Gagnon, la ville enfouie sous la terre

Le triste sort de la ville de Gagnon : de la fermeture à la démolition
Avez-vous entendu parler de la ville de Gagnon, sur la Côte-Nord? Cette ville minière a connu une bien courte vie avant d’être complètement rayée de la carte du Québec en 1985.
Gagnon n’est pas une ville fantôme. C’est une ville qui n’existe plus, car elle a été rasée, puis enterrée.
Un peu plus d’un quart de siècle s’est écoulé entre la fondation de la ville de Gagnon par la compagnie minière Québec Cartier en 1957 et sa fermeture en 1985.
L’économie de cette ville lointaine et isolée de la Côte-Nord reposait uniquement sur l’extraction du fer.
Un premier coup frappe la région en 1976 avec l’épuisement du premier gisement de fer sur les rives du lac Jeannine.
Sidbec-Normines, entreprise indépendante de Québec Cartier, entreprend alors l’exploitation d’un second site au nord de la ville, le gisement du lac Fire.
La crise mondiale du fer au début des années 80 vient toutefois affecter le rendement de la minière, qui décide de cesser complètement ses activités à Gagnon.
En 1984, 80 % des 3500 habitants de Gagnon travaillent pour Sidbec-Normines. La survie de la ville sans cet employeur unique paraît inconcevable.
La fermeture

Reportage de Claude Desbiens sur l'annonce de la fermeture de Gagnon par le conseil municipal aux citoyens de la ville. Le bulletin de nouvelles est présenté par Jean Ducharme.
« Il était 8 h hier soir dans la ville minière de Gagnon lorsque le conseil municipal a demandé aux citoyens par l'entremise de la radio de se rendre à l'église pour 22 h . »
La décision irréversible de fermer la ville minière de la Côte-Nord est annoncée le 11 octobre 1984.
Les Gagnonais encaissent la nouvelle avec calme et amertume. Depuis deux ans, ils ne font que recevoir de mauvaises nouvelles sur l’avenir de leur ville mono-industrielle.
Le maire René Coicou souhaite maintenant se battre pour que tous soient traités de façon juste et équitable.
La fermeture définitive de Gagnon fait consensus entre les élus, l’employeur de la ville et le syndicat des travailleurs.
Deux ans plus tôt, l’arrêt des activités minières de la compagnie Iron Ore du Canada à Schefferville a été catastrophique pour la population.
Désertée par 90 % de ses habitants, la ville de Schefferville est au bord de la faillite et ses services sont réduits à leur plus simple expression.
En disparaissant complètement, Gagnon souhaite éviter de connaître le même sort.
« En juin prochain, la ville de Gagnon devrait être normalement déserte », conclut le journaliste Claude Desbiens au Téléjournal du 12 octobre 1984. « De nombreux espoirs et des centaines de millions de dollars auront été perdus. »
La destruction
Les habitants de Gagnon doivent quitter leur ville avant le 1er juillet 1985.
La ville cesse alors d’exister et son administration repose sur le ministère des Affaires municipales du Québec.
La compagnie Sidbec-Normines paye les dettes municipales de Gagnon, rachète les commerces, les maisons et offre un dédommagement de 15 000 dollars à chacun de ses employés.
Elle se charge aussi de la démolition de la ville.

Reportage d'Yvan Chouinard sur la démolition en cours de la ville de Gagnon.
« Gagnon vit maintenant au rythme du pic des démolisseurs. »
Comme en témoigne ce reportage au Téléjournal du 14 août 1985, la ville de Gagnon est complètement rasée.
Ce sont 1000 bâtiments et maisons qui doivent être démolis. Tout sera ensuite enfoui sous terre.
La désolation
En plus de perdre leurs racines, les anciens habitants de Gagnon voient avec la démolition de la ville leur lieu d’appartenance disparaître.
Cet épisode est traumatisant pour nombre d'entre eux, d’autant plus qu’il s’étire dans le temps.

Reportage de Pierre Stea sur les travaux de démantèlement qui se poursuivent dans la ville fermée de Gagnon. Le bulletin de nouvelles est présenté par Suzanne Laberge.
Trois ans après sa fermeture officielle, le journaliste Pierre Stéa se rend sur le site de la ville de Gagnon pour le Téléjournal.
La nature y reprend tranquillement ses droits, mais puisque seul le haut des bâtiments a été rasé, certains vestiges de la ville demeurent bien visibles.
Une ville dort toujours sous les décombres, constate le journaliste.
Les caméras de Radio-Canada nous montrent des bouches d’égout à découvert, des trottoirs brisés et de nombreux dépotoirs à ciel ouvert.
« Contrairement aux voleurs professionnels, les démolisseurs ont tout emporté de la banque, sauf son coffre-fort. »
Une trentaine de travailleurs s’affairent toujours à terminer le démantèlement des installations de Sidbec-Normines.
Sur le site de la mine, le journaliste Pierre Stéa s’inquiète de trouver des barils de BPC dans un entrepôt non sécurisé. Des tonnes de ferrailles et des transformateurs électriques jonchent également le sol.
Le spectacle de la ville détruite de Gagnon est particulièrement désolant.
Comme le souligne le journaliste, la démolition de Gagnon doit être approuvée par le gouvernement québécois avant que la ville ne soit complètement abandonnée.
Loi sur la cessation d'existence de la ville de Gagnon est sanctionnée le 21 novembre 1990.
La nostalgie

Reportage de Sébastien Bovet sur l'événement de retrouvailles des anciens résidents de Gagnon pour le 10e anniversaire de la fermeture de la ville. Le bulletin de nouvelles est présenté par Solveig Miller.
Gagnon n'est plus qu'un souvenir
, souligne le journaliste Sébastien Bovet dans ce reportage au Téléjournal du 27 juillet 1995.
Un souvenir qui éveille la nostalgie pour les ex-Gagnonais qui se rassemblent en grand nombre à chaque anniversaire de la fermeture de la ville.
Ce n'est pas nous qui avons choisi de s'en aller
, exprime une ancienne habitante en se remémorant cet exode forcé. On nous a poussés, on nous a mis dehors de Gagnon
.
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