Une famille autochtone de Winnipeg accuse de racisme deux employés d'un hôpital

Sheila North dit que le médecin essayait de faire admettre à sa mère qu’elle était alcoolique alors que ce n’est pas le cas. D’après, elle il a fait preuve de préjugés à l'égard de sa mère.
Photo : Radio-Canada
Prenez note que cet article publié en 2020 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Sadie North, mère de l’ancienne grande chef du regroupement autochtone Manitoba Keewatinowi Okimakanak (MKO), dit avoir été victime de racisme à l’Hôpital Grace de Winnipeg au début du mois de septembre. La famille qualifie son hospitalisation de dégradante et de traumatisante. Elle demande le congédiement d’un médecin et d’un autre membre du personnel soignant mis en cause.
Lors d’un point de presse vendredi, Sheila North et sa mère ont livré leur version des événements. D’après leur récit, Sadie North a été déposée à l’hôpital le samedi 5 septembre par sa fille, car elle ne se sentait pas bien et avait une infection à la jambe.
Sheila North souligne qu’elle ne pouvait pas rester avec sa mère en raison des restrictions mises en place par la santé publique dans les hôpitaux, pour limiter les risques de transmission de la COVID-19.
Dès que nous sommes arrivées, on m’a dit : tu dois partir, et ça je le savais
, raconte-t-elle en soulignant avoir laissé sa mère seule car elle espérait que celle-ci recevrait de meilleurs soins à l’hôpital.
Sadie North dit qu’elle n’a reçu aucune aide malgré les signes de faiblesse qu’elle présentait. Je me débattais pour me déplacer jusqu'à la porte avec ma marchette. J’entendais juste une voix qui me disait : c’est par ici; bats-toi pour y arriver
, relate-t-elle.
Elle se souvient que cette personne a continué à lui parler. Une fois à la réception de l'urgence, celle-ci a commencé à lui poser des questions. Elle m’a demandé : pourquoi es-tu ici? Dis-moi, tu as quoi? Pourquoi es-tu là?
Une interrogation que l’aînée autochtone de 72 ans qualifie d’inappropriée compte tenu de son état. Elle précise qu’elle avait du mal à se tenir debout et n’arrivait même plus à formuler des phrases.
Cette femme lui a ensuite demandé d’aller dans la salle d’attente en lui disant que dix autres personnes étaient arrivées avant elle. C’était vraiment pénible. Je ne pouvais plus me déplacer même avec ma marchette. Sur le chemin, un membre du personnel soignant m’a poussée jusqu’à la salle d’attente
, relate-t-elle.
Sadie North explique que son état s'est aggravé pendant qu’elle était dans la salle d’attente. Je ne pouvais plus tenir ma tête, j’ai vomi des deux côtés et je n’avais plus aucune sensation aux bras, c’était horrible
, dit-elle. Il n’y avait personne pour m’aider
, ajoute-t-elle. Elle a perdu connaissance peu de temps après.
À son réveil, elle était sur une civière et des infirmières étaient autour d’elle. Par la suite, elle a été admise dans une chambre au troisième étage.
Le lundi, un des médecins venu l’ausculter avait des préjugés, selon elle. Il m’a posé des questions sur le style de maison où je vis. Puis il m’a demandé quelle quantité d’alcool je consomme
, déplore-t-elle.
D’après Sadie North, les questions du médecin et son attitude étaient désobligeantes. Elle soutient que ce dernier semblait n’accorder aucune importance à son dossier médical et ses antécédents médicaux. Il n’a pas regardé mon infection, tout ce qu’il faisait c’était de m’accuser, d’affirmer que j’ai des problèmes d’alcool.
C’est une très mauvaise manière de poser les questions. Je ne consomme pas d’alcool. Pourquoi est-ce qu’il me jugeait de la sorte sans me connaître? Pourquoi les personnes malades doivent-elles subir ça?
, ajoute-t-elle avec émotion. Elle note qu’elle a le diabète et précise qu’elle connaît les conséquences de la consommation d’alcool pour une personne comme elle.
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Sadie North souligne que pendant son hospitalisation, elle a été soumise au test de dépistage de la COVID-19. Mais en fin de compte, elle souffrait de septicémie, une infection grave, qui se propage dans l’organisme par voie sanguine à partir d’un foyer infectieux initial.
L’origine de cette maladie est le plus souvent bactérienne, mais elle peut aussi être provoquée par des virus, des champignons ou des parasites.
Elle a reçu son congé de l’hôpital de 9 septembre.
Dénoncer pour éviter que ça se reproduise
Sheila North souligne que sa mère ne leur a rien dit sur ce qu’elle subissait
pendant son séjour à l'hôpital, quand elle lui téléphonait.
Les premiers jours on a eu du mal à la joindre, mais après on lui a parlé; elle était un peu faible, mais rien de plus
, dit Sheila North.
Sa mère souligne qu’elle était sous le choc et avait du mal à analyser ce qui lui arrivait. Une fois rentrée à la maison, elle a senti toute la douleur des propos qu’elle avait entendus pendant son hospitalisation.
Je ne voulais pas parler, mais je suis contente de l’avoir fait finalement. Lorsque je revois ce qui m’est arrivé, je pense à d’autres aînés, ça me brise le cœur, dit-elle. Je ne souhaite pas ça à personne, car c’est vraiment dur.
Des excuses de l’hôpital jugées insuffisantes
Sheila North indique avoir communiqué avec des responsables de l’Hôpital Grace pour dénoncer le traitement infligé à sa mère. Ces derniers, explique-t-elle, se sont excusés et ont dit qu’ils offrent déjà une formation sur les préjugés culturels et continueront de travailler avec leur personnel sur la question.
Elle précise que selon l’hôpital, le médecin a reconnu avoir posé des questions à Sadie North sur sa consommation d’alcool, soutenant que ce sont des questions qu’il poserait à n’importe quel patient.
Sheila North réitère que le problème n’est pas la question comme telle, mais la manière dont elle a été posée. Selon elle, le médecin essayait de faire admettre à sa mère qu’elle était alcoolique alors que ce n’est pas le cas.
Elle note que ce n’est pas la première fois qu’elle amène sa mère à l’Hôpital Grace, mais que c’est la première fois qu’elle est aussi mal traitée dans cet établissement
.
Sheila North indique qu'un rapport de l'hôpital mentionne que sa mère y est arrivée seule, ce qui est faux
, lance-t-elle. J’ai moi-même déposé ma mère à l’hôpital, je ne suis pas restée parce que je ne pouvais pas. Jamais nous n’aurions laissé notre mère seule si ça dépendait de nous
, mentionne-t-elle.
Les personnes racistes doivent être congédiées
Sheila North précise que tous les membres du personnel soignant qui ont fait preuve de racisme envers sa mère doivent être congédiés. Ce n’est plus acceptable. Ils ne peuvent pas traiter les gens de cette manière et continuer paisiblement leur vie. Trop c’est trop! Ce ne sont pas des enfants.
L’ancienne grande chef du regroupement autochtone MKO
souligne qu’elle envisage de déposer une demande formelle de congédiement, qui serait aussi adressée au Collège des médecins du Manitoba, car le besoin de changer les mentalités vis-à-vis des Autochtones incombe à tout le monde.La preuve que les racismes systémiques est encore présent
L'actuel grand chef de MKO
, Garrison Settee a exprimé son soutien à Sadie et Sheila North.Il souligne que Sadie North est une aînée très respectée de sa communauté.
[Ce qu’elle a vécu] est la preuve que les racismes systémiques sont encore présents
, déplore-t-il.
De son côté, l’Hôpital Grace indique que les préjugés inconscients, la discrimination et le racisme n’ont pas leur place dans l'établissement.
Nous remercions l’aînée Sadie North et sa famille de nous avoir fait part de leurs préoccupations et de s’être exprimés
, affirme la chef de l'exploitation de l’hôpital, Kellie O’Rourke dans une déclaration écrite.
Kellie O’Rourke réitère les excuses de l’hôpital à Sadie North et sa famille. En collaboration avec les Services de santé autochtones de l’ORSW, nous nous sommes activement engagés auprès de l’aînée North et de sa famille au cours des dernières semaines pour écouter et comprendre leurs préoccupations
, dit-elle.
Nous sommes sincèrement désolés pour son expérience et nous lui avons adressé nos excuses ainsi qu’à sa famille. Nous nous engageons à poursuivre nos conversations avec eux pour nous assurer que nous faisons tout notre possible pour répondre à leurs préoccupations
, ajoute-t-elle.