Un nonagénaire sculpte pour ne pas oublier
Ernest Fauvelle commence toujours par sculpté ses personnages entièrement nus. Quand la symètrie du corps humain est bonne, il habille son personnage.
Photo : Radio-Canada / Jimmy Chabot
Le sculpteur de renommée internationale Ernest Fauvelle n’a pas perdu sa passion, et ce, bien que son corps se referme tranquillement sur lui-même. Atteint de douleur névralgique aux mains et aux pieds, l’homme de 90 ans se rend quotidiennement dans son atelier d’un pas très très lent; sculpter l’aide à stimuler ses capacités cognitives.
Je n’ai pas perdu le cerveau. Quand je fais une sculpture, il faut que je décide comment je vais la faire
, raconte l’homme qui n’a aucun problème de démence.
L’homme n’a cependant plus l’énergie de sa jeunesse. J’ai encore du monde qui me téléphone : "Fais-tu des sculptures", pas ben ben maintenant
.
Là, je passe des journées à ne rien faire et je suis bien heureux. Dès fois, je m’assois dans ma shop juste pour être dans ma shop.
La névralgie lui a donné un dur coup. Il ressent un picotement comme des aiguilles
dans ses doigts, il n’a plus aucune sensation dans ses pieds. Avant que ses capacités motrices ne se détériorent, Ernest avait fait des moules d’une soixantaine de ses œuvres originales.
Cinquante livres [le moule et le plâtre], ça commence à être dur à lever. J’en faisais douze par jour avant
, relate l'homme qui s'est spécialisé dans les sculptures minières.
Maintenant, ça me prend toute mon énergie en faire une.
Ernest Fauvelle remercie le Bon Dieu
de lui avoir donné ce talent pour la sculpture qu’il a découvert assez tardivement dans sa vie, en 1985.
Je n’ai jamais pris une leçon
, raconte l’homme autodidacte qui habite à Haileybury, dans le Nord de l’Ontario.
Il y avait quelque chose dans moi. Le Bon Dieu m’a donné un don et si je ne l’utilise plus, il va me l’arracher
.
Voilà une des raisons pour laquelle il continue de peaufiner son art. J'ai encore à faire
, dit-il
Dans mon mode de création, il n’y a pas d’autres choses dans ma tête. J’oublie parfois de manger tellement je suis encore passionné par ce que je fais.
Une force à l’image de sa mère
Quand on questionne Ernest sur la sculpture la plus marquante de sa carrière, la réponse est simple.
La sculpture qui raconte l’histoire de sa mère, qui a échappé au grand feu de Haileybury en passant la nuit dans le lac Témiscamingue. Celle-là , c’est ma favorite
, dit-il sans hésitation.
Le grand feu de Haileybury a pratiquement rasé le village le 4 octobre 1922. Plus de 90 % de la ville a brûlé, laissant plus de 3500 personnes sans-abri.
Mon jus de création a beaucoup travaillé pour cette sculpture parce qu’il y avait beaucoup d’émotions. Quatorze pieds de long, 42 morceaux que j’ai sculptés et qu’on a joints ensemble à la fonderie.
Chaque fois qu’il regarde cette sculpture commémorative dans les berges du lac Témiscamingue, Ernest a une autre raison d’être ému.
J’ai pris ma fille comme modèle parce qu’elle ressemble à ma mère, belle comme ma mère
.
Afin de traverser la maladie, Ernest Fauvelle trouve la force d’avancer à travers le récit traumatisant de celle qui l’a mis au monde, Lillian (Gagnon) Fauvelle.
Chaque fois que je suis tanné, je pense à elle, qui a passé la nuit dans l’eau. Elle n’était pas tannée, elle était bien protégée du feu dans l'eau froide
, conclut Ernest, qui, lui, se protège de la maladie dans son atelier.