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Black Lives Matter : d'un mot-clic à un mouvement planétaire

La femme sourit devant la caméra.

La cofondatrice du mouvement Black Lives Matter Patrisse Cullors.

Photo : Photo Courtoisie

Prenez note que cet article publié en 2020 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.

Né sur les réseaux sociaux, le mouvement Black Lives Matter ne cesse de gagner des appuis depuis sa création en 2013. Le magazine Time l’a qualifié d’un des mouvements les plus influents du 21e siècle.

Alors que débute lundi C2 En ligne – la version virtuelle de C2 Montréal – la cofondatrice du mouvement Black Lives Matter Patrisse Cullors ouvrira la conférence sous le thème de l’événement : la résilience.


Comment décririez-vous le monde actuel?

Je crois que nous vivons à une époque où nous voyons les réalités de la suprématie blanche. Nous vivons à une époque où depuis très longtemps, particulièrement aux États-Unis, mais aussi dans des pays occidentaux partout sur la planète, il existe cette idée que le racisme n’existe plus et que nous n’avons qu’à faire quelques ajustements pour éliminer le racisme structurel, que les incidents racistes ne surviennent qu’entre deux personnes plutôt que de croire que le racisme est institutionnel.

« Je constate qu’il y a un éveil planétaire, que des gens reconnaissent l'incidence de la suprématie blanche sur leur communauté et qu'ils se lèvent pour la dénoncer et créer du changement. »

— Une citation de  Patrisse Cullors, cofondatrice du mouvement Black Lives Matter

Le premier ministre au Québec refuse d’employer le terme systémique pour parler de racisme. Qu’en pensez-vous?

Il y a un problème lorsque nos élus sont incapables de faire face aux enjeux. En tant que premier ministre d’une province, si vous n’êtes pas en mesure de reconnaître la vérité, vous ne réglerez rien. Cela fait partie de ce que nous devons faire en tant que communauté : nous devons être conscients que le racisme existe, qu’il est partout où vivent les Noirs. Le racisme et la suprématie blanche ne sont pas qu’un problème aux États-Unis, c’est un phénomène planétaire.

Black Lives Matter est né à la suite de l’acquittement de George Zimmerman accusé d’avoir tué Trayvon Martin, un adolescent noir non armé en Floride en 2013...

Alicia [Garza] s’est rendue sur Facebook pour rédiger un mot d’amour [aux personnes noires] dans lequel elle a écrit Black Lives Matter. Ces mots ont résonné en moi. J’ai ajouté un dièse. Je voulais que le monde entier voit ces trois mots et qu’il les utilise. Opal Tometi, notre troisième cofondatrice, nous a aidés à créer la plateforme numérique Black Lives Matter.

Nous voulions être présents autant sur le terrain qu’en ligne. Nous avons passé l’année suivante à travailler avec des gens partout aux États-Unis pour développer ce qui allait devenir le Black Lives Matter Network Foundation, qui est une organisation qui appuie le leadership noir au Canada, au Royaume-Uni et aux États-Unis. Nous allons continuer de soutenir les Noirs partout sur la planète.

« J’en avais assez que la vie des Noirs soit sacrifiée et je voulais que la population blanche comprenne à quel point notre condition est effroyable. J'étais fatiguée que notre génération ne soit pas perçue comme étant talentueuse, capable de contribuer à résoudre les problèmes liés à tant d’enjeux. Par-dessus tout, j’en avais assez d’un pays qui nie l’existence du racisme.  »

— Une citation de  Patrisse Cullors, cofondatrice du mouvement Black Lives Matter

Comment en êtes-vous arrivés à passer d’un mot-clic à un mouvement décrit comme l'un des plus influents du 21e siècle?

Je crois que cette génération en avait assez de sentir que personne ne l'écoutait. Le mouvement lui a donné une voix. Je ne crois pas que ce soit uniquement grâce à Alicia, Opal et moi que nous avons réussi à créer ce mouvement. Il a fallu que des milliers de personnes partout aux États-Unis et dans le monde se lèvent et disent que la vie des Noirs compte, qu’elles disent qu’elles souhaitent que les conditions socio-économiques des Noirs s’améliorent, qu’elles veulent plus que simplement la survie des personnes noires, mais plutôt leur épanouissement.

Nous avons vu d’autres mouvements comme Occupons Wall Street perdre de leur importance, mais après sept ans, ce n’est pas le cas de Black Lives Matter.

Je crois que c’est parce que nous n’abandonnons pas. Nous reconnaissons la valeur de mobiliser les Noirs autour d’enjeux qui nous touchent. Malheureusement, la brutalité policière et la terreur existent encore, donc nous sommes encore présents.

La mission du mouvement n’est pas uniquement de contrer la brutalité policière envers les Noirs.

Nous nous battons pour les droits des femmes noires, pour les Noirs qui ont des enfants et qui finissent par faire les frais des taux de mortalité et de morbidité. Ces taux élevés sont une réalité aux États-Unis et dans votre pays où les femmes noires détiennent le plus haut taux de mortalité en couche. C’est aussi une réalité au Royaume-Uni.

Nous parlons d’enjeux de chômage dans les communautés noires et du fait que les Noirs ne sont pas en mesure de créer de la richesse pour les générations à venir. Nous avons de belles conversations au sein du mouvement qui ne touchent pas que la brutalité policière et la criminalisation de masse.

Les enjeux mis de l’avant d’un chapitre à l’autre ne sont pas toujours les mêmes?

Nous accordons une grande importance à une mobilisation propre à chaque chapitre [à chaque ville]. Lorsque George Floyd et Breonna Taylor ont été tués, assassinés, lorsqu’ils nous ont été enlevés, c’est la communauté qui s’est levée pour manifester contre la violence policière et la gouvernance locale.

Les femmes sont très impliquées dans le mouvement Black Lives Matter, il semble être important pour vous de changer l’impression que la société a d'elles?

J’ai été très claire sur le fait que, lorsque nous avons démarré Black Lives Matter, personne n’allait nous mettre de côté. Les femmes noires ont toujours été les architectes du mouvement pour les droits civiques pas seulement aux États-Unis, mais partout sur la planète. Je n’allais pas leur permettre de nous mettre de côté comme Rosa Parks ou Ella Baker.

Ce n’est que maintenant que nous prenons conscience que Rosa Park était nuancée, qu’elle n’était pas qu’une vieille femme qui a décidé de ne pas céder son siège dans l’autobus. Elle était une stratège et une yogi. Ella Barker était très critique de Martin Luther King, elle a vraiment remis en question l’idée qu’il fallait un leader charismatique pour mener une cause, ce qui fait que nous embrassons un style de leadership qui est centré sur le groupe.

« Nous avons besoin de tout et chacun pour changer le monde. »

— Une citation de  Patrisse Cullors, cofondatrice du mouvement Black Lives Matter

Quelle a été l’influence du mouvement Black Lives Matter jusqu’à maintenant?

Nous avons changé la culture, la façon dont nous parlons de racisme, non seulement aux États-Unis, mais partout sur la planète. Dans chaque ville où Black Lives Matter est bien implanté, nous avons changé les relations entre la gouvernance municipale et les leaders noirs en plus d’avoir un mot à dire sur qui parmi les élus conserve son siège. Plusieurs élus n’ont pas réussi à demeurer en poste parce qu’ils n’étaient pas du bon côté de l’Histoire.

Quel a été le rôle du mouvement Black Lives Matter au cours de cette élection présidentielle américaine?

Black Lives Matter Network Foundation a mis en place une importante campagne pour inciter la population à aller voter. Nous menons des efforts partout aux États-Unis. Il y a des groupes qui militent pour défendre le droit de vote et qui s’assurent qu’il n’y ait pas d'embûches pour empêcher les électeurs de voter. Nous sommes conscients que les politiques électorales et le travail électoral sont vraiment très importants pour notre mouvement. Nous le voyons comme une stratégie plus globale pour donner du pouvoir local aux Noirs.

« Nous voulons nous assurer qu’il ne soit plus permis que la suprématie blanche soit le visage du gouvernement américain. Nous voulons que nos communautés guérissent [de leurs traumatismes liés au racisme], qu’elles soient entières et dignes. »

— Une citation de  Patrisse Cullors, cofondatrice du mouvement Black Lives Matter

Comment réagissez-vous au fait que plusieurs élus et agences gouvernementales américaines vous ont qualifié d’organisation terroriste?

Nous rappelons aux gens qui nous sommes. J’ai écrit un livre. Alicia Garza a un livre à paraître, The power of purpose, Charlene Carruthers, ancienne directrice nationale du Black Youth Project 100 a publié un livre, Unapologetic. Plusieurs d’entre nous avons décidé de raconter notre histoire et nous n’allons pas laisser la droite ou les médias de droite être la voix de notre mouvement.

Le thème de C2 En ligne est la résilience. Certains diraient que se lever chaque jour pour affronter le monde lorsqu’on est Noir est un acte de résilience.

Je crois que les Noirs sont parmi les personnes les plus résilientes. Il y a un prix à payer pour cette résilience face à l’oppression de genre, le racisme et plusieurs autres formes d’oppressions.

Que souhaitez-vous que les gens comprennent quant au sens du slogan Black Lives Matter?

Je crois que les gens doivent comprendre que nous ne pouvons pas dire que nous vivons dans un pays où la vie de tous compte tant que la vie des Noirs ne comptera pas. Nous ne pouvons pas continuer de vivre dans un pays où nous refusons aux Noirs le droit de s’épanouir et le droit à la vie. Nous ne pouvons pas vivre dans un pays qui nie que le racisme existe. C’est notre travail de prendre conscience du moment que nous vivons.

Un contrat avec Warner Bros. Television

Patrisse Cullors vient de signer une entente avec Warner Bros. Television. Selon le contrat, l’autrice, professeure, militante et cofondatrice de Black Lives Matter Network Foundation aura la tâche de développer du contenu télévisuel varié pour toutes les plateformes de ce grand studio américain.

Je veux raconter l’histoire de Noirs qui ont été des leaders de défense des droits civiques. Je veux raconter l’histoire de Noirs qui se battent et remettent en question le système. Je veux raconter des histoires de science-fiction avec des Noirs parce que j’adore la science-fiction. Je veux me reconnaître dans la science-fiction, ce qui fait que je suis très intéressée de raconter l’histoire de Noirs à travers mon prisme, à travers ce que j’ai connu en grandissant, a-t-elle affirmé.

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