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Le français recule dans les commerces, selon les résidents du Grand Montréal

Le Mouvement Québec français réclame des mesures « costaudes » pour renverser la tendance.

Des clients dans un centre commercial.

Plusieurs résidents du Grand Montréal ont l'impression que l'utilisation du français dans les commerces a reculé dans les dernières années.

Photo : La Presse canadienne / Ryan Remiorz

Faire ses emplettes dans la langue de Molière est plus difficile qu’autrefois, selon un nouveau sondage mené à Montréal et dans sa banlieue.

Près d’un répondant sur trois (30 %) estime que le français est moins présent dans les commerces depuis cinq ans, alors que 20 % pensent le contraire – un écart de 10 points de pourcentage, qui monte à 15 points chez les répondants qui vivent dans la ville de Montréal (36 % vs 11 %).

Ces chiffres cachent toutefois un clivage majeur entre francophones et anglophones. Si les premiers sont quatre fois plus nombreux à penser que l’usage du français a reculé plutôt que progressé dans les commerces (39 % vs 10 %), les seconds sont six fois plus nombreux (7 % vs 44 %) à croire que le français est plus présent qu’avant dans les magasins.

Le même phénomène s’observe en ce qui a trait à l’utilisation du français au travail, mais dans une proportion moindre : 20 % des répondants jugent que la situation a empiré depuis cinq ans, alors que 15 % affirment le contraire. Encore une fois, les francophones sont beaucoup plus pessimistes à ce sujet (25 % vs 9 %) que les anglophones (7 % vs 29 %).

Pour Stéphane Drouin, directeur général du Conseil québécois du commerce de détail (CQCD), il s’agit surtout d’un problème dans le centre-ville de Montréal. C’est là qu’est le gros enjeu, dit-il. Le centre-ville s’est beaucoup anglicisé dans les dernières années, donc je pense que ça va un peu de fait avec ça.

Selon M. Drouin, le faible taux de chômage est lui aussi responsable du problème. En temps de pénurie de main-d’oeuvre, que ce soit dans le commerce de détail ou dans d’autres secteurs, on va souvent un peu alléger nos critères d’embauche. Et est-ce que, de ce fait-là, il y a eu de l’embauche de gens, par nécessité, qui avaient une moins bonne maîtrise du français? Probablement aussi.

D’où l’importance, selon lui, de mettre en place des outils pour aider les commerçants à la francisation de leur main-d’oeuvre le plus possible.

Le CQCD, explique M. Drouin, considère le fait de remettre le français à l’avant-plan de l’expérience client en magasin comme un avantage stratégique.

Je pense que les gens ont perdu peut-être un petit peu la sensibilité de ce que ça valait au niveau du consommateur, et je pense que dans le contexte actuel où tout le monde veut avoir les clients, veut avoir les ventes, je pense que ça va mobiliser tout le monde dans le bon sens.

On est dans un contexte aussi où on n’a pas les moyens de perdre des clients. Donc je pense que les marchands ont avantage à retravailler leur expérience en français.

Une citation de Stéphane Drouin, directeur général du Conseil québécois du commerce de détail

Les exemples de délinquance, il est vrai, ne manquent pas.

Le 15 octobre dernier, par exemple, l’Office québécois de la langue française (OQLF) a annoncé l’imposition d’une amende de 1500 $ au restaurant Deli 365, dans le Mile-End, pour avoir fait de l'affichage public et de la publicité commerciale uniquement en anglais.

La chaîne japonaise Uniqlo, qui vient tout juste d’ouvrir sa première succursale québécoise au centre-ville de Montréal, a également été montrée du doigt sur le web pour avoir embauché des employés qui ne parlent pas français. Le responsable du développement durable pour la division canadienne de la société, Kat Adams, admet que cinq ou six personnes employées au nouveau magasin de la rue Sainte-Catherine Ouest parlent uniquement l’anglais.

Peut-être que ça n’a pas été parfait au début, parce qu’on était tous un peu dans le rush pour ouvrir le magasin, mais de plus en plus, tout va être offert en français comme en anglais, promet-elle.

L’objectif, poursuit Mme Adams, c’est d’être bien compris par tout le monde avec qui on travaille.

Un plan d’action fort attendu

Les résultats du sondage mené par Radio-Canada risquent de conforter le ministre responsable de la langue française, Simon Jolin-Barrette, dans sa volonté de déposer un plan d’action pour renforcer la loi 101.

En augmentant les ressources de l’OQLF et en créant trois nouveaux bureaux régionaux, M. Jolin-Barrette avait notamment réitéré, cet été, son intention d’assujettir à la Charte de la langue française les entreprises de compétence fédérale présentes au Québec, comme les banques ou VIA Rail.

En attendant, l’Assemblée nationale a adopté jeudi dernier une motion exigeant de la Ville de Montréal et de ses arrondissements qu’ils prennent les mesures nécessaires pour obtenir leurs certificats de conformité de la loi 101.

Cette motion, présentée conjointement par les quatre partis représentés au Parlement, a été adoptée à l’unanimité.

M. Laporte se tient devant la boutique Adidas sur la rue Sainte-Catherine à Montréal. Il y a des gens sur le trottoir et devant la boutique de chaussures.

Le président du Mouvement Québec français, Maxime Laporte.

Photo : Radio-Canada / Bahador Zabihiyan

Le président du Mouvement Québec français, Maxime Laporte, rappelle que ce sont les institutions qui, les premières, doivent se conformer à la Charte de la langue française.

Il faut, selon lui, que l’État, les municipalités, les organismes gouvernementaux, les ministères [et] les sociétés publiques fassent preuve d’exemplarité [...] et qu’on cesse collectivement de surfinancer à même nos impôts des institutions qui sont tout à fait valables, mais qui se trouvent à angliciser une bonne part de la population.

Tout comme le nouveau chef péquiste Paul St-Pierre Plamondon, M. Laporte déplore notamment l'agrandissement planifié de l’Université McGill et du Collège Dawson, que le gouvernement Legault souhaite accélérer avec son projet de loi 66.

La minorisation du français, sur l’île de Montréal, c’est demain matin, présage-t-il. Alors qu’est-ce qu’on attend? Il nous faut des mesures costaudes, il nous faut des mesures structurantes pour renverser la tendance. Autrement, ce n’est pas compliqué, on va perdre Montréal. On ne pourra plus dire de Montréal qu'elle est la métropole française des Amériques. Déjà, franchement, ça craint.

Des magasins désert au Marché central de Montréal.

Le reportage de Mathieu Prost

Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers

Un clivage linguistique majeur sur cette question

Selon notre sondage, les deux tiers des résidents du Grand Montréal (67 %) estiment eux aussi qu’il est important que les élus déploient des efforts pour défendre et promouvoir l’utilisation de la langue française. Pour 40 % des résidents du Grand Montréal, il s’agit même d’un enjeu politique « très important » – ce qui traduit un niveau de conviction assez grand, selon les sondeurs d’Ad hoc Recherche.

Le cofondateur de la firme, Michel Berne, remarque toutefois un clivage linguistique majeur, les répondants francophones étant beaucoup plus nombreux que les non-francophones à penser qu’il est important que les élus protègent la langue française (87 % vs 22 %).

Évidemment, est-ce qu’on est surpris? Les francophones tiennent particulièrement à leur langue, [alors que] les non-francophones y sont vraisemblablement moins attachés. Mais ça annonce des débats, certainement.

Une citation de Michel Berne, associé principal et cofondateur d’Ad hoc Recherche

Selon lui, cet écart de perception expliquerait également pourquoi les répondants de la banlieue sont plus nombreux que les Montréalais à croire que la langue française constitue un enjeu politique important (72 % vs 61 %), la proportion de francophones hors Montréal étant plus grande.

Entrevue avec Simon Jolin-Barrette, ministre de la Justice et ministre responsable de la Langue française

Méthodologie : Ce sondage a été commandé par Radio-Canada auprès de la firme Ad hoc Recherche, qui a consulté entre le 30 septembre et le 4 octobre un panel web de 1454 adultes capables de s’exprimer en français ou en anglais dans le Grand Montréal. Un échantillon probabiliste de la même taille aurait une marge d’erreur maximale de plus ou moins 2,6 % à un niveau de confiance de 95 % ou plus, et la marge d’erreur serait supérieure dans les sous-échantillons. L’ensemble des résultats a été rendu disponible mardi matin sur le site web d’Ad hoc Recherche (Nouvelle fenêtre).

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