Mort de Joyce Echaquan : honte et indignation à l'hôpital de Joliette
La mort de la femme atikamekw dans des circonstances troubles continue de susciter des interrogations et des réflexions.

La mort de Joyce Echaquan suscite des sentiments de honte et d'indignation parmi le personnel du Centre hospitalier régional de Lanaudière.
Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers
Prenez note que cet article publié en 2020 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Plusieurs jours après le décès de Joyce Echaquan, l’atmosphère est toujours pesante à Joliette. Des employés du Centre hospitalier régional de Lanaudière (CHRDL) témoignent des sentiments de honte et d’indignation qui les submergent. Ils reconnaissent également qu’il faudra agir.
Hier soir, quand je suis rentrée au travail, j'avançais vers la porte d'entrée [de l'hôpital] et j'ai eu vraiment un sentiment de honte!
C'est ainsi que Mélanie Perreault décrit ce qu'elle ressent lorsqu'elle se rend au travail depuis la mort de Joyce Echaquan.
L'infirmière en obstétrique travaille depuis 13 ans au CHRDL. Elle ne se reconnaît pas dans la vidéo qui témoigne des derniers moments de Joyce Echaquan, mais elle ne fait pas de déni non plus.
Je réclame le droit de dire que j'ai jamais été comme ça, mais je me sens quand même honteuse. Et il y a une partie de moi qui ne veut pas le laisser partir ce sentiment parce que ça voudrait dire laisser tomber, abdiquer. C'est un poids qu'il faut porter, même si c'est lourd
, explique-t-elle.

Mélanie Perrault, infirmière en obstétrique depuis 13 ans à Joliette, est habitée par un sentiment de honte lorsqu'elle se rend au travail depuis la mort de Joyce Echaquan.
Photo : Radio-Canada
Le poids de l'échec, le personnel de l'hôpital de Joliette ne doit pas être le seul à le porter, selon Mathieu Pelletier. Ce médecin fait partie du groupe de médecine familiale du nord de Lanaudière, dont la clinique est située à deux pas de l'hôpital.
Je pense qu'il appartient à chacun de faire l'examen de conscience, de dire quels sont mes préjugés? Comment je peux m'améliorer? Eh oui, pour certains, je pense que c'est un réveil difficile
, soutient-il.
Il compte de nombreux Atikamekw parmi ses patients et il a mis sur pied un programme pour offrir des soins chaque semaine dans la communauté de Manawan.
Depuis la mort de Joyce, il encaisse l'onde de choc vécue par les Atikamekw, mais aussi par la communauté médicale. Il ne faut pas se fermer les yeux, dit-il, le drame aurait pu se jouer n'importe où au Québec.
Je comprends qu'on s'intéresse à la situation de l'hôpital de Joliette, mais je perçois un piège à mettre le focus uniquement sur l'hôpital de Joliette. La Commission Viens a clairement démontré qu'il y a de la discrimination envers les Autochtones dans les soins de santé au Québec et ce n'est pas seulement à Joliette
, insiste-t-il.

Le reportage de Valérie Gamache
Photo : Radio-Canada
Même si l'indignation née des circonstances entourant la mort de la mère atikamekw de 37 ans est répandue partout au Québec, elle l'est encore plus à Joliette, raconte la députée péquiste Véronique Hivon.
Il y a beaucoup d'introspection en ce moment. Il y a beaucoup de gens qui se disent : "Est-ce que j'aurais pu faire plus? Est-ce que ce racisme-là que je voyais au quotidien, j'aurais pu penser que ça mène à des choses aussi épouvantables?"
Pour l'élue, une partie des réponses passent par la honte que cela suscite.
Les manifestations de racisme nous font honte. Donc, est-ce que les allochtones les dénoncent autant qu'ils le devraient? Parce que, dans le fond, ça nous renvoie à nous-mêmes de voir ces manifestations de racisme
, analyse Mme Hivon.
La honte et l'indignation comme vecteur de changement
Selon Mélanie Perreault, à l'intérieur des murs de l'hôpital, l'incompréhension se propage. On en revient pas, on est tous sous le choc et on se remet tous en question à se dire, est-ce que j'ai déjà dépassé la ligne?
dit-elle.
Une question obsède personnellement l'infirmière à savoir comment transformer cette honte et cette indignation en un vecteur de changement? Comment faire? Je pense qu’il y a des rapports qui l'ont démontré avec des lignes directrices. Maintenant, je pense qu'il faut le faire. La justice fera ce qu'elle a à faire. Mais moi, là, comme infirmière, je veux qu'on me le dise ce que je dois faire
, poursuit-elle.

Mathieu Pelletier
Photo : Radio-Canada
Mélanie Perreault accepte de vivre avec cet inconfort, mais refuse de rester immobile et affirme d'ailleurs ressentir une urgence d'agir depuis qu'elle a discuté avec le conjoint de Joyce Echaquan lors de la vigie, qui s'est tenue devant l'hôpital de Joliette le lendemain du drame.
Avec ses sept enfants, Joyce était connue dans le département d'obstétrique, où travaille Mélanie Perreault.
Il nous a dit : "Dites merci à notre équipe pour les bons soins que vous avez offerts à ma conjointe." Ce soir-là, ce qu'il nous a dit c'est : "Je vous dis que j'ai encore un peu d'espoir." C'est pas rien ce qu'il nous a envoyé comme message. Le conjoint de cette femme-là qui nous dit merci. Ça veut dire qu'il voit encore qu'il peut y avoir du beau! Faut pas perdre ça. Faut pas perdre la chance qu'il nous donne
, conclut-elle.