Université d'Ottawa : des professeurs rapportent un climat d'intimidation

Sept professeurs de l'Université d'Ottawa rapportent un climat d'intimidation dans une lettre ouverte.
Photo : Radio-Canada / Marc-André Hamelin
Sept professeurs de l'Université d'Ottawa font paraître mardi une lettre ouverte qui rapporte l'existence dans l'institution d'un climat toxique d'intimidation, plusieurs jours après la mise au jour de la suspension provisoire de leur collègue du Département d'arts visuels, Verushka Lieutenant-Duval.
Celle-ci a prononcé le « mot en n » lors d'un cours, sans avoir eu d'intention malicieuse, a-t-elle dit. Le recteur de l'Université d'Ottawa, Jacques Frémont, a jugé que Mme Lieutenant-Duval, qui fait partie du groupe majoritaire, a commis un impair envers une minorité en mentionnant le mot honni. Il a dit que les membres des groupes dominants n'avaient pas de légitimité pour décider ce qui constitue une micro-agression.
Les signataires de la lettre déplorent que le climat actuel permette d'intimider et d'ostraciser des collègues qui ne font que porter une parole raisonnée et raisonnable. Ils ajoutent que plusieurs membres de la communauté universitaire n'osent plus parler parce qu'ils sont tenaillés par la peur des autorités gouvernementales et des attaques brutales, notamment sur les réseaux sociaux.
Les sept professeurs affirment que pour eux, un tel climat, qu'ils qualifient de ''nouveau désordre liberticide'', est du jamais vu sur le campus de l'Université d'Ottawa
. Ils se sentent abandonnés par la direction de l'institution face à des sentiments subjectifs.
La lettre de ces sept professeurs est rendue publique une semaine après que 579 professeurs de cégep et d'université ont eux aussi dénoncé par écrit le traitement infligé à Verushka Lieutenant-Duval. Ces derniers ont alors écrit qu'on ne s'attaque pas au problème du racisme en punissant et en interdisant l'enseignement des mots, des œuvres et des auteurs qui, au contraire, le révèlent et le combattent explicitement.
Un Nouveau Désordre Liberticide by Jeremie Bergeron on Scribd
Joint au téléphone, l'un des signataires de cette lettre, Ghislain Otis, professeur titulaire depuis 12 ans à l'Université d'Ottawa, décrit la réception réservée à la trentaine de professeurs de la faculté d'art venus à la rescousse de Mme Lieutenant-Duval.
Je peux vous dire qu'ils vivent une situation dramatique au sein de l'institution, tant auprès de la communauté des professeurs que de la communauté des étudiants
, a rapporté M. Otis.
Et comme d'autres avant lui, il croit le recteur responsable de la situation actuelle.
J'ai bien dit que M [Jacques] Frémont est une personne raisonnable, qu'il est dans une situation difficile, mais il peut faire mieux que ce qu'il fait maintenant
, réclame-t-il.
Le recteur va devoir déplacer le curseur pour rassurer, pour pacifier, pour redonner à ses professeurs la motivation, la liberté, la sérénité qui sont absolument nécessaires au travail intellectuel universitaire
, ajoute-t-il.
M. Frémont n'avait pas encore réagi à la sortie de ces professeurs mardi après-midi.
M. Otis ne juge pas nécessaire d'attendre M. Frémont. Sa propre faculté a entamé « une réflexion collective » sur la situation.
Il faudra (...) mettre en place un dispositif qui permettra peut-être de pondérer, dans la bonne foi, les intérêts des uns et des autres, sans jamais (...) invalider ou déligitimer l'expérience de douleur et peut-être même de traumatisme que pourrait vivre un étudiant
, propose le professeur Otis.