Percy Schmeiser contre Monsanto : le film hollywoodien critiqué par des agriculteurs

C’est d’abord l’affiche du film qui a soulevé l’indignation. Sur celle de gauche, l’acteur Christopher Walken, qui interprète Percy, est debout dans un champ de maïs, alors que le vrai récit porte sur des récoltes de canola, comme l'illustre l'affiche à droite.
Photo : Radio-Canada
Prenez note que cet article publié en 2020 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Le film Percy, qui porte au grand écran la bataille juridique d’un agriculteur saskatchewanais contre le géant de l’agrochimie Monsanto, suscite la critique dans les Prairies à quelques jours de sa sortie. Pour certains, ce long métrage hollywoodien déforme l’histoire.
C’est d’abord l’affiche du film qui a soulevé l’indignation. Sur celle-ci, l’acteur Christopher Walken, qui interprète Percy, est debout dans un champ de maïs, alors que le vrai récit porte sur des récoltes de canola.
L'affiche a été corrigée depuis, mais l’incident a néanmoins alimenté le scepticisme : ce film présentera-t-il plus de fiction que de faits?
Le long métrage aborde l’histoire de Percy Schmeiser, un agriculteur de Bruno, en Saskatchewan, qui a mené son combat contre Monsanto et un de ses brevets d’un organisme génétiquement modifié (OGM), le Roundup Ready Canola, jusqu'à la cour Suprême du Canada.
Percy Schmeiser, qui a perdu son combat contre le droit des entreprises à breveter non seulement des semences, mais les générations futures des plantes qu'elles produisent, est présenté comme un héros dans le film.

Dans un gazouillis, l'agricultrice et blogueuse Adrienne Ivey, qui vit près d'Ituna, en Saskatchewan, dit que le film Percy « dépeint le pauvre petit agriculteur face aux grands méchants monstres des OGM, même si ce n'est pas du tout ce qui s'est passé ».
Photo : Radio-Canada
Celui-ci est par ailleurs rempli de rhétorique anti-OGM. Une militante environnementale fictive, jouée par Christina Ricci, fait pression sur le personnage principal pour qu’il devienne la tête d’affiche des opposants aux OGM et aux grandes entreprises agricoles.
Selon Todd Lewis, un producteur de canola de la Saskatchewan, beaucoup d’agriculteurs sont à l’aise
avec les OGM.
Les OGM sont une science solide, et leur innocuité a été prouvée à plusieurs reprises
, affirme-t-il.
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Les semences qui soufflent dans le vent
Dans le film, l’histoire commence en août 1998 lorsque Monsanto Canada remet à Percy Schmeiser des documents juridiques l’accusant de cultiver illégalement ses semences de canola brevetées.
Il doit y avoir une erreur. J’ai mes propres semences
, répond alors ce dernier.
Comme la plupart des agriculteurs, le principal intéressé avait passé des décennies à conserver des semences pour les replanter par la suite.
Il n’a jamais acheté celles de Monsanto, a-t-il toujours soutenu.
À cette époque, la multinationale commençait à vendre son Roundup Ready Canola
, des graines de canola génétiquement modifiées pour les rendre résistantes à son herbicide Roundup.
Des documents du tribunal ont révélé que 95 % à 98 % des récoltes de Percy Schmeiser, en 1998, étaient composés de Roundup Ready Canola. Le géant de l’agrochimie l’a poursuivi pour violation de brevet.
À l’aide des transcriptions de la cour, le film présente la défense du Saskatchewanais, selon laquelle une semence de Monsanto a dû tomber d’un camion voisin pour aboutir sur ses terres porté par le vent.
Le film ne révèle cependant pas que le juge de première instance a rejeté cette explication, la qualifiant d’invraisemblable.
Le drame se construit dans le long métrage lorsque l’agriculteur est traité de voleur par des voisins, qu’il est rejeté dans sa communauté et qu’il fait presque faillite en portant sa cause devant la Cour suprême.
Malgré les critiques négatives, le fils de Percy Schmeiser, John, affirme que l’histoire portée au grand écran est très juste
. Même chose pour sa femme, Louise, qui rappelle que Monsanto a fait de leurs vies un véritable enfer
.
Des conclusions de la Cour sont omises
Certaines des conclusions les plus accablantes à l’endroit de Percy Schmeiser sont omises dans ce long métrage.
Dans une décision rendue en 2004, des juges de la Cour suprême (Nouvelle fenêtre) du Canada concluent que l’agriculteur n’était pas un contrefacteur innocent
.
Ces derniers expliquent de quelle façon Percy Schmeiser a découvert des plantes résistantes au Roundup sur ses terres en 1997 et qu'il savait ou aurait dû savoir qu’il conservait et mettait en terre des semences contenant le gène et la cellule brevetés
.
La Cour suprême s’est finalement rangée du côté de la multinationale en déclarant le Saskatchewanais coupable d’avoir planté des graines de Monsanto sur ses terres et d’avoir violé les lois sur les brevets.
La majorité des juges de la Cour suprême ont également accepté le droit de Monsanto d'exercer son brevet sur les générations futures des plantes génétiquement modifiées issues de ses semences, puisqu'il s'appliquait aux gènes et aux cellules modifiées par la multinationale.
Percy Schmeiser n'a toutefois pas eu à payer de dommages-intérêts à la multinationale. À l'unanimité, la Cour suprême a jugé qu'il n'avait pas profité des modifications génétiques du canola OGM de Monsanto, puisqu'il n'avait jamais répandu l'herbicide Roundup dans ses champs.
Avec les informations de Bonnie Allen