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Un couloir d'hôpital.

En raison de la pandémie de COVID-19, plusieurs proches aidants ne peuvent plus accompagner des patients atteints de cancer lors d’annonces difficiles.

Photo : iStock

Roxane Léouzon
Prenez note que cet article publié en 2020 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.

C’est sur une civière à l’urgence, seul, que Maurice Mongeon a appris le 23 septembre une nouvelle qui bouleverserait sa vie.

Depuis le début de la pandémie, plusieurs proches aidants sont dans l’impossibilité d’accompagner des patients atteints de cancer lors d’annonces difficiles, d’examens ou de traitements dans des hôpitaux du Québec, selon la Société canadienne du cancer. Ce patient de Val-des-Monts, en Outaouais, l’a appris à ses dépens.

Sa femme, Yvonne, qui l’avait reconduit à l’Hôpital de Papineau, dit n’avoir pas pu entrer avec lui, en raison de mesures mises en place pour lutter contre la COVID-19.

Quelques minutes après avoir passé une radiographie, un employé de l’hôpital qu’il n’a pas reconnu lui a livré les résultats.

Il m’a dit : "Vous avez une tumeur entre les deux intestins, c’est le cancer, et aussi des métastases sur le petit intestin. On ne peut rien faire pour vous", raconte celui qui s’était rendu à l’hôpital en raison d’un blocage intestinal et de maux de ventre aigus.

Gros plan sur le visage d'un homme qui porte un masque.

Seul sur une civière à l’urgence, Maurice Mongeon a appris une nouvelle qui bouleverserait sa vie.

Photo : Radio-Canada

M. Mongeon a immédiatement eu envie de pleurer. Ma petite-fille que je n’avais pas vue depuis un an, j’ai eu l’impression que je ne la verrais plus, se rappelle avec émotion l’homme de 75 ans.

Cette façon de faire de l’Hôpital choque sa fille, Michelle Mongeon. Je t’annonce que tu vas mourir, mais je t’annonce ça tout seul. C’est jouer avec la vie des gens… S’il avait été suicidaire, il aurait pu prendre la porte, juge-t-elle.

Cancer ou pas cancer?

L’exclusion des membres de la famille ne s’est pas arrêtée là, raconte Mme Mongeon. Son père a été placé dans une chambre au troisième étage de l’hôpital, où il a été autorisé à recevoir la visite de sa famille. M. Mongeon a été ajouté à une liste d’attente pour la maison de soins palliatifs Mathieu-Froment-Savoie. Michelle Mongeon, elle, a avisé ses patrons qu’elle arrêtait de travailler pour pouvoir s’occuper de son père.

Mais une semaine plus tard, quand M. Mongeon a été envoyé à l’Hôpital de Gatineau pour une colonoscopie, on n’a autorisé ni sa fille ni sa femme à l’accompagner. L’intervention permettait d’aller observer la tumeur à l’intérieur du côlon. C’est remonté jusqu’au petit intestin et il n’y avait aucune tumeur là, a alors constaté M. Mongeon, abasourdi.

Il n’y avait aucune tumeur dans son intestin. On l’a donc renvoyé chez lui, tout en spécifiant qu’il devait retourner passer un test d’imagerie par résonance magnétique (IRM) afin de finaliser le processus diagnostique. M. Mongeon a alors compris qu’il n’avait pas le cancer, finalement. Il était à la fois soulagé et toujours sous le choc.

Une femme avec un masque à l'intérieur d'une maison.

La fille de Maurice Mongeon aurait voulu accompagner son père à certains de ses rendez-vous médicaux.

Photo : Radio-Canada

Malheureusement, environ une semaine plus tard, les tests d’IRM ont été porteurs de mauvaises nouvelles : le résident de Val-des-Monts a en fait un cancer du pancréas. Il lui resterait moins d’un an à vivre. Encore une fois, M. Mongeon était seul à l’hôpital, contrairement à sa propre volonté et à celle de ses proches.

Ça a été comme une deuxième claque au visage pour lui, déplore Michelle Mongeon. Dans sa tête, quelqu’un lui avait dit qu’il n’avait plus de cancer. Il ne comprenait plus rien.

Elle croit que sa présence lors de certains rendez-vous aurait pu éviter d’éventuels malentendus et ménager la santé mentale de son père, qui se dit démoli.

Des disparités entre les hôpitaux

Le cas de M. Mongeon serait loin d’être unique. La Société canadienne du cancer (SCC) dénonce des disparités entre les établissements de santé en ce qui a trait à l’accompagnement des patients par des proches depuis le début de la pandémie.

Plusieurs personnes atteintes de cancer et des proches aidants nous appellent en étant préoccupés du fait de ne pas pouvoir accéder avec leur frère ou leur mère à leur traitement ou à leur suivi de soins, rapporte Diego Mena, directeur de prévention de la SCC. Les personnes touchées doivent assister toutes seules à des moments difficiles comme l’annonce d’un diagnostic ou un traitement difficile.

« Le cancer ne prend pas de pause et donc les bonnes pratiques appliquées pré-COVID devraient pouvoir se maintenir aujourd'hui, surtout en sachant que la grande majorité des proches aidants font partie de la bulle familiale, ce cercle fermé, avec la personne touchée. »

— Une citation de  Diego Mena, directeur de prévention de la Société canadienne du cancer

À quelques jours du début de la Semaine nationale des proches aidants, M. Mena croit que le rôle essentiel de ces derniers doit être davantage reconnu. Il espère que le projet de loi 56, qui vient tout juste d’être adopté et qui prévoit la mise en place d’une politique nationale et d’un plan d’action gouvernemental pour les proches aidants, améliorera la situation sur le terrain.

Selon la psychologue Stéphanie Cormier, professeure à l’Université du Québec en Outaouais, il ne faut pas minimiser l’importance du soutien social lorsqu’il est question de santé. C’est l’un des facteurs les plus importants. Être accompagné à ce type de rencontres là, c’est important pour arriver à y faire face, affirme-t-elle.

Les proches aidants sont importants, disent les autorités de santé

Les autorités de santé sont d’ailleurs d’accord avec ce constat. 

Pour la personne qui reçoit le diagnostic, une fois que le mot cancer est prononcé, souvent les gens se mettent dans un mode de défense et n’entendent plus toutes les informations, souligne le Dr Nicolas Gillot, directeur des services professionnels au Centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) de l’Outaouais. C’est là que le proche aidant peut nous aider, comme cliniciens, à passer certains messages et à ne pas perdre un certain nombre d’informations qu’on doit lui transmettre.

Des gens discutent dans une cuisine, portant le masque.

Maurice Mongeon est soutenu à la maison par sa femme, Yvonne, et sa fille Michelle.

Photo : Radio-Canada

Les directives du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS), révisées cet été, au sujet des proches aidants précisent que l’accès au centre de cancérologie est limité aux patients sous traitement et au personnel, médecins et autres professionnels travaillant au centre de cancérologie, en raison de la vulnérabilité des patients.

Les mêmes directives mentionnent toutefois ceci : Sous réserve du jugement de l’équipe clinique, la présence d’un proche aidant doit être autorisée lors de visites où seraient discutés des résultats ou éléments importants sur la suite du parcours clinique du patient.

Qu’est-ce qui peut donc expliquer que M. Mongeon et d’autres patients se soient retrouvés seuls lors de ces annonces importantes pour leur cheminement, alors même qu’ils auraient souhaité le soutien de leur proche?

Le Dr Gillot n’a pas pu discuter directement du cas de M. Mongeon en raison des règles de confidentialité du CISSS de l’Outaouais. Il indique toutefois qu’en plein coeur de la nuit, quand des résultats arrivent et qu’on a besoin de prendre des décisions rapidement, il n’est pas nécessairement possible d’avoir à ce moment-là accès à un moyen de communiquer avec les proches.

On a des secteurs froids et chauds dans les urgences et dans les hôpitaux, il y a des secteurs où on ne peut pas utiliser un téléphone, pour éviter la contamination, poursuit-il, ajoutant que les médecins ont l’obligation déontologique d’informer leurs patients de ce qu’ils viennent de constater.

Le directeur général du Regroupement provincial des comités des usagers du réseau de la santé (RPCU) croit toutefois que les établissements de santé devraient tout faire pour respecter le droit des patients d’être accompagnés, qui est enchâssé dans la Loi sur les services de santé et les services sociaux. Selon Marc Rochefort, l’histoire de M. Mongeon démontre que des rappels à l’ordre sont nécessaires afin que la présence des proches fasse partie des préoccupations des professionnels de la santé.

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