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Des enseignants témoignent : comme leurs collègues, ils sont au bout du rouleau

Une salle de classe vide.

Des enseignants disent que le stress élevé et l'augmentation de la charge de travail pendant la pandémie pourraient conduire à des salles de classe vides l'automne prochain si les choses ne changent pas bientôt.

Photo : Getty Images/iStock/DONGSEON KIM

Radio-Canada

Quelques mois à peine après la rentrée scolaire, de nombreux enseignants de Winnipeg font déjà face à un risque d'épuisement professionnel, leurs tâches s'étant multipliées en raison de la COVID-19.

J'ai l'impression de courir un marathon sans qu’il y ait de ligne d'arrivée, affirme une enseignante au primaire.

CBC/Radio-Canada a accepté de ne pas nommer les enseignants qui ont donné leur témoignage afin de protéger leur anonymat, de peur de subir des mesures disciplinaires pour avoir pris la parole.

Depuis l'entrée en vigueur du niveau d’alerte orange dans les écoles de Winnipeg, certains enseignants affirment que leur charge de travail, déjà excessive, a doublé. Pour permettre plus d'espace entre les bureaux, des classes ont été divisées, et des élèves ont également opté pour l'apprentissage à distance.

Je travaille littéralement de 8 h à 22 h avec une pause de 16 h 30 à 20h, dit un enseignant de niveau intermédiaire, qui ajoute que son temps de pause est utilisé pour répondre aux besoins de sa famille.

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Une représentation du coronavirus.

Il précise que, non seulement les professeurs de son école doivent enseigner en se rendant dans deux ou trois salles de classe, mais ils doivent également s'occuper, en même temps, des élèves qui reçoivent de l'enseignement à distance. On doit aussi produire des vidéos et des leçons pour ces élèves, dit-il.

De nature, les enseignants sont flexibles. Nous sommes capables de nous adapter, mais, là, on arrive à moment où la capacité d’adaptation à ses limites, affirme l'enseignant.

Il précise qu'il a recours à un soutien en santé mentale pour faire face au stress, mais craint pour les enseignants qui ne sont pas en mesure de faire de même.

Une enseignante au primaire affirme que l'ajout de l'apprentissage à distance à ses nombreuses tâches n’est pas viable.

On nous a toujours dit, dès le début, qu'il y aurait un enseignant attitré pour l'apprentissage à distance, et cela ne s'est pas produit, dit-elle.

Avoir l'impression que personne ne cherche à trouver une solution est, selon l’enseignante, un facteur qui ajoute au stress des enseignants.

Les enseignants sont extrêmement frustrés par le syndicat parce que nous ne l'entendons pas ou ne le voyons pas du tout faire quoi que ce soit, soutient-elle. Nous n'avons pas l'impression d'être écoutés et encore moins d'être défendus.

Une femme portant un masque bleu sur le visage mesure avec un ruban à mesurer la distance entre deux pupitres dans une salle de classe.

Une enseignante dans une école primaire mentionne que la distance physique de 2 mètres entre les bureaux des élèves n’est toujours pas respectée, et ce, même si les écoles sont au niveau orange.

Photo : Getty Images / izusek

Ses tâches ont encore augmenté quand les écoles ont été élevées au niveau orange restreint, et l'enseignante mentionne que son établissement scolaire ne respecte toujours pas la distance physique de 2 mètres recommandée entre les élèves.

C’est frustrant, dit-elle. Je trouve ça difficile d'aller au travail et de croire que je suis en sécurité quand je travaille dans une salle fermée et bondée. Les enfants n'ont pas deux mètres d'espace entre eux et selon leur niveau scolaire, il n'est pas toujours nécessaire pour eux de porter un masque.

Elle explique de plus qu’avec les plus jeunes, une grande partie de son temps est consacrée à nettoyer les surfaces et à aider les élèves à se laver les mains, un temps qu'elle pouvait auparavant consacrer à la préparation de cours ou à la notation des devoirs.

Nous passons près de 45 minutes de notre journée à nous laver les mains.

Une citation de Une enseignante à l'école élémentaire

Une enseignante au secondaire, qui a l'impression d'occuper deux emplois à temps plein depuis le début de l'année scolaire, se dit physiquement épuisée.

Elle enseigne à la fois en classe et en ligne depuis septembre. Devoir être à deux endroits à la fois lui laisse peu de temps pour accomplir ses autres tâches, affirme-t-elle.

Chaque jour, elle dit espérer une fermeture des écoles secondaires et l’enseignement à distance à 100 % du temps. Ce serait beaucoup plus facile puisque j’aurais l’impression de ne faire qu’un seul travail.

Un enfant tend sa main pour recevoir du désinfectant.

Des enseignants affirment que des tâches comme aider les élèves à se laver les mains ou nettoyer les surfaces, les livres et l'équipement, leur font perdre le temps qu'ils consacraient à la préparation des leçons et à la correction des travaux.

Photo : Radio-Canada / Christian Milette

Plus que de l’épuisement physique

Les enseignants qui ont accepté de livrer leur témoignage s’entendent pour dire que les mesures sanitaires mises en place dans les écoles par le gouvernement alourdissent leur charge de travail.

De nombreux enseignants ne prennent pas de pauses en raison de tâches supplémentaires qui leur sont confiées, comme surveiller les élèves lors des récréations ou désinfecter les livres et les équipements.

L'épuisement professionnel et la crainte qu'il n'y ait pas assez d'enseignants suppléants pour remplacer ceux qui sont malades sont les plus grandes préoccupations à l’heure actuelle.

Les enseignants sont épuisés mentalement, pas seulement physiquement, déclare une enseignante à l’élémentaire.

Je crois vraiment que si nous continuons ainsi, nous aurons des classes vides à l’automne 2021. Un bon nombre d’enseignants opteront pour une retraite anticipée, ou s'orienteront vers d’autres carrières ou auront des congés de maladie prolongés, ajoute-t-elle.

De l'argent qui se fait toujours attendre

Ces enseignants expriment d'ailleurs des inquiétudes concernant le financement des écoles. Selon eux, le besoin d'enseignants et de suppléants est criant.

Nous continuons d'attendre pour les sommes d'argent, indique une des enseignantes. Elle fait référence aux 85,4 millions de dollars alloués par le gouvernement fédéral pour aider les écoles à faire face à la pandémie.

Cette somme s'ajoute aux 100 millions de dollars réservés pour les écoles en début de pandémie.

Le ministre de l'Éducation, Kelvin Goertzen, dans un couloir.

Le ministre de l'Éducation, Kelvin Goertzen, indique que la province dépensera l'argent réservé aux écoles pour faire face à la pandémie en temps voulu.

Photo : Radio-Canada / Jeff Stapleton / CBC

Le ministre de l'Éducation, Kelvin Goertzen, a précisé lundi que 15,5 millions de dollars ont été dépensés à la fin de septembre pour améliorer le nettoyage, le transport, la technologie et l’embauche de personnel.

La province déclare qu’elle ne peut profiter de l'allocation fédérale tant qu'elle n’a pas épuisé les 100 millions de dollars. Le ministre de l’Éducation rappelle que 48 millions de dollars ont été épargnés par les divisions scolaires au printemps, à la demande du gouvernement provincial.

Après la période de questions à l'Assemblée législative, lundi, le ministre Goertzen a répondu aux journalistes que la province dépenserait l'argent en temps voulu et que cet argent n'avait pas besoin d'être entièrement dépensé en septembre.

De leur côté, les enseignants croient fermement que ces investissements sont nécessaires maintenant.

Le président l’Association des enseignantes et enseignants franco-manitobains, Roland Deleurme, est également du même avis. Cet investissement permettrait l’embauche de ressources humaines qui sont nécessaires en ce temps de pandémie, dit-il.

Il aimerait aussi que la province réduise ses attentes en ce qui concerne la préparation des bulletins. Il suggère l’idée d’un bulletin simplifié avec moins de mesures à évaluer. Avec le taux d’absence des élèves, ce n’est pas évident pour les enseignants de préparer un bulletin régulier, affirme Roland Deleurme.

On est à un point de bascule et s'il n'y a pas d'interventions, si ce gouvernement n'utilise pas l'argent qui lui est alloué par le gouvernement fédéral pour protéger les enseignants et les élèves, ce système, cette institution dont nous dépendons, que nous valorisons et dans lequel nous investissons, je le vois s'effondrer, conclut un enseignant de niveau intermédiaire.

Avec les informations d’Holly Caruk et Abdoulaye Cissoko

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