Le tourisme international a disparu et a cédé sa place au tourisme intérieur
En temps normal, le Canada est au 17e rang des pays les plus prisés par les touristes étrangers. Les Canadiens seront-ils capables de rattraper les manques à gagner engendrés par l’absence des touristes venus de l’étranger?
Photo : Reuters / Carlos Osorio
En temps normal, le Canada est parmi les pays les plus prisés par les touristes étrangers. Mais depuis le début de la pandémie, l’absence de visiteurs venus de l’étranger se fait sentir.
La pandémie a frappé le secteur touristique de plein fouet et ses conséquences sont nombreuses. Les projets de réaménagement d’aéroports ont été retardés, de nombreux congrès nationaux et internationaux ont été annulés, et les PME de la restauration ont été décimées.
Le tourisme est une notion très large dans notre jargon parce que ça inclut beaucoup de sous-secteurs
, explique le titulaire de la chaire de tourisme Transat ESG de l'UQAM, Michel Archambault.
Le transport aérien, la restauration, l'hébergement, l’animation culturelle et événementielle : autant de secteurs qui en dépendent.
Au total, l'industrie touristique emploie plus de 700 000 personnes au Canada et rapporte environ 35 milliards de dollars par an à l’économie canadienne. Mais selon l’expert en tourisme de l’UQAM
, l'industrie peinera à retrouver même une fraction de ces revenus cette année.Selon M. Archambault, les 22 millions de touristes étrangers qui visitent annuellement le Canada pour y dépenser leurs budgets de vacances ont disparu à 98 %.
Il n’y a plus de touristes étrangers, le premier marché étant le marché américain, comme vous le savez, qui compte pour à peu près 14 millions d’Américains qui viennent au Canada par année
, indique-t-il.
À Toronto, un opérateur de gondoles sur le bord du lac Ontario a pu en témoigner.
Pour vous donner une idée, à la même date l’année dernière, nous avions généré environ 40 000 $ en devise américaine. Cette année, jusqu'à présent, c'est 30 $
, rapporte Alex Nosal, président de l’entreprise The Otter Guy.
Les Canadiens se sont repliés sur le voyage intérieur
Selon l’expert en tourisme Michel Archambault, les effets de la pandémie sur l'industrie touristique se sont le plus fait sentir dans les grandes villes, au profit des régions de villégiature.
La région de Muskoka en Ontario, l’Okanagan et l’île de Vancouver en Colombie-Britannique, et les Laurentides auraient été les grands gagnants du tourisme intérieur ce printemps et cet été. Les parcs nationaux, les campings et le cyclotourisme ont aussi explosé en popularité cette année.
On revient de Niagara Falls, et plutôt que de toujours penser à aller à l’étranger, maintenant on visite des endroits au Canada qu’on n'aurait pas connus sans cette pandémie
, indique le père de famille Alex Heath, qui a passé l’été à sillonner l’Ontario avec sa famille.
Par ailleurs, les clubs de golf auraient connu un achalandage de l’ordre du jamais-vu en 2020. Selon M. Archambault, il s’agirait d’une année record en termes de jeu, mais pas en termes de revenu
, compte tenu de l’annulation d’innombrables tournois.
Les touristes canadiens dépensent environ 34 milliards de dollars par année lors de leurs séjours à l’extérieur du pays. Mais lorsqu’il en vient au tourisme intérieur, ils sont plus frileux que les touristes venus de l’étranger.
Comment les événements d’affaires au Canada ont-ils été influencés par la #COVID19? On estime maintenant des pertes de 1,31 G$ en dépenses directes (annulation d’événements pour 2020-2026). Consultez notre dernier rapport : https://t.co/xhgH3s2oRI pic.twitter.com/ipdgB5lJrq
— Destination Canada Business Events (@canadameetings) September 2, 2020
Selon la société d’État Destination Canada, les manques à gagner dans les sous-secteurs touristiques depuis le mois de janvier sont importants. En Ontario, on chiffre la perte à 4 milliards de dollars, en Colombie-Britannique à 3 milliards, et au Québec à 2,2 milliards.
Le tourisme a aussi changé de valeurs
Connue pour ses chutes, Niagara Falls demeure une destination favorisée par de nombreux Canadiens.
Certaines fins de semaine, nous avons atteint une capacité de 100 %
, rapporte la présidente de Tourisme Niagara, Janice Thompson.
Avec les casinos et les parcs d’attractions toujours fermés, la région a réorienté ses campagnes publicitaires vers ses espaces verts propices au vélo et à la randonnée et la valeur du temps passé en famille.
C'est un écosystème intéressant, Niagara Falls
, indique Mme Thompson. Nous sommes des opérateurs très résilients. Nous avons traversé le SRAS , nous avons eu le 11 Septembre, nous avons eu des krachs économiques et des krachs boursiers. Nous avons connu tous les effets de ces événements, mais l'industrie du tourisme sait surfer sur ces vagues
.
De son côté, Michel Archambault croit que la pandémie a remis en cause le tourisme de masse, notamment les croisières, où la COVID-19 a fait des ravages dans les premières semaines de la pandémie.
Il estime que les Canadiens ont largement favorisé ce qu'il appelle un tourisme plus authentique, un tourisme de bien-être
. Il prend en exemple les ventes de vélos électriques qui ont explosé au Canada, comme à l'international, et qui permettent aux personnes plus âgées de parcourir les villes et les sentiers avec plus de facilité.
Mais malgré les efforts des entrepreneurs pour s’accrocher en attendant un rebondissement économique et sanitaire, cet expert n’envisage pas à un retour à la normale avant 2022 pour le sous-secteur de l'hébergement, et pas avant 2024 pour l'aviation commerciale.