COVID-19, la bulle chinoise

La vie a repris dans les parcs de Pékin. Photo prise le 3 octobre 2020.
Photo : Radio-Canada / Anyck Béraud
Les rires d’enfants autour d’un bassin grouillant de petits poissons rouges, les exclamations de joueurs de cartes regroupés sous un gazebo ou qui s’affrontent aux tables de ping-pong installées en plein air, ou encore la joie de convives réunis autour d’une bonne table au restaurant : autant de scènes captées à Pékin et qui semblent surréalistes au moment où plusieurs régions du monde, y compris au Canada, sont de nouveau en confinement.
Difficile d’imaginer qu’il y a quelques mois à peine, la capitale chinoise avait des airs de ville fantôme avec ses rues désertées et sa population largement terrée chez elle.
Le pays était terrorisé par ce nouveau coronavirus qui a entraîné la mise en quarantaine très stricte de dizaines de millions de personnes ailleurs dans l’Empire du Milieu, au premier chef à Wuhan et dans le Hubei, la ville et la province épicentres de la COVID-19.
Déambuler dans les rues de Pékin ces jours-ci, c’est un peu comme se promener sur une autre planète. On en vient presque à oublier que la pandémie a commencé en Chine, l’an dernier.
Presque.
La nouvelle vie normale
Ici et là, il y a des rappels sanitaires dans ce pays qui affirme avoir circonscrit la COVID-19 et dont le bilan de l’épidémie – contesté par plusieurs capitales et experts – s’élève à 90 604 cas confirmés de contamination et 4739 décès (au 4 octobre 2020), pour une population d’un peu plus d’un milliard 300 millions de personnes.
Des rappels entre autres à respecter la distance de sécurité.
Pour pouvoir accéder à bien des endroits, la prise de température reste de mise et il faut être prêt à dégainer, sur son téléphone intelligent, la preuve de sa bonne santé obtenue grâce à un code QR des autorités sanitaires.
Bien des piétons continuent de porter des masques dans les secteurs passants et achalandés de la capitale chinoise, qui a été frappée par une vague de COVID-19 à la fin du printemps après avoir été épargnée au début de la pandémie.
Ils sont moins nombreux à le faire à Shanghai, c’est du moins ce qu’il m’a semblé lors de mon passage, il y a quelques jours, dans des quartiers résidentiels et le long de la populaire promenade du Bund de la mégalopole chinoise.
Entre sentiment de sécurité et prudence
Le port du masque reste toutefois obligatoire dans les transports en commun, ou encore dans les édifices et endroits publics. Samedi, en prenant un taxi avec des collègues, le chauffeur a rapidement rappelé à l’un d’entre nous d’en mettre un sur son visage.
La nervosité, voire la peur des premiers mois de la vie sous la COVID-19, semble avoir cédé la place à un climat paisible teinté de prudence.
Dans cette Chine qui recourt au dépistage massif et à l’isolement lorsqu’il y a des cas et des soupçons, les autorités assurent qu’il n’y a pas eu de cas de transmission locale du nouveau coronavirus en plus d’un mois.
Reste qu’à l’approche de la Semaine dorée (Golden Week) de la Fête nationale, du 1er au 8 octobre, plusieurs municipalités, dont la ville de Pékin, ont conseillé à leurs citoyens de limiter les déplacements.
Ansha, une traductrice et conseillère en divertissement, nous confie que sa famille ne s’éloignera pas trop de la capitale, contrairement aux années passées, pour être certaine que sa fille Wance, qui est en 9e année, pourra retourner sur les bancs d’école après le long congé.
Son école a peur qu’elle rate des cours si [on] va dans des endroits où surgissent de nouveaux cas. Elle nous déconseille de sortir de Pékin
, précise la mère de famille. Toutefois, il semble que peu de ses concitoyens soient prêts à suivre son exemple.
Reprise des voyages intérieurs
Tout indique que le nombre de voyages et de réservations dans les hôtels et dans les sites touristiques est en train de battre un record. On compte presque 100 millions de déplacements en un seul jour, au début de ce long congé d’une semaine. Les Chinois, après des mois d’isolement forcés à rester chez eux, ont des fourmis dans les jambes.
Mais ils voyagent surtout en Chine. L’idée d’une quarantaine dans un autre pays ou d’en faire une en revenant chez eux tempère les envies d’aller voir ailleurs.
Une quatorzaine est imposée à quiconque pose les pieds dans l’Empire du Milieu, qui a temporairement fermé ses frontières à la majorité des étrangers pendant des mois, y compris les détenteurs de visa long séjour et de permis de travail, à compter de la fin mars.
Les autorités chinoises martèlent que le danger d’une deuxième vague réside dans les cas importés. C’est-à-dire ceux détectés chez des personnes qui arrivent sur le territoire. Elles enregistrent presque chaque jour une poignée de ces cas importés, parfois quelques dizaines.
Une bulle très protégée
Dans l’un des hutongs [réseau de ruelles] de Pékin normalement prisé par les touristes, il y a considérablement moins d’étrangers que d’habitude, c’est remarquable en ce premier week-end d’octobre. À part certains bars où des expatriés et des Chinois se retrouvent avec bonheur, les boutiques de souvenirs ne bourdonnent pas de l’activité habituelle.
À la sortie d’un restaurant, un jeune étudiant en informatique aborde l’un des membres de mon groupe. Il a entendu parler français. Il se désole de ne pas pouvoir converser davantage dans la langue de Molière depuis des mois.
La baisse du nombre de touristes internationaux, privant l’Empire du Milieu d’une certaine manne, est l’une des conséquences, voire l'un des prix à payer, de la protection de la bulle chinoise contre la COVID-19.