Les renforts de la GRC en Nouvelle-Écosse sont « trop tard, très peu »

Selon un ancien sous-commissaire de la GRC à la retraite, des actions politiques doivent avoir lieu pour que se règle le conflit de pêche.
Photo : Getty Images / rustyl3599
Prenez note que cet article publié en 2020 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Lundi, le ministre fédéral des Services aux Autochtones Marc Miller a remis en doute le travail de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) dans le conflit de pêche en Nouvelle-Écosse. Pour Pierre-Yves Bourduas, ancien sous-commissaire de la GRC à la retraite, les forces policières sur le terrain font leur travail, et de leur mieux, dans ce contexte incendiaire.
La situation est beaucoup plus large que de simplement mettre le blâme au pied de la GRC en disant qu’ils ont laissé tomber un groupe ou l’autre groupe
, affirme Pierre-Yves Bourduas.
On a tous vu les images démontrant que les policiers étaient en nombre très inférieur lors de ces confrontations.
Ce conflit-là a quand même tout un volet politique qui doit être discuté, dans son ensemble, au lieu de simplement regarder au travail policier.
L’ancien sous-commissaire de la GRC à la retraite a à son actif 23 ans d’expérience dans les provinces atlantiques. Il a géré à plusieurs reprises des conflits entre Autochtones et non-Autochtones, notamment la crise Burnt Church en 1999.

Un bateau en feu sur un quai, lors de la crise de Burnt Church entourant la pêche, en 1999, au Nouveau-Brunswick.
Photo : Radio-Canada
Pierre-Yves Borduas fait un parallèle entre les deux situations, notant qu’en situation de conflit, la GRC essaie d’apaiser les deux côtés, pour éviter qu’il y ait des confrontations
, mais qu’il est évident que dans les deux cas, la situation s’est détériorée rapidement, malgré la présence policière.
Deux chefs d’accusation ont été déposés contre deux personnes non autochtones depuis le début du conflit.
Présence accrue de la GRC
Le ministre de la Sécurité publique, Bill Blair, a déclaré qu’il allait envoyer des renforts additionnels en Nouvelle-Écosse, mais pour Pierre-Yves Borduas, il s’agit d’une solution de rattrapage. C’est trop tard et très peu
, dit-il.
Bien que le fait d’envoyer du renfort sur les lieux pourrait atténuer les tensions, ce conflit pourrait s’étirer sur plusieurs années
, selon Pierre-Yves Bourduas, si le volet politique n’est pas plus profondément abordé.

Le chef Mike Sack, de la première nation Sipekne'katik, a qualifié jeudi d'«inutile» la GRC dans ce conflit.
Photo : Eric Woolliscroft/CBC
L’Union des pêcheurs des Maritimes déçue de la réponse d'Ottawa
Le directeur général de l'Union des pêcheurs des Maritimes (UPM), Martin Mallet, se dit soulagé de savoir que plus de ressources seront sur le terrain, mais il croit lui aussi que le nœud du problème est d'ordre politique.
En après-midi lundi, le ministre fédéral des Services aux Autochtones, Marc Miller, a affirmé que la pêche dans la baie Sainte-Marie constitue une partie infime des prises de homard. La Première Nation Sipekne'katik dispose de 550 casiers de pêche à homard. En comparaison, les pêcheurs non-autochtones de ce même territoire en Nouvelle-Écosse ont 391 200 casiers.
Si Martin Mallet reconnaît que la portion des casiers de pêcheurs autochtones est infime, il craint plutôt les conséquences à long terme sur la ressource, selon les accords négociés.
C’est quoi le précédent qu’on va créer si l’on permet une pêche hors saison, et qu’est-ce que cela va vouloir dire dans 5 ans ou dans 10 ans d’ici?
demande-t-il. Combien de personnes vont y participer, combien de départs de pêche supplémentaire ça pourrait représenter?
Selon Martin Mallet, si la pêche prenait de l’expansion, cela pourrait signifier des changements vertigineux. Il faut absolument qu’on s’en parle et qu’on ait des dialogues par rapport à cela.

Martin Mallet, directeur général de l'Union des pêcheurs des Maritimes.
Photo : Radio-Canada / Nicolas Steinbach
Depuis plus d’un an, l’UPM demande une table de concertation avec le gouvernement et les représentations des Premières Nations. Il n’y a aucun progrès à ce niveau-là à l’heure actuelle.
Martin Mallet ajoute que l’UPM a prévenu depuis des mois le ministre Blair et la ministre Jordan des tensions qui existent dans la région. Il y a eu en masse d’opportunités pour pouvoir avoir des effectifs sur le terrain pour ne pas que cette situation arrive, et l’on n’a eu aucune réponse à ces demandes-là.
Selon ce dernier, la réaction du gouvernement fédéral actuelle est insuffisante. On s’attendait à une conférence de presse où il y aurait eu plus de substance. Une annonce officielle d’un médiateur ou de plusieurs médiateurs, parce qu’il y a quand même la même question à régler dans diverses régions dans les provinces maritimes et au Québec.
Un représentant ministériel
Le gouvernement fédéral a annoncé qu’il nommerait un représentant ministériel pour négocier avec les deux parties sur le terrain. Ce n’est pas cela qu’on a demandé
, dit toutefois Martin Mallet, visiblement déçu. Nous on a demandé pour des médiateurs professionnels qui ne sont pas du domaine des pêches.
Quand la ministre dit qu’elle a des discussions avec l’industrie, c’est des discussions avec le même genre de réponses qu’elle a données aujourd’hui, c’est des réponses vides de sens.
Selon Martin Mallet, il faudra des années pour réparer le tort qui a été fait sur le territoire.
Bernadette Jordan a fait savoir qu'elle travaillait à la mise en œuvre d'un plan pour assurer le respect des droits garantis par la Cour suprême.
L’UPM demeure très inquiète par certaines réponses de la ministre Bernadette Jordan, surtout pour la question de la pêche de subsistance modérée hors saison. C’est certainement un contentieux très important du côté des pêcheurs là-bas
, dit Martin Mallet.
Il ajoute que l’UPM est toujours en attente à savoir si sa demande pour une table de concertation avec médiation, faite il y a plusieurs mois, se réalisera. Ça demeure un mystère à savoir si ça va se faire ou non.
Un débat d'urgence sur les droits de pêche autochtones a été accordé à la Chambre des communes du Canada lundi soir.
Avec les informations de Karine Godin, d’Héloïse Rodriguez-Qizilbash et de Geneviève Normand