Non, les médecins ne reçoivent pas 3000 $ lorsqu’ils attribuent un décès à la COVID-19
Cette rumeur a été partagée plus de 5000 fois sur Facebook.

Cette publication a été partagée plus de 5000 fois.
Photo : Capture d'écran
Prenez note que cet article publié en 2020 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Une publication rapidement devenue virale affirme que les médecins reçoivent 3000 $ lorsqu’ils constatent un décès attribuable à la COVID-19 dans le but d’augmenter le nombre de morts liés à la pandémie. Or, il n’existe aucune prime de rémunération pour les décès causés par le coronavirus au Québec, et d’autres éléments de cette histoire sont invraisemblables.
Une dame vient de me dire que son fils de 45 ans qui a demandé l'aide à mourir et qui a été accepté doit signer un papier disant qu'il sera décédé de la COVID-19 sinon son décès n'aura pas lieu. Je lui ai demandé pourquoi on le lui refuse maintenant et elle me dit que c'est parce que le médecin recevra 3000 $ si son fils signe ce maudit papier
, peut-on lire dans la publication Facebook d’une internaute québécoise datée du 20 septembre 2020.
Sacrement pis on nous fait accroire qu'il y a beaucoup de décès causés par ce virus!!!
, peut-on lire en conclusion de la publication qui a été supprimée après avoir été partagée plus de 5000 fois.
Aucune preuve
Nous avons tenté de joindre l’auteure de ce message afin d’obtenir davantage de détails sur son histoire et de parler avec la femme dont il est question dans la publication. Nos messages sont demeurés sans réponse.
Notons également que la publication offre très peu d'informations précises : les noms du patient, du médecin, de l’hôpital et même de la ville où se serait produit cet événement n'y sont pas non plus mentionnés.
Chose certaine, par contre, il n’existe pas de prime liée aux décès causés par la COVID-19 au Québec.
La Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ) et la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ) ont toutes deux signé des lettres (Nouvelle fenêtre) d’entente (Nouvelle fenêtre) avec le gouvernement du Québec en début de pandémie déterminant les modalités de rémunération propres à ce contexte sanitaire particulier. En consultant lesdites ententes, on ne trouve aucune mention de prime au décès d’un patient atteint de la COVID-19.
Nous n’avons rien en lien avec le 3000 $ dont il est question dans la publication et nous ignorons d’où provient l’information véhiculée
, a réagi Marjorie Larouche, porte-parole du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS), par courriel.
Par contre, les deux fédérations nous confirment que les médecins reçoivent des honoraires fixes pour la rédaction de la déclaration de décès, qu’il soit attribuable ou non à la COVID-19. Pour les omnipraticiens, ce montant est de 19,80 $, tandis qu’il s’élève à 32,70 $ pour les médecins spécialistes.
L’aide médicale à mourir, pas si simple que ça
Dans la publication, la description du processus d’aide médicale à mourir, tout comme celui de la déclaration de décès, ne semble pas correspondre à la réalité.
Dans une déclaration transmise par courriel, le Collège des médecins du Québec (CMQ) explique qu’une demande d’aide médicale à mourir doit être évaluée par deux médecins.
Le médecin qui fait l’aide médicale à mourir doit obtenir la trousse de médicaments d’un pharmacien qui doit rendre des comptes et déclarer lui aussi le cas. Enfin, le médecin doit rapporter les médicaments et faire la conciliation avec le pharmacien. Il doit également déclarer le cas qui sera évalué par la Commission sur les soins de fin de vie
, détaille la relationniste du CMQ, Leslie Labranche.
Selon le Collège, il n’est donc pas possible qu’un médecin déclare un décès lié à la COVID-19 d’une telle manière
, conclut-elle.
Ce n'est d'ailleurs pas en faisant signer un papier à un patient avant son décès que sa cause de décès est déterminée : cette responsabilité relève plutôt d'un professionnel de la santé ou du coroner. L'Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) a même un Guide de gestion des décès reliés à la COVID-19 (Nouvelle fenêtre) qui détaille le strict cadre opérationnel pour établir un lien entre un décès et le virus.
Fausse nouvelle à l’international
L’idée que les médecins ont des incitatifs financiers pour attribuer des décès à la COVID-19 n’est guère nouvelle : elle a déjà circulé – et a été démentie – en France et en Angleterre, entre autres.
En mai, une image devenue virale sur les réseaux sociaux soutenait que les médecins britanniques recevaient 75 livres sterling en signant un avis de décès normal, et que ce montant s’élevait à 120 livres sterling pour un décès lié à la COVID-19. Or, des médias de vérification de faits comme Reuters (Nouvelle fenêtre) ont déterminé que l’histoire était fausse et que les médecins britanniques n’étaient pas rémunérés pour signer des avis de décès, qu’ils soient liés à la COVID ou pas.
Fin août, une publication affirmait que les hôpitaux français recevaient une prime de 5000 euros lorsqu’ils déclaraient un décès lié à la COVID-19. L’information a été démentie par le ministère de la Santé français dans plusieurs médias, dont La Voix du Nord (Nouvelle fenêtre) et 20 Minutes (Nouvelle fenêtre).
Une rumeur semblable a également circulé aux États-Unis en avril, mais la situation est un peu plus compliquée qu’ailleurs : un article avançait que les hôpitaux américains sont payés plus cher lorsqu’ils admettent des patients infectés par la COVID-19, et qu’ils reçoivent trois fois plus d’argent si le patient est intubé. Le but, selon cet article, serait de gonfler le nombre de décès attribuables à la pandémie.
S’il est vrai que le système d’assurance maladie des États-Unis verse un montant 20 % plus élevé que la normale pour des patients atteints de la COVID-19, recevoir trois fois plus d’argent pour les patients intubés est une pratique normale pour tout patient atteint d’une maladie respiratoire qui doit être intubé en raison des coûts supplémentaires que cela peut occasionner.
Ceci n’est pas un scandale
, avait alors déclaré au site de vérification de faits Politifact (Nouvelle fenêtre) le chercheur en soins de santé de l’American Enterprise Institute, Joseph Antos.
Le 20 % a été ajouté par le Congrès (dans un projet de loi pour la relance économique) parce que les hôpitaux ont perdu des revenus provenant de soins de routine et des chirurgies non urgentes qu’ils ne peuvent pas fournir pendant cette crise, et parce que les frais occasionnés par la prestation de services courants aux patients COVID ont bondi
, a-t-il expliqué.