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Le protocole de triage de l’Ontario sème l’émoi chez les personnes handicapées

Un patient séjourne dans une unité de soins intensifs.

Le protocole de triage est un guide qui permettrait aux hôpitaux ontariens de choisir les patients qui auraient droit à un respirateur en cas de pénurie.

Photo : La Presse canadienne / JONATHAN HAYWARD

Le gouvernement de Doug Ford a développé en catimini un plan de gestion des lits de soins intensifs, alors que l’Ontario s’apprête à affronter une deuxième vague de COVID-19 qui pourrait être plus féroce que la première.

Le protocole de triage, mis au point au cours des derniers mois, permettrait aux hôpitaux ontariens de choisir les patients qui auraient droit à un respirateur en cas de pénurie.

Ce protocole comprend un indice de fragilité (clinical frailty scale, en anglais) qui s’appuie, entre autres, sur l’espérance de vie des patients, leur niveau d’indépendance et s’ils souffrent de maladies dégénératives.

Les patients dont l’espérance de vie est estimée à moins de six mois seraient écartés. Les autres sont classés en fonction d’une panoplie d’activités qu’ils peuvent entreprendre sans assistance – comme manger, s’habiller, marcher et se laver.

Ce serait de graves violations des droits de la personne.

Une citation de David Lepofsky, président de l’Alliance AODA

Coronavirus : la situation en Ontario

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Une représentation du coronavirus.

En gros, on décide qui vit et qui meurt en fonction de leurs handicaps. Et on place ceux qui ont les handicaps les plus sévères au bas de la liste, affirme l’avocat et militant David Lepofsky.

La province envisage déjà jusqu’à 1000 nouveaux cas de COVID-19 chaque jour durant la première moitié du mois d’octobre, ce qui pourrait exacerber le problème d’engorgement des hôpitaux.

Une porte-parole du ministère de la Santé explique que le protocole ne serait appliqué qu’en cas de forte hausse de la demande aux soins intensifs, dépassant l’offre et après tout effort raisonnable pour mobiliser des ressources dans un hôpital ou une région.

Une pratique discriminatoire, selon des experts

Selon le protocole de triage, l’indice de fragilité sert à prédire la probabilité qu’un patient meure en soins intensifs, même si un respirateur et un traitement lui sont fournis.

Roxanne Mykitiuk, professeure de droit spécialisée en bioéthique, soutient qu’un patient très peu autonome, qui aurait donc un faible score selon l’indice de la province, pourrait fort bien survivre au coronavirus.

Le protocole est discriminatoire prima facie envers les personnes handicapées, dit-elle. Ça n’a rien à voir avec leur état de santé, ni leur capacité de se remettre de la COVID.

La professeure Roxanne Mykitiuk.

Roxanne Mykitiuk, professeur à l'école de droit Osgoode Hall à Toronto, estime que mettre en pratique ce protocole violerait la Charte canadienne des droits et libertés.

Photo : Radio-Canada / Pierre-Olivier Bernatchez

Elle souligne que l’indice de fragilité avait été conçu il y a 15 ans afin de mieux planifier l’offre de soins de santé aux personnes qui ont des besoins plus criants. Cet indicateur est très problématique quand on s’en sert pour trier des vies humaines, dit-elle.

Je ne crois pas que les médecins veulent faire ce genre de choix déchirants. Ils veulent aider les gens à survivre, pas décider qui devrait mourir.

Une citation de Roxanne Mykitiuk, professeure à l’école de droit Osgoode Hall, de l’Université York

Dans le cadre de consultations en mars et en août, Mme Mykitiuk a exprimé ses préoccupations auprès de la table de bioéthique de la province, le comité d’experts multidisciplinaire chargé de rédiger le protocole de triage en soins intensifs.

Elle craint que la première ébauche de ce plan ne soit encore le mot d’ordre dans le système de santé. Le gouvernement n’a jamais précisé si cette ancienne ébauche très problématique a été révoquée, dit-elle.

Doris Grinspun, directrice de l'Association des infirmières et infirmiers autorisés de l'Ontario, affirme que le gouvernement Ford avait plusieurs mois pour planifier ses effectifs et éviter l'engorgement dans les hôpitaux, qui semble se concrétiser ce mois-ci.

Ce protocole, c’est carrément déterminer qui vit et qui meurt, lance-t-elle. C’est un choix impensable qu’on nous impose.

La directrice estime par ailleurs que les nouvelles mesures annoncées vendredi ne vont pas assez loin pour freiner la propagation du virus. C'est trop peu, trop tard, dit-elle.

L’opposition réclame un débat à Queen’s Park

Le porte-parole néo-démocrate en matière d’accessibilité, Joel Harden, presse le gouvernement Ford de dévoiler son protocole de triage aux soins intensifs, dans sa forme actuelle. Il a soumis une question écrite à cet effet auprès de la ministre de la Santé, mercredi.

Le député lui a également demandé de rendre publiques et accessibles toute recommandation et tout rapport émis à ce sujet par la table de bioéthique.

On a des inquiétudes. On a besoin de réponses.

Une citation de Joel Harden, porte-parole néo-démocrate en matière d’accessibilité

Dans d’autres pays, où il y a eu des surcharges, il y a eu des décisions absolument honteuses par rapport aux personnes âgées, aux personnes handicapées, affirme-t-il.

Joel Harden, député du NPD.

Le député néo-démocrate Joel Harden

Photo : Radio-Canada / Jonathan Dupaul

Considérant ses implications, un tel protocole devrait être adopté par l’entremise d’un projet de loi et faire l’objet d’un débat à l’Assemblée législative, selon M. Harden.

Nous sommes tombés dans une deuxième vague de COVID. Les hôpitaux ne sont pas surchargés pour l’instant, mais c'est fort possible, affirme le député. On doit maintenant s'assurer de garantir les droits humains des personnes handicapée.

Le ministère de la Santé affirme qu'une version révisée du protocole qui comprend des modifications importantes est à l'étude, mais refuse pour l’instant de la dévoiler.

Après ses consultations avec des experts en droits des personnes handicapées, la table de bioéthique reconnaît qu’utiliser l’indice de fragilité dans un contexte de triage aux soins intensifs soulève d’importantes préoccupations, répond une porte-parole du ministère.

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