UPAC : Lafrenière dit n'avoir rien à voir avec la démission de son ex-bras droit
L’ancien patron de l’UPAC a esquivé toutes les questions des journalistes sur les allégations d'intimidation formulées par le député Guy Ouellette.

L’ex-patron de l’Unité permanente anticorruption (UPAC), Robert Lafrenière, était le premier témoin dans le procès intenté en Cour supérieure par son ancien bras droit, Marcel Forget, contre le gouvernement du Québec.
Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers
Prenez note que cet article publié en 2020 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Appelé à témoigner au procès qu’intente Marcel Forget contre Québec pour avoir été congédié de façon abusive, l’ex-grand patron de l’UPAC, Robert Lafrenière, affirme qu’il n’a joué aucun rôle dans la démission de son ancien bras droit.
Robert Lafrenière était le premier témoin appelé à la barre lundi matin dans le cadre de la poursuite au civil de 2 millions de dollars intentée contre Québec par Marcel Forget, ex-numéro deux de l’UPAC, qui affirme avoir été forcé de démissionner par ses supérieurs il y aura bientôt trois ans.
Marcel Forget a quitté ses fonctions le 30 novembre 2017 après qu’une enquête du Journal de Montréal eut révélé qu’il aurait agi comme intermédiaire dans la vente d’actions de l’entreprise Newtech à cinq de ses collègues policiers et ex-policiers, alors qu’il était officier à la Sûreté du Québec dans les années 1990 et 2000 et qu’il n’avait pas de permis de courtier.
Des allégations que rejette en bloc Marcel Forget qui réclame six ans et demi de salaire au gouvernement du Québec en dommages et intérêts.
Longuement interrogé par l’avocat de Forget, Me Daniel Rochefort, l’ex-grand patron de l’UPAC a reconnu que la performance de son bras droit à l'époque dépassait les attentes sur tous les plans.
Marcel Forget occupait à l’époque les fonctions de commissaire associé aux vérifications à l’UPAC. Il était responsable du bureau des enquêtes sur la probité des entreprises qui désiraient remporter des contrats publics. Une quarantaine de personnes travaillaient alors sous ses ordres.

Marcel Forget réclame un peu plus de 2 millions de dollars au gouvernement du Québec.
Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers
Considérant le rendement exceptionnel de son client dans un service où le climat était réputé toxique et le roulement de personnel élevé, Me Rochefort a exposé que Marcel Forget aurait même contribué à stabiliser la situation au sein de l’unité. Ce qui, selon lui, ne laisse aucun doute sur la nature éminemment politique de son congédiement déguisé en démission.
Robert Lafrenière a affirmé qu'il n'avait rien à voir avec cette démission.
L'ex-grand patron de l'UPAC a aussi mentionné qu'il n'était pas inquiété à l'époque par les révélations du Journal de Montréal. D'après lui, c'est le secrétariat aux emplois supérieurs qui était chargé du renouvellement des mandats.
Démission forcée
Dans la poursuite déposée en février 2018 contre le gouvernement du Québec, M. Forget affirme que ses patrons l’ont forcé à donner sa démission à peine quelques heures après la publication de l'article dans le Journal de Montréal, sans lui laisser aucune autre option.
Martelant que ces allégations étaient totalement fausses, Marcel Forget précise dans la poursuite qu'elles étaient par ailleurs insuffisantes
pour démontrer qu’il ait pu y avoir une quelconque fraude dans cette affaire.
D’après la version de la poursuite, Marcel Forget aurait été contacté le 30 novembre 2017 par l’ex-secrétaire général associé aux emplois supérieurs, André Fortier, après la parution du Journal de Montréal, pour lui signifier qu’il devait démissionner sur-le-champ, à défaut de quoi il serait destitué par le gouvernement.
André Fortier aurait ajouté que les dés étaient jetés, que le ministre de la Sécurité publique de l’époque, Martin Coiteux, était sur le point d’annoncer son départ et que c’était à lui [M. Forget] de décider si le ministre annoncerait une démission ou une destitution.
Affirmant avoir été placé dans une position intenable par ses patrons, M. Forget affirme dans sa poursuite qu’il a été contraint d’agir contre son gré.
La même journée, le grand patron de l’UPAC, Robert Lafrenière, aurait, selon Marcel Forget, annoncé publiquement la démission de son bras droit aux employés de l’UPAC avant même d’avoir reçu sa lettre de démission.
La direction de l’UPAC a déclaré plus tard dans un communiqué que Marcel Forget avait quitté l’organisation pour éviter de nuire à cette dernière et qu’aucun acte illégal ne lui était reproché.

Marcel Forget (à l'avant-plan), lors d'un événement de presse en compagnie de son ex-parton, Robert Lafrenière.
Photo : La Presse canadienne / Ryan Remiorz
Créée en février 2011 par le gouvernement libéral de Jean Charest, l'Unité permanente anticorruption a pour mandat de lutter contre la corruption, la collusion et la fraude dans le système public.
Or, les relations étaient pour le moins difficile à la tête de l’organisation, selon deux rapports déposés en 2016 et en 2017 qui faisaient état d’un climat toxique non seulement au sein de la direction, mais dans l’ensemble du bureau.
Pas de commentaire sur Guy Ouellette
Les questions avec lesquelles Me Rochefort tentait d’établir un parallèle entre le congédiement de son client et les enquêtes sensibles que menait alors l’UPAC, notamment celle qui a mené à l’arrestation du député Guy Ouellette, se sont aussitôt butées à une levée de boucliers de la part des avocats de Robert Lafrenière et du procureur général du Québec.
Le même scénario s'est produit lorsque des journalistes ont tenté de faire réagir M. Lafrenière – qui parlait publiquement pour la première fois depuis sa démission surprise le 1er octobre 2018, soit le jour des élections provinciales – sur les propos tenus par M. Ouellette dans son récent livre.
Dans les pages de celui-ci, le député de Chomedey a accusé l’UPAC et son patron d’avoir tenté de l’intimider et de le museler en procédant à son arrestation, en octobre 2017. M. Ouellette a même comparé Robert Lafrenière à l’ancien patron du FBI Edgar Hoover, qui montait des dossiers sur des politiciens et des employés pour les tenir en laisse
.
Je ne ferai pas de commentaire sur le livre de M. Ouellette. Il peut y avoir des enquêtes en cours actuellement, sur des sujets qui sont dans le livre
, a-t-il simplement répondu aux journalistes.
Une douzaine de témoins
Pour tenter de démontrer que son client a été congédié de façon abusive, Me Daniel Rochefort entend faire comparaître une douzaine de témoins cette semaine et une partie de la semaine prochaine, dont l’ancien ministre libéral de la Sécurité publique, Martin Coiteux, qui sera appelé à la barre mardi.
L’ex-secrétaire général aux emplois supérieurs (Conseil exécutif) André Fortier sera aussi appelé comme témoin dans cette affaire.