Un dernier duel Trump-Biden avec plus de civilité, mais des visions contrastées
Donald Trump et Joe Biden lors du dernier débat présidentiel.
Photo : Reuters
Prenez note que cet article publié en 2020 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
À moins de deux semaines des élections du 3 novembre, le président Donald Trump et son rival démocrate, Joe Biden, ont croisé le fer pour la deuxième et dernière fois. Le duel – heureusement – ne s'est pas avéré chaotique comme le premier.
La décision des organisateurs de couper le son du micro du débatteur qui n’aurait pas la parole afin d'assurer le respect des règles et d'éviter les dérives de la première joute oratoire a fait du bien à tous les téléspectateurs : le ton des échanges a volé la vedette, et cette nouvelle mesure a modéré grandement les ardeurs du président.
Modérée par la journaliste Kristen Welker, de NBC News, la joute oratoire de 90 minutes, qui se tenait à Nashville, au Tennessee, a illustré les divergences notables des candidats sur des thèmes comme la gestion de la pandémie, l'économie, les soins de santé, les changements climatiques, l'immigration, la sécurité nationale et les enjeux raciaux.
Le candidat démocrate a aussi insisté sur le contraste marquant entre leur type de leadership et leur personnalité, présentant le président comme un homme qui divise le pays.
« Vous savez qui je suis, vous savez qui il est. Vous connaissez son caractère, vous connaissez mon caractère. Vous connaissez nos réputations quant à l'honneur et la vérité. [...] Le caractère du pays est sur le bulletin de vote. Regardez-nous de près. »
Son adversaire l'a pour sa part accusé d'être resté inactif au cours de ses décennies en politique et de ses huit ans comme vice-président. J'ai [brigué la présidence] à cause de vous, à cause de Barack Obama. Si j'avais pensé que vous faisiez du bon travail, je n'aurais jamais [brigué la présidence]
, a-t-il lancé.
Dans une année marquée par la mort d'Afro-Américains tués par des policiers blancs et un mouvement massif de manifestations ayant déferlé sur le pays, les deux candidats ont en outre été interrogés sur la peur des parents noirs de voir leurs enfants ciblés par la police.
Oui, et encore une fois, [Joe Biden] a été dans le gouvernement. Il n'a jamais rien fait
, a répondu le président, évoquant une loi sur la répression du crime pilotée par l'ex-sénateur du Delaware qui a mené à une hausse des incarcérations des Afro-Américains.
Il a ensuite louangé son propre bilan, se comparant, comme il le fait souvent, au président ayant aboli l'esclavage aux États-Unis. Personne n'a fait plus pour la communauté noire que Donald Trump, à l'exception d'Abraham Lincoln, possiblement à l'exception [...] d'Abraham Lincoln, personne n'a fait ce que j'ai fait.
Regardant dans la salle, où se trouvait notamment, évidemment, la modératrice, qui est noire, il a poursuivi :
« Je suis la personne la moins raciste dans cette pièce. Je ne peux même pas voir qui est dans l'auditoire parce qu'il fait très sombre, mais ça n'a aucune importance. Je suis la personne la moins raciste dans cette salle. »
L'accusant de jeter de l'huile sur le feu du racisme
, Joe Biden a plutôt affirmé que le président était l'un des présidents les plus racistes que nous ayons eus dans l'histoire moderne
. Lors du premier débat, Donald Trump avait été critiqué pour refuser de dénoncer le suprémacisme blanc.
Climat et santé
Les changements climatiques – un enjeu qui s’immisce rarement au menu des débats présidentiels – ont également donné lieu à des échanges musclés.
Présentant ce problème comme une menace existentielle à l'humanité
, Joe Biden a soutenu qu'il y avait une obligation morale
à agir.
À son rival qui lui demandait s'il mettrait un terme à l'industrie pétrolière, il a répondu par l'affirmative : Oui, je ferais la transition parce que l'industrie pétrolière pollue, de manière significative
.
Elle doit être remplacée par des énergies renouvelables
, comme le solaire et l'éolien, a-t-il ajouté, disant miser sur une transition progressive et la création d'emplois. J'arrêterais de donner [de l'argent] à l'industrie pétrolière. J'arrêterais de leur donner des subventions fédérales
, a-t-il soutenu.
En gros, ce qu'il dit, c'est qu'il va détruire l'industrie pétrolière
, a alors attaqué le président. Vous allez vous en souvenir, Texas? Vous allez vous en souvenir, Pennsylvanie, Oklahoma?
Il a ensuite offert des arguments surprenants, quoique recyclés, accusant les démocrates de vouloir, par leur programme d'efficacité énergétique, se débarrasser des fenêtres
. Les bâtiments auraient des fenêtres minuscules
, a-t-il insisté.
Il a également expliqué qu'il n'était pas un partisan de l'énergie éolienne.
« Je connais mieux le vent que vous. C'est extrêmement cher, ça tue tous les oiseaux, c'est très intermittent, [ça cause] beaucoup de problèmes. »
Joe Biden a par ailleurs dû clarifier ses commentaires après le débat, précisant qu'il ne serait pas possible d'abandonner les combustibles fossiles à court terme, mais qu'il entendait éliminer les subventions à l'industrie.
Critiquant le désir de l'administration Trump de vouloir invalider l'Obamacare – la Cour suprême rendra sa décision une semaine après l'élection – Joe Biden a de plus défendu le droit des Américains à avoir des soins de santé abordables, insistant aussi sur l'importance de préserver la couverture d'assurance des personnes présentant des problèmes de santé préexistants.
Le président a assuré vouloir remplacer le régime d'assurance maladie instauré par l'ancienne administration démocrate avec un plan bien meilleur
et beau
, même si la solution des républicains se fait attendre, près de quatre ans après l'élection.
Reprenant une des attaques majeures de sa campagne, celui qui pourfend régulièrement la gauche radicale
a accusé le candidat démocrate de vouloir mettre en place un système de santé socialiste et de vouloir détruire le système d'assurance protégeant les personnes âgées et la Sécurité sociale. Tout le pays va s'effondrer
, a-t-il soutenu, évoquant le candidat à l'investiture démocrate Bernie Sanders, résolument de l'aile progressiste.
C'est un type très confus. Il pense qu'il se présente contre quelqu'un d'autre. Il se présente contre Joe Biden. J'ai battu tous ces gens parce que je n'étais pas d'accord avec eux
, a fait remarquer le candidat centriste.
La pandémie, enjeu majeur de l'année
Sans surprise, la COVID-19, qui a fait plus de 220 000 victimes aux États-Unis, a ouvert les échanges. Joe Biden a ôté son masque après être entré sur scène, contrairement au président, qui n'en portait pas.
Vantant sa gestion de la pandémie, le président Trump a assuré, sans donner d'exemples, avoir reçu des félicitations de plusieurs
leaders d'autres pays et blâmé la Chine, comme il le fait depuis des mois. Joe Biden a plutôt reproché à son rival, qui a souvent négligé les recommandations des scientifiques de son gouvernement, de n'avoir virtuellement rien
fait.
« Quiconque est responsable d'autant de morts ne devrait pas rester président des États-Unis d'Amérique. Je vais mettre un terme à cela. Je m'assurerai que nous ayons un plan. »
Nous sommes sur le point d'entrer dans un hiver sombre, un hiver sombre, et il n'a pas de plan clair
, a dénoncé Joe Biden.
Je ne pense pas que nous allons avoir un hiver sombre du tout – nous ouvrons notre pays
, a rétorqué son rival, assurant une fois de plus que le virus était en train de disparaître, malgré un retour à la hausse du nombre de cas.
Même s'il a lui-même contracté le virus au début du mois, le président Trump a continué de nier la gravité de la situation, parlant à tort d'une cure
, se disant encore dit immunisé
et promettant un vaccin prochain, malgré le message divergent des scientifiques de son administration.
Nous apprenons à vivre
avec le coronavirus, a assuré le président. Nous apprenons à vivre avec lui? Voyons donc! Nous apprenons à mourir avec lui
, a rétorqué son adversaire démocrate.
Le président, qui a rapidement appelé à l'ouverture de l'économie en début d'année, a par ailleurs critiqué les États gouvernés par des démocrates pour leur gestion de la pandémie.
Je ne vois pas les choses de la même façon que lui – des États bleus et des États rouges. Ils font tous partie des États-Unis
, a réagi Joe Biden. À la fin du débat, il a par ailleurs promis d'être le président de tous les Américains.
Des panneaux de verre en plastique transparent devaient séparer les deux adversaires, comme lors du débat des colistiers, mais ils ont été retirés après consultation auprès du Dr Anthony Fauci, l'épidémiologiste en chef de la Maison-Blanche, à la suite du diagnostic négatif dont ont fait état les deux candidats.
Une plus grande retenue, mais des attaques personnelles
Pendant le premier débat, modéré par l’animateur de Fox News Chris Wallace, le président avait par moments débattu avec le journaliste, qui le rappelait constamment à l’ordre. S'il s'est dans l'ensemble montré plus discipliné qu'il y a trois semaines, il ne s'est pas gêné pour recourir aux attaques personnelles, reprenant des allégations douteuses accusant la famille de son rival d'avoir profité de sa position pour s'enrichir à l'étranger.
Il a en outre affirmé, sans preuve, que l'ex-vice-président s'était lui-même enrichi : Vous avez reçu beaucoup d'argent de la Russie. Ils vous ont versé beaucoup d'argent. Et ils le font probablement encore.
Je n'ai jamais reçu un sou d'une source étrangère de ma vie
, a répondu M. Biden, mentionnant un récent reportage du New York Times qui a révélé l'existence d'un compte bancaire de Donald Trump en Chine. Il a souligné que ce dernier n'avait jamais rendu publiques ses déclarations de revenus, rompant ainsi avec la tradition, et rappelé que lui l'avait fait.
S'il a défendu sa famille, Joe Biden n'a pas relevé les allégations de conflits d'intérêts visant la famille Trump et leurs entreprises internationales dans l'immobilier et l'hôtellerie, accusant plutôt le président de vouloir détourner l'attention des Américains.
Il ne s'agit pas de sa famille et de ma famille. Il s'agit de votre famille, et votre famille qui souffre grandement
en ce moment, a-t-il ajouté en regardant la caméra.
Le débat de la dernière chance
Cet affrontement Trump-Biden devait être le troisième, mais le précédent a été annulé après le refus du candidat républicain de souscrire à la décision de la commission des débats présidentiels de tenir l’événement de façon virtuelle, dans la foulée de son diagnostic de COVID-19.
Alors que la campagne est dans sa dernière ligne droite, Joe Biden, qui domine dans les intentions de vote non seulement à l’échelle nationale, mais aussi dans la majorité des États clés, comme le Michigan, le Wisconsin et l’Arizona, devait surtout s’assurer de ne pas faire de vagues pour protéger son avance.
Le débat était toutefois plus important pour le candidat républicain, qui doit rallier suffisamment d’électeurs dans les États cruciaux.
Il reste à voir si cet ultime débat peut inverser la tendance, d’autant qu’au moins 45 millions d’Américains ont déjà voté par anticipation ou par correspondance.
Indication de son état d’esprit, le président Trump avait déjà jeté les gants au cours des derniers jours, prenant la modératrice comme adversaire et la qualifiant, entre autres, de démocrate de la gauche radicale
, de totalement partisane
et de désastre
.
Avant le débat, il s’est d’ailleurs de nouveau posé en victime des médias, accusant sur Twitter une journaliste de l’émission de CBS 60 Minutes qui l’avait interviewé de l'avoir traité avec colère
, voire haine
, et ajoutant que Kristen Walker était bien pire
.