Une réouverture des restaurants le 28 octobre au Québec? « Les chances sont faibles »
« On augmenterait les risques que la propagation augmente, et aujourd'hui, c’est le contraire qu’il faut faire », explique le premier ministre François Legault.

Les restaurateurs soutiennent avoir besoin d'informations claires à brève échéance, puisque la relance d'un restaurant nécessite un certain temps pour s'approvisionner.
Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers
- François Messier
Prenez note que cet article publié en 2020 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Le premier ministre du Québec, François Legault, s'est montré sensible aux doléances des restaurateurs, jeudi, mais a admis que les chances de voir les salles à manger rouvrir dès le 28 octobre à Montréal et à Québec étaient « faibles ».
Cette réponse ne plaira sûrement pas aux grands joueurs de l'industrie de la restauration au Québec, qui ont lancé une offensive médiatique pour presser le gouvernement d'assouplir les mesures qui les touchent.
La fermeture des salles à manger de Montréal et de Québec a été ordonnée le 1er octobre pour une période de 28 jours, et celles d’autres régions passées en zone rouge par la suite ont subi le même sort.
En conférence de presse, jeudi après-midi, M. Legault a dit comprendre certains des arguments des restaurateurs, mais sans pour autant céder à leur pression.
J’ai été en affaires. Donc je sais que c’est important la prévisibilité
, lorsqu'on lui a demandé si les restaurants pouvaient se préparer à recevoir des clients entre leurs murs.
J’ai des amis propriétaires de restaurants qui me disent : "est-ce que je me prépare pour le 29 [octobre], à commencer à acheter la marchandise", tout ça. Aujourd'hui, je regarde le nombre de cas, les chances sont faibles
Mais on se donne jusqu’au début de la semaine prochaine pour leur dire ce qui va arriver à partir du 29 octobre
, a-t-il aussitôt enchaîné.
Un peu plus tôt, M. Legault avait blagué en disant qu'il devrait plutôt dire qu'il avait
des amis propriétaires de restaurants qui lui mentionnaient qu'ils avaient respecté toutes les consignes cet été et qu'il n'y avait eu aucun problème.
Mais là, il faut comprendre que c’est une question de risque : il y a des personnes, quand elles vont au restaurant ou à n’importe quelle autre activité, qui ne vont pas toujours respecter le deux mètres
de distance, a-t-il fait valoir.
Ce n'est pas la faute des propriétaires de restaurants. Mais si demain matin on décidait de rouvrir les restaurants, on augmenterait les risques que la propagation augmente, et aujourd'hui, c’est le contraire qu’il faut faire.
Il avait en outre invité tous ceux qui critiquent ou qui ont le goût de critiquer les consignes
sanitaires en vigueur à penser aux 20 personnes qui sont mortes de la COVID-19 au cours des dernières 24 heures.
« Nous sommes toujours dans l'incertitude »
Dans une lettre ouverte envoyée jeudi au premier ministre et aux médias, 40 joueurs de l'industrie de la restauration plaident pour une réouverture des salles à manger.
Ils arguent que la fermeture de leurs établissements a un impact sur la santé financière de leurs établissements, mais aussi sur la santé psychologique de leurs milliers de travailleurs.
Nous vous demandons de réévaluer rapidement la situation actuelle de l’industrie de la restauration et permettre la réouverture des salles à manger, et ce, partout au Québec.
Le 1er octobre, certaines régions sont entrées en zone rouge pour une période de 28 jours. Ces 28 jours tirent à leur fin et nous sommes toujours dans l’incertitude
, déplorent-ils, en réclamant l’heure juste sur une fermeture temporaire qui prend des allures de confinement
.
Ils assurent être tous très conscients du sérieux de la pandémie
et des dangers qu’elle représente pour la population
, mais n’en soutiennent pas moins qu’ils ont prouvé lors de la réouverture, cet été, qu’ils peuvent offrir un environnement sécuritaire, tant pour les employés que pour les clients.
Pour y parvenir, les restaurateurs ont investi temps, argent, énergie et volonté
, de sorte qu’il n’y a eu aucune éclosion
attribuable à des salles à manger, qui ont en outre le mérite d’offrir un contact social encadré
aux Québécois.
Pourquoi le Québec ne prendrait-il pas exemple sur les pays scandinaves, la France, l’Italie, l’Espagne et autres pays qui, malgré la deuxième vague, ont maintenu les salles à manger ouvertes en jugeant – données à l’appui – qu’elles n’étaient pas source d’éclosions et qu’elles contribuaient à maintenir l’équilibre social et économique?
Nous croyons que l’industrie est en droit de connaître les motifs et les données ayant mené aux fermetures afin d’améliorer nos processus, d’éviter de futures restrictions et de faire partie de la solution
, écrivent-ils dans leur lettre.
Parmi les signataires se trouvent MTY (Mike's, Casa grecque, Valentine, Thaï Express, Tiki Ming, Sushi Shop, etc.), Sportscene (La Cage), St-Hubert, Normandin, des chefs comme Jérôme Ferrer et Carlos Ferreira, les hôtels Germain, mais aussi des transformateurs comme Exceldor et Olymel.
« Un impact immense sur la santé mentale »
Les restaurateurs font aussi valoir que la fermeture des salles à manger a un impact immense sur la santé mentale
des gestionnaires et employés de l’industrie qui ne voient pas le bout du tunnel
.
Selon Éric Lefebvre, président-directeur général du Groupe d’alimentation MTY, qui regroupe 1160 franchisés, la deuxième fermeture a été beaucoup plus difficile à accepter
que la première.
Après la réouverture, on a vu que nos restaurateurs ont tous mis des efforts importants au niveau des mesures sanitaires, des équipements de protection, des investissements à l’intérieur des restaurants. Je pense que tout se passait bien
, a-t-il expliqué à l’émission Tout un matin.
On n’a eu aucun écho d’une éclosion dans nos restaurants et on nous demande de fermer à nouveau. Donc, à ce moment-ci, ce n’est pas des aides financières dont il est question, mais beaucoup plus de la difficulté de composer avec ça, de l’anxiété que ça crée, d’être dans l’inconnu encore une fois, de perdre nos employés, de voir la business qui s’écroule encore une fois. C’est très difficile pour nous, pour nos franchisés.
Les fondations de nos restaurants sont en péril si on perd nos employés, si on perd nos franchisés. Ça devient très difficile. […] Là, on patauge moins dans le niveau financier et beaucoup plus dans le niveau psychologique, dans le niveau personnel.
Selon M. Lefebvre, les restaurateurs ont besoin de savoir quand une réouverture des salles à manger aura lieu, afin d’obtenir de la prévisibilité. En ce moment, tout le monde est dans le noir
, déplore-t-il.
On considère que nous avons bien fait. Et là, aujourd’hui, on demande au gouvernement : "qu’allez-vous faire avec nous?" Et on veut le faire savoir
, affirme Claudine Roy, présidente du conseil d’administration de l’Association Restauration Québec, qui a aussi signé la lettre.
Parce que présentement, nos gestionnaires, les employés... on se ramasse avec des gens qui sont épuisés, anxieux, qui ne savent pas où on s’en va avec nos établissements
, a-t-elle déclaré dans une entrevue à RDI Matin.
On demande aujourd’hui au premier ministre, à 13 h, de nous donner le signal clair : qu’est-ce qu’on fait avec nos restaurants?
Même son de cloche du côté de Louis McNeil, fondateur et copropriétaire du restaurant Cosmos, à Québec. Son établissement est passé de 650 employés avant la pandémie à 400 pendant l’été, a-t-il raconté à l’émission Première heure. Il n’en compte plus que 50 aujourd'hui, pour faire fonctionner son service de traiteur.
On est conscient qu’il y a des restaurants qui sont un peu borderline et on dit aux autorités : "bien, soyez plus sévères avec ceux-là!" Mais nous, on pense sincèrement qu’il n’y a pas de danger de venir manger dans mon restaurant
, dit-il.
C’est moins dangereux de venir manger chez moi que d’aller au Costco
, soutient M. McNeil, qui a aussi signé la lettre.
M. McNeil souligne, comme d’autres, que la relance d'un restaurant nécessite un peu de temps, en raison non seulement des impératifs d’approvisionnement, mais aussi de planification des ressources humaines.
On a des employés. On a des appels tous les jours. Ça ne va pas bien psychologiquement. [Si on peut rouvrir], il faut faire les horaires. Il y a du monde sur le chômage, il y a du monde qu’on ne sait pas où ils sont.
Éric Lefebvre croit aussi, à l’instar de M. McNeil, que la réouverture des salles à manger permettrait aux Québécois de socialiser dans un cadre sécuritaire.
Les gens ont besoin de socialiser. On le voit présentement : il y a des petites rencontres clandestines qui se font dans les maisons, dans des endroits qui ne sont pas contrôlés
, affirme-t-il.
Je pense que ce serait plus avantageux au niveau de la santé publique d’envoyer ces gens-là […] dans des endroits qui sont contrôlés, où les autorités sanitaires ont accès, peuvent venir voir ce qu’on fait, peuvent fermer les restaurants qui sont récalcitrants
, plaide-t-il.
- François Messier