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Hausse de 460 $ du loyer à Moncton : « ç’a été la panique »

« Le 1er janvier 2021, le loyer augmentera de 460 $ pour un total de 1200 $ par mois. » Cette hausse a fait sursauter les locataires du 169, rue Steadman à Moncton.

William Morrissette montre un avis d'augmentation du loyer.

William Morrissette a signé le bail malgré l'augmentation, mais il poursuivra ses recherches pour un nouveau toit.

Photo : Radio-Canada / Guy R. LeBlanc

Jean-Philippe Hughes
Prenez note que cet article publié en 2020 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.

Le prix des logements du Grand Moncton monte en flèche. Des augmentations de loyer atteignent de plus de 40 % en toute légalité, faute de politique pour contrôler les prix. Incapables de trouver un toit à prix abordable, des locataires se résignent à signer un bail au-dessus de leurs moyens.

La nouvelle est arrivée par la poste au début du mois d’octobre. Le 1er janvier 2021, le loyer augmentera de 460 $ à un total de 1200 $ par mois. Cette hausse de plus de 60 % a de quoi faire sursauter le locataire du 169, rue Steadman à Moncton, William Morrissette.

Dans le bloc-appartements, ç’a été la panique parce que le trois quarts du monde est sur des [pensions], explique M. Morrissette. Il y en a beaucoup qui ont au-dessus de 65 ans.

« Il y en a même une qui a 70 ans, puis il faut qu’elle déménage. »

— Une citation de  William Morrissette, locataire d'un appartement à Moncton

Tous les locataires de l’immeuble sont frappés par cette augmentation. Le chauffage et l’électricité ne sont plus inclus. Pourtant, le vieux bâtiment n’a pas été rénové depuis des années.

William Morrissette devant son immeuble.

William Morrissette travaille dans le secteur hôtelier. Ses revenus ont chuté depuis le début de la pandémie.

Photo : Radio-Canada / Jean-Philippe Hughes

Depuis trois ans, William Morrissette habite le demi-sous-sol avec ses trois colocataires, dont sa belle-sœur atteinte de la maladie d’Alzheimer. Le loyer a augmenté de moins de 100 $ pendant cette période, jusqu’à la vente de l’immeuble en 2020.

William Morrissette a bien tenté de déménager, mais le travailleur du secteur hôtelier, dont les revenus ont chuté depuis le printemps, n’a pas trouvé mieux. Il s’est donc résigné à renouveler le bail en attendant de trouver un logement plus abordable.

C’est pour ça qu’il y a beaucoup de monde dans les rues. Puis il va y en avoir encore plus, parce que c’est tout partout qu’ils augmentent les loyers, tout partout, regrette M. Morrissette.

K Squared Property Management, l’entreprise gestionnaire du 169, rue Steadman, refuse de commenter. Le président précise que ce sont les propriétaires des immeubles qui décident des prix des loyers.

Une affiche de K Squared Property Management

L'entreprise K Squared Property Management est gestionnaire du 169, rue Steadman, mais elle n'est pas propriétaire de l'immeuble.

Photo : Radio-Canada / Guy R. LeBlanc

Ces augmentations de loyer sont tout à fait légales parce qu’il n’y a pas de contrôle des prix au Nouveau-Brunswick.

Éviction ou augmentation

Un père de famille monoparentale de trois adolescents traverse la même épreuve. À trois mois de préavis, l'homme, qui désire garder l'anonymat, apprend qu’il sera évincé. Il se lance alors dans la recherche d’une nouvelle maison.

J’ai cherché jour et nuit, sept jours semaine, et je n’ai rien trouvé, relate le travailleur du secteur de la santé. Son budget de 1500 $ s’est avéré insuffisant pour un logis avec trois chambres dans le secteur nord de Moncton, près de l’école de ses enfants.

« Il faut garder le stress loin des enfants et du travail parce que tu ne sais pas si tu auras un toit à la fin du mois. »

— Une citation de  Locataire anonyme à Moncton
Homme de profil assis au parc.

Le travailleur de la santé doit accepter une augmentation de loyer de 400 $ pour assurer un toit à ses trois adolescents.

Photo : Radio-Canada / Guy R. LeBlanc

À quelques semaines de l’échéance de son bail, l’homme dans la cinquantaine appelle le gestionnaire de la compagnie à numéro à qui il paye son loyer mois après mois. Il propose de verser 400 $ supplémentaires pour demeurer à la même adresse. Il demande quelques rénovations, toutes refusées.

Je sens que j’ai un fusil sur la tempe. Je sens que j’ai un pied hors de la porte et je peux me faire évincer n’importe quand, se désole le père de famille. Il préfère demeurer anonyme, par crainte d’être évincé pour de bon.

Les loyers au rythme du marché

Le marché immobilier en pleine ébullition du Grand Moncton dicte les augmentations. Les locataires sont laissés à eux-mêmes, selon la coprésidente du Front commun pour la justice sociale, Gabrielle Ross-Marquette.

Si on regarde le filet protecteur pour les locataires au Nouveau-Brunswick, il n’y a pas beaucoup de lois qui les protègent en ce moment, et c’est vraiment déplorable, dit-elle.

« Non seulement les loyers sont en train d’augmenter, mais il n’y pas d’endroits où aller. »

— Une citation de  Gabrielle Ross-Marquette, coprésidente du Front commun pour la justice sociale

Depuis janvier 2020, 30 personnes ont déposé une demande de révision d’un avis d’augmentation de loyer auprès du Tribunal sur la location de locaux d’habitation. Services Nouveau-Brunswick n’est toutefois pas en mesure de comptabiliser combien d’entre elles ont obtenu gain de cause.

Une annonce pour un logement de type bachelor.

Le prix moyen d'un logement d'une chambre s'élevait à 732 $ par mois en 2019 dans le Grand Moncton selon la SCHL.

Photo : Radio-Canada / Guy LeBlanc

Le Front commun pour la justice sociale demande une politique de contrôle des loyers. Plus de 800 personnes ont d’ailleurs signé la pétition qui circule en ligne en faveur d’une telle politique.

En Atlantique, seule l’Île-du-Prince-Édouard limite les augmentations annuelles à environ 2 % par année.

Le revirement de situation

Il y a cinq ans, il n’était pas rare que des propriétaires de Moncton offrent le premier mois gratuitement pour attirer des locataires. Comment expliquer le revirement de situation?

Ça revient toujours à la base : c’est l’offre et la demande, résume l’évaluateur agréé Michel Babineau. Cinq ans passés, la SCHL disait que les taux d'inoccupation auraient pu monter jusqu’à 10 %. Je pense que ç’a mis les freins sur les constructions de nouveaux logements.

En effet, la construction d’immeubles locatifs est tombée en panne sèche dans le Grand Moncton en 2016. Alors que le nombre d’unités locatives stagne, l’immigration augmente : les logements deviennent graduellement insuffisants.

Un travailleur installe une publicité de propertyguys.com sur un grand panneau

Le Grand Moncton connaît une embellie immobilière sur fond de pénurie de logements.

Photo : Radio-Canada / Guy LeBlanc

Les loyers ont augmenté d’environ 4 % entre 2018 et 2019 selon la SCHL, mais la hausse pourrait atteindre plus de 10 % cette année, selon Michel Babineau.

Alors que les premiers ministres appelaient à la clémence des propriétaires au début de la pandémie, les loyers du Grand Moncton n’ont pas fini d’augmenter.

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