Suspension d’une professeure à l'UdO : un « rendez-vous manqué » selon des étudiants

Université d'Ottawa
Photo : Radio-Canada / Marc-André Hamelin
Prenez note que cet article publié en 2020 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Alors que l’Université d’Ottawa (UdO) persiste et signe dans sa gestion de la crise provoquée par l’utilisation du mot en n dans un cours, le président du Syndicat étudiant de l’Université d’Ottawa (SEUO), Babacar Faye, déplore un « rendez-vous manqué ».
Dans un message envoyé lundi à la communauté universitaire, le recteur de l’Université d'Ottawa, Jacques Frémont, a indiqué que la professeure Verushka Lieutenant-Duval, suspendue temporairement pour avoir utilisé le mot en n
dans un cours, est demeurée une employée de l’établissement. Elle a pu reprendre l’enseignement vendredi, tandis que les étudiants qui l'ont demandé ont eu accès à une autre section du cours.
Quelques heures plus tôt, dimanche, le SEUO et 26 organisations étudiantes ont publié une déclaration sommant l’Université d'Ottawa de faire mieux
.
Selon Babacar Faye, l’UdO aurait eu les ressources et les outils pour faire beaucoup plus. Je pense que l’Université a raté l’occasion d’entamer une conversation pas nécessairement sur l’usage du "mot en n", mais sur les pratiques académiques et le rapport avec la race et avec la discrimination.

Le président du SEUO, Babacar Faye, aurait souhaité que l’établissement prenne des mesures concrètes pour mieux appuyer ses étudiants noirs, comme des formations pour les enseignants sur les sensibilités culturelles.
Photo : Radio-Canada
Jugeant paternaliste
l’attitude des 34 professeurs qui ont cosigné vendredi une lettre ouverte appuyant leur collègue suspendue, il a ajouté, lors d'une entrevue avec Radio-Canada, qu’il préférerait que les membres du personnel enseignant fassent un exercice d’introspection
et réévaluent leurs partis pris en tenant compte des cicatrices des étudiants
.
Le message, c’est un peu “débrouille-toi avec le racisme”. Les étudiants noirs sont très fatigués de devoir constamment lutter et soulever des questions pour assurer leur confort et leur capacité d’apprendre dans leur institution. Ils se sont inscrits à l’Université simplement pour étudier, pas pour éduquer d’autres personnes.
Des professeurs inquiets
Du côté des professeurs questionnés par Radio-Canada, la lettre de Jacques Frémont a soulevé la consternation.

Sylvie Paquerot, École d’études politiques, Université d'Ottawa
Photo : Radio-Canada
Sylvie Paquerot, de l’École d’études politiques, se dit très déçue et très inquiète
de la réaction du recteur. Ce que la professeure a dit en classe n’était pas raciste. Si on doit, dans nos sociétés, dans nos milieux de connaissances, en arriver à devoir éliminer tout ce qui pourrait froisser qui que ce soit, la capacité de transmettre la connaissance et l’esprit critique se réduit d’autant.
Ce que le recteur nous propose, au fond, c’est de nous retrouver dans des salles de classe avec le risque que chaque fois que l’on froisse les étudiants, on se retrouve dans des situations comme celle-là.
Maxime Prévost, du Département de français de l'Université d'Ottawa, croit que l’incident aura des conséquences sur l’enseignement. J’ai l’impression, par exemple, que quand j’enseigne Alexandre Dumas en classe et que je parle de sa grand-mère esclave, on risque de me dire que je n’ai pas le droit d’en parler parce que mes ancêtres n’ont pas connu l’esclavage.
Pour sa part, Kasereka Kavwahirehi, la seule personne noire parmi les 34 signataires de la lettre en appui à Verushka Lieutenant-Duval, a préféré ne pas se prononcer directement sur le message de Jacques Frémont. Il va de soi que je reste convaincu que l’Université et les salles de classe devraient être des espaces dont la force réside dans la pensée critique, laquelle est indispensable pour imaginer des présents et des futurs plus justes pour tous.
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Avec les informations de Josée Guérin et Catherine Morasse