« Mot en n » : des professeurs de l'UdeS s'insurgent contre la réaction de l'Université d'Ottawa

Plusieurs professeurs de l'UdeS ont signé une lettre ouverte pour dénoncer le traitement subi par la professeure de l'Université d'Ottawa.
Photo : Radio-Canada / Martin Bilodeau
Prenez note que cet article publié en 2020 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
La suspension d'une professeure de l'Université d'Ottawa après l'utilisation d'un mot raciste a des échos jusque dans les couloirs de l’Université de Sherbrooke.
Plusieurs professeurs ont signé une lettre ouverte pour dénoncer ce qu’il considère être une atteinte à la liberté académique et à la liberté d’expression. Ils craignent que cette suspension ne constitue un dangereux précédent et dénoncent la réponse de l’Université d’Ottawa, qui n’a pas, selon eux, suffisamment appuyé Verushka Lieutenant-Duval.
Selon eux, les professeurs peuvent employer des mots blessants si cela est fait de manière appropriée et légitime.
Le fait est que là, on risque d’avoir affaire à de la censure, souligne Marie-Eve Carignan, professeure au département de communication à l’Université de Sherbrooke. Comment les enseignants peuvent débattre, amener de la réflexion, si nous sommes toujours à marcher sur des oeufs ? Et qu’on a la crainte de prononcer un mot qui n’est pas acceptable, alors qu’il doit juste être pris dans le contexte, dans l’intention de débattre, d’éduquer, de sensibiliser les étudiants.
Elle a reçu des menaces, et son adresse, ses coordonnées ont été publiées sur Twitter. L’Université aurait quand même dû prendre position publiquement, selon moi, pour dénoncer, peu importe, le contexte. On ne peut pas menacer un professeur sur les médias sociaux, donner son adresse et la mettre en danger.

Marie-Eve Carignan, professeure au département de communication à l’Université de Sherbrooke, est signataire de la lettre ouverte.
Photo : Radio-Canada
La communauté sherbrookoise noire divisée
Les membres de la communauté noire de Sherbrooke sont mitigés sur la question. Certains estiment, comme Emmanuel Kambi, de la Fédération des communautés culturelles de l’Estrie, qu’il est convenable d’utiliser le mot en n
dans certains contextes.
Évitons [lorsque] c’est un terme qui peut porter à confusion, choquer, parce que c’est dirigé vers certains individus, soutient Emmanuel Kambi. Mais si c’est utilisé pour expliquer un contexte précis, un livre précis, une époque littéraire précise, on peut l’utiliser tout en précisant l’intention qui nous gouverne lorsqu’on en fait usage.
D’autres croient qu’il devrait être complètement banni des salles de classe, et qu’aucune circonstance ne peut justifier son utilisation.
C’est un mot qui a été réapproprié par la communauté, souligne Djeinabou Barry, présidente de l’Association des étudiants noirs en droit de l’Université de Sherbrooke. L’utiliser comme bon nous le semble, quand nous ne sommes pas de la communauté, c’est quelque chose qui a un impact beaucoup plus grand qu’on le pense.
Il y a plusieurs autres termes que les professeurs peuvent utiliser, ils ne sont pas obligés d’utiliser ce terme-là précisément.

Djeinabou Barry, présidente de l’Association des étudiants noirs en droit de l’Université de Sherbrooke
Photo : Radio-Canada
Interpellé à savoir si une telle situation pourrait se produire à l’Université de Sherbrooke, le recteur Pierre Cossette n'a pas souhaité accorder d'entrevue à Radio-Canada. Par courriel, il a toutefois mentionné qu’à l’Université de Sherbrooke, nous sommes convaincus que les sujets sensibles et difficiles peuvent être nommés en utilisant les mots appropriés, dans un contexte de respect et d’ouverture, conditions nécessaires à la réalisation de notre mission d’enseignement, de recherche et de services à la collectivité, tout en développant la pensée critique nécessaire à sa réalisation et à l’avancement de notre société.