AnalyseLes quatre défis de Paul St-Pierre Plamondon

Paul St-Pierre Plamondon a été élu à la tête du Parti québécois, le 9 octobre 2020.
Photo : La Presse canadienne / Paul Chiasson
Prenez note que cet article publié en 2020 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Dans son récent — et très intéressant — livre Au-delà du pouvoir, l’ancienne première ministre Pauline Marois décrit le Parti québécois qu’elle a trouvé en devenant sa cheffe : « Le PQ était à la dérive. Ses finances étaient dans une situation très précaire, l’option souverainiste perdait du terrain, particulièrement chez les jeunes et les troupes étaient profondément désunies ». Plus tard, elle ajoute que « les changements de chef, quatre en douze ans, avaient divisé les députés et les militants en plusieurs petits clans ».
Avec l’arrivée de Paul St-Pierre-Plamondon, le PQ aura connu, au cours des 10 dernières années, quatre chefs et trois chefs par intérim — qu’il faut inclure dans le calcul, puisque les intérims ont parfois été plus longs que le règne de certains chefs!
Bref, c’est le jour de la marmotte au Parti québécois.
Cela dit, l’élection de M. St-Pierre-Plamondon ne ressemble pas tant à celle de Pauline Marois qu’à celle d’André Boisclair en 2005. Comme Boisclair, à l’époque, il représente une nouvelle génération de péquistes et son élection constitue un refus de la continuité qu’aurait été Pauline Marois en 2005 ou Sylvain Gaudreault aujourd’hui.
Au moins, M. Boisclair connaissait bien le PQ et y avait de solides appuis. M. St-Pierre-Plamondon se décrivait encore comme un orphelin politique
il y a six ans et il n’a pu compter sur l’appui d’un seul des députés actuels.
1. Rebâtir l'organisation
Ce premier défi comme chef du PQ sera difficile à relever.
En 2018, quand Jean-François Lisée a été élu chef, plus de 55 000 membres du PQ avaient participé au vote. Cette fois, ce fut à peine 25 000, en comptant le millier de sympathisants qui s’étaient inscrits et avaient le droit de vote.
Mais voici un parti qui n’a plus qu’une seule députée (Véronique Hivon – qui serait très certainement cheffe aujourd’hui si elle n’avait pas décidé de passer son tour) au sud et à l’ouest de Rimouski. Un nombre important de ses organisateurs, de ses cadres et de son personnel sont arrivés – et sont heureux! – à la Coalition avenir Québec.
Mme Marois, et avant elle Jacques Parizeau, ont pris la tête d’un parti désorganisé, c’est vrai, mais ils venaient de ce parti : ils connaissaient bon nombre des présidents de comtés et des organisateurs. PSPP partira de beaucoup plus loin.
2. Obtenir de la visibilité
Son second défi est encore plus grand : la visibilité. Il ne reste que deux ans avant la prochaine élection. C’est peu de temps pour PSPP pour se faire connaître, d’autant qu’à cause de son défi numéro un, dont on vient de parler, il entend ne pas se faire élire à l’Assemblée nationale avant le prochain scrutin.
Il est vrai qu’à leur époque, René Lévesque et Jacques Parizeau furent des chefs extra-parlementaires
, mais leur notoriété et leurs états de service leur assuraient une visibilité que n’aura jamais le nouveau chef péquiste.
Qu’on le veuille ou non, au Québec, c’est à l’Assemblée nationale que se passent les grands débats – et donc la visibilité qu’ils impliquent. On ne peut espérer avoir beaucoup de temps d’antenne quand on est loin des caméras et que vient le temps de commenter un dossier chaud de l’actualité.
3. Renouveler le discours souverainiste
Troisième défi : renouveler le discours souverainiste. Quand il était orphelin – et même après avoir rejoint le PQ – PSPP qualifiait d’ obsession référendaire
l’attitude des péquistes pressés qui voulaient un référendum le plus tôt possible après l’élection d’un gouvernement péquiste. Reconnaissant que c’était la volonté des militants, il le promet maintenant le plus tôt possible.
Mais, pour cela, il faut avoir un discours sur la souveraineté qui soit cohérent. Or, pendant sa campagne à la direction du PQ, PSPP est revenu à un argumentaire qui repousse tous les problèmes dans la cour du gouvernement fédéral.
Par exemple : y a-t-il un problème de racisme systémique envers les Autochtones? Non, le mot est tabou au PQ comme à la CAQ. Il y a du racisme d’État, inspiré de la Loi fédérale sur les Indiens – qui est d’inspiration tout à fait raciste, il est vrai – mais qui n’a rien à voir avec le traitement des Autochtones par la Sûreté du Québec dans le Nord québécois ou dans un hôpital de Joliette...
Tous les problèmes rencontrés dans la crise sanitaire sont, de même, pelletés dans la cour du fédéral. Le fait que le gouvernement du Québec ait dû demander l’aide de l’armée – parce qu’Ottawa n’a pas accepté assez rapidement de prolonger son mandat dans les CHSLD.
Même la Prestation canadienne d’urgence – qui a aidé des milliers de Canadiens et de Québécois qui n’étaient pas admissibles à l’assurance-emploi – ne trouve pas grâce à ses yeux. On peut certainement se demander ce qu’aurait fait PSPP avec les milliers de ses concitoyens qui se retrouvaient soudainement sans revenus, à cause d’une pandémie dont ils n’étaient nullement responsables.
4. La prochaine élection
Enfin, il y a la prochaine élection, qui se déroulera presque certainement sur des thèmes qui sont loin de ce qui a animé la course à la direction du PQ.
Personne ne sait quand la pandémie se terminera. Et encore moins quand l’économie finira par retrouver l’élan qu’elle avait au début de 2020. La prochaine élection se déroulera nécessairement sur fond de pandémie et de reprise économique.
À l’élection de l’automne 2022, le PQ pourra bien parler de souveraineté ou faire le procès du fédéralisme, il risquera tout simplement de ne pas faire partie de la conversation pendant la campagne électorale.
Quoi qu’il ait pu dire pendant la campagne à la direction, le nouveau chef du PQ n’aura d’autre choix que de vite changer de discours.