2020, une année fructueuse pour les vignerons du Québec
Les derniers mois ont été difficiles pour bien des secteurs d'activités, mais les vignerons ont plus d'une raison de se réjouir.

Charles-Henri De Coussergues, vigneron et copropriétaire du Vignoble de l'Orpailleur, est fier et satisfait de sa production viticole cette année.
Photo : Radio-Canada / Fannie Bussières McNicoll
Prenez note que cet article publié en 2020 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
L'été chaud et sec a été cruel pour bien des agriculteurs, mais ces conditions ont été une véritable bénédiction pour les vignerons du Québec.
Charles-Henri De Coussergues, copropriétaire du Vignoble de l'Orpailleur, s'accroupit et montre avec fierté une belle grappe de raisins charnus et juteux... avant de croquer un grain.
C'est une année un peu rêvée pour les vignerons. On a une vendange très saine, pas de maladie. C'est beau, c'est mûr, c'est goûteux. La quantité est bonne, la qualité est exceptionnelle!
L'ensoleillement et la chaleur ont été particulièrement profitables pour les cépages rouges. D'une période sans gel qui était de 135 jours dans les années 80, aujourd'hui, on est à peu près à 185 jours sans gel. La saison s'est beaucoup rallongée, ce qui permet de laisser maturer du rouge assez longtemps
, explique-t-il.
Après une quinzaine d'années de production de rouge au Québec, on en voit maintenant qui se démarquent et qui font honneur à la province. Donc ça, c'est assez motivant!
ajoute-t-il.
Les consommateurs au rendez-vous
En plus d'un millésime 2020 prometteur, les vignerons sont emballés par l'intérêt des Québécois pour leurs produits. Les ventes ont été excellentes cet été grâce à des consommateurs plus enclins à acheter local depuis le début de la pandémie. Un engouement qui a profité aux vins québécois, selon la sommelière Élyse Lambert.
Je pense que la combinaison entre la recherche de produits locaux, la promotion et leur qualité fait en sorte qu'on a aujourd'hui un marché des vins au Québec qui se porte très bien.
Charles-Henri De Coussergues est du même avis. Oui, avec la COVID-19, le premier ministre encourage à acheter local, mais parallèlement à ça, il y a aussi la qualité des vins québécois qui se démarque et qui fait en sorte que les gens ne sont pas déçus quand ils dégustent un produit local
, note-t-il.

Sara Gaston, du Vignoble du Ruisseau près de Dunham, en Montérégie
Photo : Radio-Canada / Fannie Bussières McNicoll
À quelques kilomètres du vignoble de l'Orpailleur, Sara Gaston, copropriétaire du jeune Vignoble du Ruisseau près de Dunham, confirme que l'achalandage de leur boutique a été enviable cet été. Cet enthousiasme se sent très vite quand on visite l'entreprise, bien reculée dans les terres de Montérégie, où les clients se succèdent pour déguster les produits.
Cette année, on devait prendre nos vacances au Québec
, explique une cliente. Étant une amatrice de vin, je me suis dit, pourquoi ne pas découvrir les vins québécois?
On est là pour voir ce que nos producteurs ont à offrir
, ajoute cet autre visiteur. Pour nous, ce n'est pas une habitude, c'est notre première découverte.
Un vignoble québécois qui innove
À une centaine de mètres du bâtiment principal, une dizaine d'employés s'affairent à terminer les vendanges de la saison au Vignoble du Ruisseau. Ils travaillent sous de gros tunnels qui ressemblent à des serres. Une pratique peu commune qui permet de protéger les vignes de cépages rouges des intempéries. Ça nous permet de vendanger du pinot noir à pleine maturité année après année même si la météo du millésime n'avait pas été adéquate
, explique Sara Gaston.

Un employé du Vignoble du Ruisseau qui s'affaire aux vendanges.
Photo : Radio-Canada / Fannie Bussières McNicoll
Elle fait partie de cette nouvelle génération de vignerons créatifs qui innovent pour poursuivre l'amélioration des vins du Québec. Les membres de sa famille ont misé sur des cépages nobles européens, les vitis vinifera, qui sont plus sensibles au froid. En plus d'avoir recours à ces grands tunnels de toile, ils ont développé et breveté leur propre système de géothermie pour contrôler la température des vignes.
Enfouis à deux mètres sous terre, 15 000 mètres de tubulure captent la chaleur du sol. Celle-ci est emmagasinée avant d'être redistribuée l'hiver auprès des vignes afin de les protéger des grands froids.

La chaleur captée dans le sol circule dans ces tubes installés à un pied du sol, près des vignes, afin d'éviter que la température ne descende sous -10 degrés Celsius l'hiver.
Photo : Radio-Canada / Fannie Bussières McNicoll
La géothermie, pour nous, était la solution la plus intelligente, tant au niveau financier qu'environnemental
, indique Sara Gaston. Ça nous assure une période hivernale en toute tranquillité. Et puis ça nous permet de réveiller la vigne de rouge deux à trois semaines plus tôt.
Un savoir-faire qui porte ses fruits
Élyse Lambert, qui détient le titre de 5e Meilleur Sommelier du Monde 2016, affirme sans équivoque que l'expertise et le savoir-faire des vignerons québécois est en pleine ascension.
Les vignerons ont une meilleure compréhension des terroirs sur lesquels ils se trouvent, mais aussi une meilleure expertise
, explique-t-elle. Ils sont mieux encadrés et beaucoup travaillent en collégialité et apprennent les uns des autres. On a adapté certaines méthodes culturales pour permettre l'amélioration de la maturation et de la culture du raisin. Pour ces raisons-là, on a des vins qui sont beaucoup plus intéressants qu'il y a 20 ans.
La sommelière ajoute que l'amélioration se fait sentir de façon un peu plus précise pour les vins rouges, qui ont longtemps été la bête noire des producteurs et qui étaient boudés des consommateurs.
On est sur un climat nordique, il ne faut jamais l'oublier, et on ne pourra jamais avoir des vins opulents, riches, puissants, boisés extraits sur un climat comme celui qu'on a. Ce qu'il faut rechercher dans les vins rouges du Québec, et c'est ce que les vignerons sont en train de nous proposer de plus en plus, ce sont des rouges en fruit, facile d'approche, peu boisés, qui vont avoir une certaine fraîcheur, une certaine acidité qui est rattachée directement à notre climat.
Dans la cour des grands
Yvan Quirion, vigneron propriétaire du Domaine Saint-Jacques en Montérégie, s'apprête à terminer ses vendanges. Lui aussi est convaincu du potentiel du terroir québécois.

Yvan Quirion au milieu de son vignoble à Saint-Jacques-le-Mineur en Montérégie.
Photo : Radio-Canada / Fannie Bussières McNicoll
On ne se dit plus qu'on n'a pas le climat pour faire pousser des cépages nobles. On a la période végétative au Québec pour amener le raisin à maturité. On a le savoir-faire et il y a des gens très forts en marketing qui sont arrivés dans l'industrie qui aident à démocratiser le vignoble québécois.
Si on ajoute à tout ça l'engouement créé par la pandémie, on dirait qu'on est maintenant embarqué sur l'autoroute, comme les vins français, comme les vins californiens! C'est très excitant!
Cet enthousiasme pour les vins du Québec, mais aussi la présence d'une relève de jeunes vignerons, l'enchantent et le rassurent quant à l'avenir de son industrie.