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Comment l’industrie canadienne du café tente d’éviter la crise, un grain à la fois

Un homme prépare des commandes dans un café.

Le café Rogue Wave Coffee s'approvisionne auprès de petites fermes qui se concentrent sur la qualité.

Photo : Radio-Canada / Axel Tardieu

Les producteurs de café broient du noir. Les changements climatiques mettent les caféiers en danger et plus de la moitié des terres exploitables risquent de disparaître d’ici 2050.

Face à cette crise, l'industrie canadienne essaie de trouver des solutions avant qu'il ne soit trop tard.

Le Rogue Wave Coffee à Edmonton vend du café gourmet, aussi appelé café de spécialité, issu d’un terroir traçable.

Pour offrir la meilleure qualité possible, les trois gérants se fournissent aux quatre coins du monde, mais ils rencontrent de plus en plus souvent de difficultés pour mettre la main sur des grains de qualité.

Nous avons eu du mal à faire venir du bon café d'Éthiopie cette année , mentionne David Laville. La saison a été retardée à cause d'intempéries inhabituelles. Les fermiers ont eu beaucoup de mal à récolter et sécher le café.

Un homme contrôle l'évolution de la température de sa machine à torrifier le café.

Une machine de torréfaction

Photo : Radio-Canada / Axel Tardieu

Espresso, latté, américano... 500 milliards de tasses sont servies chaque année dans le monde.

Selon l'Association canadienne du café, 7 Canadiens sur 10 boivent au moins une tasse par jour, mais cette habitude est menacée.

La culture du caféier devient de plus en plus instable. Les changements climatiques poussent l'élévation idéale plus haut dans les montagnes. Les caféiers plus bas, eux, perdent en qualité ou meurent.

Selon un rapport de l'Université Columbia à New York, si rien n'est fait d'ici 2050, les régions productrices de café connaîtront une hausse en moyenne de 2,8 degrés Celsius.

Les terres sur lesquelles pourront pousser l'arabica et le robusta, les espèces les plus cultivées dans le monde, diminueraient de 75% et 63%, alors que la consommation mondiale, elle, devrait augmenter de 26% d’ici 2030.

Dans l’industrie, ce problème est connu depuis longtemps. On voit apparaître des maladies, comme la rouille, qui a fait baisser de 50% la production de café en Amérique centrale en 2013 et 2014, souligne Timothy Schilling, un agronome qui a fondé, en 2012, l’organisation World Coffee Research.

Selon l’Organisation internationale du café (OIC), le Salvador a vu sa production chuter de 63% et le Costa Rica de 47% en 20 ans.

Les fermiers les plus téméraires se mettent à faire pousser du cacao, moins cher à cultiver et moins gourmand en main d’oeuvre. Les plus prudents vendent leurs terres et tentent de se reconvertir.

Fuite vers les grandes villes

Cette crise, Everesto Sanchez Vargas la vit tous les jours. Né entouré de caféiers il y a 45 ans, il tient les rênes d’une ferme familiale située dans le centre du Costa Rica.

Ma récolte a baissé de moitié en 10 ans. Il ne pleut pas quand il doit pleuvoir ou il pleut soudainement beaucoup trop. Dans les deux cas, nous perdons la récolte, explique-t-il.

Dans sa région, Everesto Sanchez Vargas estime que 80% des producteurs de café ont vendu leur ferme dans les cinq dernières années.

Everesto Sanchez Vargas pose dans un champ en compagnie d'une femme.

Everesto Sanchez Vargas, à gauche, tente de faire survivre son exploitation depuis une décennie.

Photo : Everesto Sanchez Vargas

Juste prix

À chaque visite auprès de ses fournisseurs au Costa Rica, Jeff Fleming, président de l’entreprise Apex Coffee Imports, basée à Calgary, voit les effets de cette désertification.

Planter de nouveaux arbustes plus haut dans les montagnes, créer des zones d’ombre avec d’autres plantes et des systèmes d’irrigation, diversifier ses revenus grâce au cacao ou aux bananes font partie des solutions, mais celles-ci nécessitent de l’argent que les fermiers n’ont pas, dit-il. 

Selon une étude conduite par l'association à but non lucratif Fair Trade USA entre 2015 et 2016, aucun des fermiers associés aux organisations professionnelles du Pérou, du Honduras, de la Colombie et du Mexique n’a réussi à être rentable sur l’année observée.

Près de 80% de la production mondiale est réalisée par 25 millions de petits producteurs qui vivent dans une extrême pauvreté.

La majorité des acheteurs de cette industrie se base sur le prix de la valeur du café négociée à la bourse de New York. Un système fragile et injuste, selon Chrissy Durcak, fondatrice des cafés Dispatch à Montréal.

Depuis 2014, son entreprise achète ses grains avec une approche socialement responsable pour soutenir financièrement les producteurs au bout de la chaîne. Nous payons la livre de café au moins deux fois plus cher que le prix de référence fixé à la bourse de New York, explique-t-elle.

Chrissy Durcak discute avec des familles de producteurs de café au Burundi.

En 2018, Chrissy Durcak est partie à la rencontre de ses fournisseurs au Burundi. Elle achète du café à une communauté qui rassemble plus de 900 familles.

Photo : Chrissy Durcak

Si la qualité est au rendez-vous, Jeff Fleming d'Apex Coffee Imports est prêt à y mettre le prix.

Même si le prix de référence est à 1,10 dollar américain, je suis prêt à payer minimum 5 dollars par livre, assure-t-il. Je visite mes fournisseurs chaque année. Je ne me sentirais pas bien de m'asseoir avec eux, dans la cuisine de leur ferme, en sachant que je les sous-paie tout en m'assurant 30% de marge.

Réponses de la recherche

De la multinationale au petit commerce, le secteur prend cette crise très au sérieux.

En 2013, le géant Starbucks a acquis une exploitation de 240 hectares au Costa Rica pour installer une ferme laboratoire. Des chercheurs y testent des variétés de café afin de trouver celles qui seront les plus résistantes au changement climatique. 

De son côté, le World Coffee Research travaille avec une douzaine de pays pour réaliser des croisements de variétés dont les premiers résultats seront connus d'ici 2022.

Nous y avons mis une centaine de souches de l'Éthiopie, pays où le café est né, et les 30 meilleures variétés mondiales, décrit Timothy Schilling, fondateur de l’organisme qui compte 12 membres au Canada.

Des fruits de caféier dans des mains.

Le caféier est un arbuste très sensible aux changements de températures. La récolte peut s'étendre sur plusieurs semaines.

Photo : afp via getty images / Raul Arboleda

Le consommacteur

En attendant, certaines entreprises canadiennes appellent les consommateurs à contribuer.

S’ils acceptaient de payer 25 cents de plus pour un café infusé, si les grandes chaînes payaient davantage les fermiers, cela aurait un énorme impact sur toute la chaîne logistique, pense Jeff Fleming.

Les consommateurs doivent s’approvisionner davantage auprès d’enseignes indépendantes de café de spécialité qui ont une démarche durable et responsable envers leurs fournisseurs, croit quant à elle Chrissy Durcak.

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