Dorian et l'étonnant mouvement du sable à l'Île-du-Prince-Édouard
Les dunes de la plage Cavendish ont été grandement touchées par le passage de la tempête post-tropicale Dorian.
Photo : CBC
Prenez note que cet article publié en 2020 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Des chercheurs qui ont étudié l'érosion côtière à l'Île-du-Prince-Édouard avant et après le passage de la tempête post-tropicale Dorian, il y a un an, le 7 septembre 2019, ont fait une découverte étonnante : les plages et les dunes de sable de la province se sont rapidement régénérées. Mais ça ne vaut pas dire que la tempête n'a eu aucun effet sur le littoral insulaire. Bien au contraire.
Dorian venait tout juste d'être rétrogradée en tempête post-tropicale lorsqu'elle a frappé les Maritimes. Le cyclone a tout de même causé d'importants dégâts, déracinant des arbres, endommageant des bâtiments, et coupant des lignes électriques sur son passage.
Environ six semaines avant la tempête, des membres du Groupe de recherche côtière de l'Université de Windsor, dans le sud-ouest de l'Ontario, sont débarqués à l'Île-du-Prince-Édouard. Le but de leur visite : étudier les plages et les dunes de la côte nord de la province.
Les chercheurs y sont retournés peu de temps après Dorian, en septembre 2019, puis à nouveau deux mois plus tard, afin de comparer leurs données sur l'érosion côtière, un phénomène déjà bien connu et préoccupant dans la plus petite province canadienne.
La tempête Dorian a balayé beaucoup de sable sur son passage. Les dunes ont perdu beaucoup de sable
, explique le professeur Chris Houser, doyen de la faculté des sciences de l'Université de Windsor. Mais ce qui est vraiment étonnant, c'est qu'en l'espace de deux mois après la tempête, des quantités de sable équivalentes et même supérieures sont apparues sur les plages, créant ainsi des remparts pour que les dunes commencent à se régénérer.
Le hic, c'est que les chercheurs ne savent pas d'où vient tout ce sable.
« C'est étonnant! Ça signifie qu'il y a une réserve de sable, qu'il s'agisse d'une autre source le long du littoral, ou quelque part au large, que nous ne connaissions pas auparavant. »
Le professeur Chris Houser n'interprète pas cette étonnante danse du sable comme un signe que tout va bien sur la côte nord de l'Île-du-Prince-Édouard. L'érosion, dit-il, continue de faire son oeuvre. Si vous voyez une nouvelle accumulation de sable à un endroit, ça veut dire qu'il y a eu de l'érosion à un autre endroit
, indique-t-il en entrevue avec Radio-Canada.
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D'autres facteurs contribuent aussi à gruger les côtes de l'Île-du-Prince-Édouard, qui perdent chaque année jusqu'à 30 centimètres en moyenne. Selon les chercheurs, la hausse du niveau de la mer, la plus grande fréquence et la plus grande force des tempêtes, de même que l'absence de glace pour protéger les plages durant l'hiver, sont toutes des menaces qui planent sur le littoral insulaire.
Même si Dorian ne semble pas avoir trop malmené les plages et les dunes de la plus petite province, elle pourrait tout de même avoir fragilisé le littoral suffisamment pour qu'une autre tempête, même une tempête d'une moins grande force, cause de plus importants dommages sur son passage, estime Chris Houser.
Il s'agissait peut-être aussi d'une caractéristique unique à Dorian. Une autre tempête pourrait déplacer différentes quantités de sable dans différentes directions, et nous pourrions alors voir davantage d'érosion le long des plages et des dunes.-- Chris Houser, doyen de la faculté des sciences de l'Université de Windsor
Le professeur de l'Université de Windsor fait aussi remarquer que des brèches se sont formées entre certaines dunes, ce qui ouvre la porte, selon lui, à une érosion plus rapide. Dès que vous avez des espaces entre les dunes, vous commencez à voir des marées de tempête s'infiltrer à travers ces espaces, ce qui les rend encore plus larges. Vous commencez alors à voir les dunes s'éroder sur le côté, ainsi que de face
, illustre-t-il.
Lorsque la tempête Dorian a balayé la côte nord de l'Île-du-Prince-Édouard, ses vents soutenus de plus de 100 km/h ont brisé ou déraciné des centaines d'arbres, en particulier dans le Parc national de l'Île-du-Prince-Édouard, près du site touristique de Cavendish. Un an plus tard, les travaux de nettoyage des dégâts ne sont d'ailleurs pas terminés.
Nos équipes ont travaillé très fort tout au long du printemps et de l'été pour enlever les arbres qui présentaient un éventuel danger
, précise Lauren Gauthier, qui est coordonnatrice d'interprétation à Parcs Canada dans la province insulaire. Nous avons des projets de restauration des forêts qui vont se poursuivre jusqu'en 2021. Nous voulons nous assurer qu'il y ait moins de chances que nos forêts soient touchées comme la dernière fois
, ajoute-t-elle.
Selon le professeur Chris Houser, la perte de nombreux arbres en soi n'a probablement pas accéléré l'érosion côtière
. Toutefois, dit-il, l'absence d'arbres à certains endroits le long du littoral expose désormais le sommet des dunes à des vitesses de vent plus importantes. Ça ajoute un facteur de stress au système
, souligne-t-il.
Et les solutions à l'érosion côtière ne sont pas légion.
Si vous voulez protéger la côte, vous ne pouvez pas [installer un brise-lames] à un seul endroit. Vous devez penser à une zone côtière dans son ensemble et aux mouvements du sable dans une région plus large
, explique Chris Houser, de l'Université de Windsor. Souvent, en essayant de protéger un endroit, vous détournez l'érosion vers un autre endroit.
Et pour cause, les mouvements du sable le long du littoral de l'Île-du-Prince-Édouard peuvent être aussi imprévisibles que les tempêtes qui s'abattent sur ses côtes.