2020 : une année catastrophique pour l’industrie aérienne de l’Atlantique

Atterrissage d'un avion à l'aéroport international Stanfield d'Halifax.
Photo : Getty Images / shaunl
Prenez note que cet article publié en 2020 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Les aéroports en Atlantique traversent une période critique. L’achalandage est au plus bas, notamment en raison des restrictions aux voyageurs. Les projets d’agrandissement sont sur la glace, ou encore complètement abandonnés. De Moncton à Charlottetown en passant par Halifax, on demande à Ottawa d’accroître son aide.
Six mois après la fermeture des frontières en Atlantique, les aéroports sont désertés. Une baisse d’achalandage de 92 % entre avril et août a été enregistrée.
Bernard LeBlanc, président-directeur général de l’Aéroport international Roméo-LeBlanc du Grand Moncton, indique que les pertes de revenus actuelles demeurent le plus grand défi. On est à environ 10 millions de revenus de moins que l’an dernier
, dit-il.

Bernard LeBlanc, président-directeur général de l'Aéroport international Roméo-LeBlanc du Grand Moncton.
Photo : Radio-Canada
Normalement, avril et mai sont les plus gros mois de l’année, avec plus de 70 000 passagers. En 2020, ce sont plutôt de 1000 à 1500 passagers pour la même période qui ont franchi les portes.
Par conséquent, des projets totalisant près de 10 millions de dollars ont été annulés. La main-d’œuvre a aussi été réduite. On a fait ce qui est nécessaire
, dit Bernard LeBlanc.
Pour survivre, l’aéroport pige dans ses réserves en capital, destinées à la modernisation et la rénovation des pistes d’atterrissage et à des projtes d’agrandissement. Si on regarde notre survie à long terme, emprunter n’est pas une solution à long terme
, fait valoir M. LeBlanc.
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Le mot d’ordre : réduire les coûts. Même son de cloche à Halifax, où le plus gros aéroport des Maritimes doit se rabattre sur des économies de bouts de chandelle.
Nous recherchons des gains d’efficacité par tous les moyens possibles
, indique une porte-parole de l’Aéroport international Stanfield d’Halifax, Leah Batstone.
Fermeture d’escaliers roulants, diminution de l’éclairage : tous les moyens sont bons pour joindre les deux bouts.
Trafic aérien de pandémie
À l’aéroport de Charlottetown, dans la province de l’Île-du-Prince-Édouard, le taux d’achalandage a baissé de 94 % en juillet et en août.
Deux vols par jour sont effectués en septembre, par Air Canada et WestJet. L’an dernier à pareille date, il y avait de 10 à 12 vols par jour.

Doug Newson, directeur général de l'aéroport de Charlottetown.
Photo : Radio-Canada
À Moncton, au Nouveau-Brunswick, le trafic a chuté presque à zéro en avril et mai 2020.
En août 2020, ce sont 12 % des vols de mois d'août 2019 qui ont été effectués.
Jamie DeGrace, directeur général de l’aéroport de Bathurst, note un défi supplémentaire dans les Maritimes en raison de la fermeture des frontières. Ça n’existe pas ailleurs dans le Canada
, dit-il, en faisant référence à la période d'isolement obligatoire de 14 jours.
La voiture a été privilégiée comme moyen de transport à l'intérieur de la bulle atlantique, selon Doug Newson, directeur général de l’aéroport de Charlottetown.
Il n’y a pas beaucoup de demandes pour les vols aériens en ce moment.
Une des choses qui sont difficiles pour les aéroports, c'est que les réglementations et les restrictions sont différentes de province en province
, ajoute le président-directeur général de l’Aéroport international Roméo-LeBlanc. Le genre de chose qui pourrait aider, c’est ouvrir le voyage au Canada. Mais encore, on veut le faire de façon sécuritaire
.
Or, la deuxième vague de COVID-19 qui a commencé à sévir ailleurs au Canada ne donne pas envie aux résidents des provinces de l’Atlantique de voir les frontières interprovinciales rouvrir.

Pour 2020, Bernard LeBlanc anticipe une perte de revenus de 50 % en comparaison à 2019.
Photo : Radio-Canada / Guy R. Leblanc
Si la situation persiste, le président-directeur général craint que 2021 soit encore pire que 2020, qui a tout de même eu des activités aux mois de janvier, février et mars.
Les petits aéroports
Alors que les activités commerciales se poursuivent à Moncton, elles ont complètement disparu des pistes d’atterrissage à Bathurst.
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2020, c’est catastrophique
, dit Jamie DeGrace, directeur général de l’aéroport.
Air Canada y a fermé son bureau régional et depuis juin, la liaison avec Montréal n’est plus.
On a perdu tous nos vols commerciaux.
L’achalandage a connu une diminution de 100 %. L’année dernière, au même moment de l’année, plus de 6000 passagers par mois ont été enregistrés. La moyenne est de 4000 à 5000 par mois, mais elle augmente durant l’été.
Si l’aéroport était ouvert 24 h sur 24 avant la pandémie, ce n’est plus le cas maintenant. Les heures ont été largement réduites pour permettre à la direction de diminuer les dépenses.
Plus de 60 % des employés ont été mis à pied. Ceux qui restent, des employés essentiels pour que l’aéroport demeure ouvert, profitent de la Subvention salariale d’urgence du Canada (SSUC).

L'aéroport de Bathurst, au Nouveau-Brunswick.
Photo : Radio-Canada
Les pertes financières s’élèvent à 98 % dans l’établissement.
Tout comme pour les grands aéroports, il existe toutefois beaucoup de coûts fixes pour le maintien des activités.
L’établissement utilise en ce moment ses réserves financières, qui étaient initialement prévues pour l’achat de nouvel équipement. On a des équipements qui sont assez âgés. Ça coûte cher les maintenir
, explique Jamie DeGrace.
De plus, l'aéroport a besoin de plus d’employés pour la période hivernale. On est un service essentiel. On a toujours des vols qui passent ici.
L’un d’eux : l’ambulance aérienne.
Une aide fédérale réclamée par tous
Le discours du Trône a récemment souligné le soutien aux infrastructures et au tourisme, sans nommer le secteur aéroportuaire.
Ottawa a déjà accordé aux aéroports un congé de paiement de leur bail pour la location des terrains, mais les aéroports en Atlantique demandent la prolongation de la mesure pour les années à venir. À Moncton, ces frais s’élevaient à 520 000 $ en 2019.

Le premier ministre du Canada, Justin Trudeau (archives).
Photo : Radio-Canada
L’établissement néo-brunswickois espère toutefois voir une aide gouvernementale supplémentaire, car il doit refaire une piste d’atterrissage l’an prochain, l’un de ses nombreux coûts fixes. Selon Bernard LeBlanc, 70 % des coûts de l’aéroport de Moncton sont fixes.
Initialement, les projets capitaux planifiés entre 2020 et 2024 pour l’aéroport de Moncton s’élevaient à 40 ou 45 millions de dollars, mais cette donne a changé.
L’incertitude de la durée de la pandémie est un facteur majeur, selon Bernard LeBlanc, qui croit que les décisions à long terme sont nécessaires.

L'intérieur de l'aéroport de Charlottetown, en août 2020.
Photo : Radio-Canada / Shane Hennessey
Du côté de l’aéroport de Bathurst, chaque dépense pour l’année à venir est prise dans la réserve, ce qui raccourcit l’espérance de vie de l’établissement.
Selon Jamie DeGrace, l'aéroport n’est pas en danger pour 2021 si un nouveau transporteur est sécurisé, et si les dépenses demeurent au minimum. Sans ces conditions-là, ce serait vraiment difficile
, dit-il.
Bien que l’aide fédérale pour les salaires des employés aide beaucoup l’aéroport de Bathurst, Jamie DeGrace souligne qu’une aide supplémentaire du gouvernement, notamment pour les coûts fixes, serait l’idéal.

Jamie DeGrace, directeur général de l'aéroport de Bathurst.
Photo : Radio-Canada
Il demeure tout de même optimiste : l’établissement cherche depuis des mois un nouveau partenaire régional pour accueillir de nouveaux vols. Il veut aussi développer le fret aérien. Des discussions sont en cours avec d’autres transporteurs.
Avec les informations de Jean-Philippe Hughes, de Paul Légère et de Julien Lecacheur