de réduire les ventes de pesticides de 15 % d'ici 2030 par rapport à la moyenne 2006-2008. C'est déjà fait depuis 2018, en tout cas sur papier.

Le nombre avait marqué les esprits lors du dévoilement du Plan d'agriculture durable, fin octobre, par le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries de l'Alimentation (MAPAQ) André Lamontagne : diminuer de 500 000 kilogrammes la quantité de pesticides utilisés dans les champs du Québec, une cible présentée comme très ambitieuse pour répondre aux préoccupations de la population.

Mais en consultant les plus récentes données disponibles, on remarque que les ventes de pesticides ont déjà diminué de 662 000 kilos depuis la période de référence.

Si on se fie à 2018, on n’a pas besoin d’avancer, constate Nadine Bachand, analyste principale, Agriculture et alimentation, chez Équiterre. Elle évoque un « mystère » entourant la très forte diminution des déclarations de ventes de glyphosate.

Les gens de terrain ne corroborent pas ces données. Si on regarde les superficies de culture OGM qui vont avec l’usage de glyphosate, elles ne diminuent pas.

Une citation de Nadine Bachand, analyste principale, Agriculture et alimentation, Équiterre

Selon l'organisme Vigilance OGM, des agriculteurs québécois se seraient beaucoup plus approvisionnés en Ontario et sur le web en 2018, ce qui n'apparaîtrait pas dans les données colligées par le Québec.

S’il y a des failles dans le système de comptabilité des pesticides, on aurait aimé qu’elles soient prises en compte et rectifiées dans le Plan d'agriculture durable, ajoute le coordonnateur de Vigilance OGM, Thibault Rehn.

Or, le Plan présenté par Québec ne fait nullement mention de problèmes avec les données de ventes de 2018. On peut même lire que le bilan des ventes de pesticides de 2018 fait état « d’une baisse considérable des risques pour la santé ». Il est aussi mentionné que ces données seront incluses dans le calcul de la moyenne 2018-2020.

Le ministère de l'Agriculture reconnaît un « biais » et un « écueil » dans les données de 2018

Des contenants de Roundup sur les tablettes d'un commerce.

Le glyphosate est présent dans l'herbicide le plus vendu sur la planète, le Roundup.

Photo : Reuters / Mike Blake

La coordonnatrice de la stratégie phytosanitaire du MAPAQ, Marie-Hélène April, admet un écueil de 2018 [...] plus au niveau des ventes de glyphosate. Elle évoque aussi un biais dans le rapport des ventes effectué par le ministère de l'Environnement.

La spécialiste des pesticides, qui a participé à l'écriture du Plan d'agriculture durable, rappelle toutefois que ses collègues de l'Environnement avaient écrit une mise en garde dans leur bilan des ventes 2018. On peut effectivement y lire qu'aucun signal sur le terrain ne témoigne d’une telle diminution de son utilisation.

Selon les observations de nos experts sur le terrain, l’usage du glyphosate pour l’année 2019 serait semblable à celui des années antérieures. De ce fait, la cible fixée dans le cadre du Plan d’agriculture durable est en cohérence avec les tendances observées depuis les 10 dernières années

Une citation de Laurence Voyzelle, attachée de presse du ministre de l'Agriculture du Québec

C’est quand même un réel défi de faire baisser les ventes de pesticides, reconnaît Marie-Hélène April. Son ministère évoque même des pressions à la hausse avec l’augmentation de la résistance des ennemis des cultures aux pesticides et l’évolution du climat.

En fait, depuis 1992, le Québec n'est jamais parvenu à atteindre ses objectifs de réduction de l'usage des pesticides.

Les producteurs se félicitent quand même de la « baisse » de 2018

Christian Overbeek, président des Producteurs de grains du Québec, lors d'un point de presse le 26 novembre.

Christian Overbeek, président des Producteurs de grains du Québec

Photo : Radio-Canada

Le 22 octobre, dans son communiqué de presse pour saluer l'adoption du Plan d'agriculture durable, le président de l'Union des producteurs agricoles, Marcel Groleau, écrivait au sujet des pesticides que d’importants gains ont été réalisés et que ses membres sont proactifs.

M. Groleau utilisait même les données faussées de 2018 comme référence : La quantité de pesticides appliqués à l’hectare a diminué de 43 % entre 2014 et 2018, ce qui représente un des indices de pressions les plus faibles dans le monde.

De son côté, le président des Producteurs de grains du Québec, Christian Overbeek, affirme à Radio-Canada qu' on voit déjà une diminution et qu'il y a une tendance à la baisse.

Les producteurs ont quand même mis en application un ensemble de gestes qui ont apporté ces résultats-là. On souhaite que cette amélioration se perpétue.

Une citation de Christian Overbeek, président des Producteurs de grains du Québec

On utilise les pesticides par nécessité et non par plaisir, ajoute M. Overbeek. C’est nous autres qui avons la face dedans.

Le Plan du gouvernement du Québec pour s'attaquer aux pesticides survient un an et demi aprèsl'affaire Louis Robert, cet agronome qui avait dénoncé l'ingérence de l'industrie dans la recherche sur les grains. Cette affaire avait mené à la mise sur pied d'une commission parlementaire sur les pesticides.

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