Internet haute vitesse : la CAQ sait depuis un an que sa promesse est impossible
Le premier ministre a pourtant réitéré mardi que tous les Québécois auront accès au haut débit d'ici 2022, contredisant sa propre ministre.

La ministre responsable du Développement économique régional, Marie-Eve Proulx.
Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers
Prenez note que cet article publié en 2020 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Des documents internes au caucus de la CAQ, obtenus par Radio-Canada, révèlent que le gouvernement sait depuis au moins un an qu’il ne pourra pas réaliser sa promesse électorale de connecter tous les Québécois à Internet haute vitesse avant la fin du mandat.
Dans un argumentaire pour préparer la ministre responsable du développement économique régional Marie-Eve Proulx à répondre à des questions difficiles, on découvre que les projets ne seront pas tous achevés, mais plutôt sélectionnés ou en cours de réalisation en 2022
. Le document est daté d’octobre 2019.
Le gouvernement savait donc déjà que tous les Québécois n'auraient pas accès à Internet haute vitesse à temps, comme promis. On peut même lire dans le document l'anticipation de la question suivante :
« Que tous les projets soient amorcés d'ici 2022 et non complétés, n'est-ce pas un recul par rapport à votre engagement maintes et maintes fois répété [...]? »
Autre document et autre révélation
Dans une Mise à jour sur notre engagement de brancher les régions
, datée du 4 février 2020 et partagée au caucus de la CAQ, on découvre que le premier ministre lui-même a proposé de changer le message.
« Proposition du PM : en 2022 chaque citoyen devra savoir QUAND il sera branché. »
Pourtant, encore cet été, François Legault martelait que tous les Québécois auraient accès à Internet haute vitesse en 2022.
- Le 16 juillet, en Gaspésie : « Ça va être fait d’ici maximum deux ans. »
- Le 21 août, dans le Centre-du-Québec : « Ça va être réglé d’ici deux ans. »
Lundi, Radio-Canada révélait que seuls 7000 foyers ont été branchés à Internet haute vitesse depuis l'arrivée de la CAQ au pouvoir.
Il en reste environ 340 000 à desservir et l'objectif ne sera pas atteint, de l'aveu même du ministère de l'Économie.
Dès la campagne électorale de 2018, des fonctionnaires jugeaient la promesse irréaliste.
Mardi, à l'Assemblée nationale, le député du PQ Harold LeBel a interpellé la ministre Proulx, en rappelant que l'absence de l'Internet haute vitesse empêche des villages de se développer
.
« Ça crée des iniquités sociales, en privant des populations non branchées de l'égalité des chances, ce qui est inacceptable en ces temps de pandémie. »
La ministre a alors reconnu que tous les Québécois ne seront pas desservis en 2022 :
« Nous allons aller de l'avant d'ici 2022 pour que tout le monde connaisse la date de son branchement, puis idéalement, tout le monde va être branché. »
François Legault contredit sa ministre
Dans un geste rare, le premier ministre s'est ensuite levé en Chambre pour répondre à la place de sa ministre à la question d'un simple député. François Legault a alors corrigé le tir et réitéré son intention.
« J'ai demandé au président de Bell, Mirko Bibic, de le rencontrer le 19 octobre et j'ai bien l'intention d'essayer de le convaincre que tout soit fait pour l'automne 2022, comme promis. »
Le cabinet du premier ministre l'a confirmé par la suite. L’objectif reste le même : que tous les foyers non branchés à Internet haute vitesse le soient d’ici l’automne 2022
, écrit dans un courriel l'attaché de presse de François Legault, Ewan Sauves.
Interrogé en fin de journée, le cabinet de la ministre Proulx a préféré s'en remettre à la réponse du bureau du premier ministre.
Je ne comprends pas comment le premier ministre peut réannoncer que le Québec sera complètement branché en 2022
, réagit le député Harold LeBel. Il le sait pourtant que ce n'est pas faisable.
« Il faut être transparent avec la population. Il faut clarifier tout ça. Quel délai on se donne et comment on fait pour accélérer les projets? »
Lors de sa prise de parole, François Legault a expliqué que les entreprises de télécommunications sont toutes prêtes à signer pour les 340 000 maisons, mais elles ne sont pas capables, en particulier Bell
.
Il a aussi évoqué les difficultés d'accès aux poteaux de Bell pour dérouler la fibre optique vers les villages.
Plusieurs municipalités et promoteurs se plaignent des délais. Chaque poteau appartenant à Bell, ou d'autres, doit être préalablement inspecté. Un permis doit aussi être délivré pour l'accès à chaque poteau et cela peut prendre jusqu’à 18 mois, peut-on lire dans un des documents internes de la CAQ.