L’Allemagne se pose en médiateur dans le conflit entre la Turquie et la Grèce
La crise entre Athènes et Ankara met en scène une situation inédite d’un conflit entre deux membres de l’OTAN.
La découverte ces dernières années d'importants gisements gaziers en Méditerranée orientale a aiguisé l'appétit des pays riverains et suscité des tensions.
Photo : via reuters / Handout .
La Turquie a annoncé mardi être prête au dialogue avec la Grèce sans « condition préalable » à propos du différend qui oppose ces deux pays membres de l'OTAN sur la recherche d'hydrocarbures en Méditerranée orientale.
La Turquie est prête à un dialogue sans condition préalable en vue d'un partage équitable
, a déclaré mardi le ministre turc des Affaires étrangères Mevlut Cavusoglu au cours d'une conférence de presse commune avec son homologue allemand Heiko Maas à Ankara.
Mais ce n'est pas possible si la Grèce pose des conditions préalables
, a-t-il ajouté.
L'Allemagne, qui assure la présidence tournante de l'Union européenne (UE), s'est engagée dans un effort de médiation afin d'apaiser les tensions entre la Grèce et la Turquie, dont les recherches d'hydrocarbures menées unilatéralement ont provoqué une crise régionale.
Un enjeu énergétique d’envergure
La découverte ces dernières années d'importants gisements gaziers en Méditerranée orientale a aiguisé l'appétit des pays riverains et suscité des tensions entre Ankara et Athènes, qui se disputent certaines zones maritimes.
Le chef de la diplomatie allemande Heiko Maas s'est d'abord rendu mardi en Grèce, puis en Turquie, le jour même où ces deux pays organisaient des manœuvres militaires rivales en Méditerranée orientale.
« La spirale de l'escalade [bilatérale] suscite de grandes inquiétudes. La moindre étincelle peut conduire à une catastrophe. »
Le ministre allemand a estimé que des signaux de désescalade et une volonté de dialogue étaient absolument et immédiatement
nécessaires entre la Turquie et la Grèce.
Après avoir rencontré le premier ministre grec Kyriakos Mitsotakis et son homologue Nikos Dendias, M. Maas a demandé à mettre fin à toutes activités destructrices et aux provocations
en Méditerranée orientale, où Ankara multiplie les démonstrations de force dans une zone disputée riche en hydrocarbures.
Exprimant sa solidarité avec la Grèce
, un État membre de l'UE, le chef de la diplomatie allemande a estimé que personne ne pouvait avoir d'intérêt à une confrontation militaire entre pays voisins et membres de l'OTAN
.
Prêts au dialogue, mais…
Saluant l'initiative de l'Allemagne, le ministre grec des Affaires étrangères Nikos Dendias a de son côté rappelé que la Grèce était prête au dialogue, mais il ne peut se faire sous un régime de menaces
. Il a en outre réclamé des sanctions
de l'Europe à l'encontre de la Turquie.
Au cours d'une conférence de presse commune avec son homologue turc à Ankara, Heiko Maas a affirmé que la situation entre la Turquie et la Grèce était à un point très critique
.
Personne ne veut régler ce différend par des moyens militaires
, a-t-il néanmoins assuré, selon la traduction de ses propos en turc. Il y a une volonté de dialogue des deux côtés.
Le ministre turc des Affaires étrangères Mevlut Cavusoglu a quant à lui loué les efforts de médiation de l'Allemagne. M. Cavusoglu a précisé qu'à la demande de Berlin, Ankara avait provisoirement arrêté en juillet ses activités de forage en tant que geste
pour ouvrir la voie au dialogue.
Mais la signature entre l'Égypte et la Grèce d'un accord délimitant leurs frontières maritimes aurait montré qu'Athènes n'était pas sincère
, selon le ministre turc.
« Je voudrais conseiller à la Grèce d'abandonner cette attitude d'enfant gâté. Vous ne pourrez rien obtenir par le biais du soutien de l'UE. [...] La Turquie est prête à faire ce qui est nécessaire sans hésitation. »
Le ministre turc a aussi rejeté la possibilité pour son pays de faire des concessions en contrepartie d'une éventuelle avancée dans la perspective de son adhésion à l'Union européenne, actuellement au point mort. Il n'est pas réaliste d'attendre de la Turquie qu'elle puisse renoncer à ses droits en lui imposant la carotte ou le bâton
, a-t-il ajouté.
Dimanche, Ankara avait décidé de prolonger jusqu'au 27 août la présence de son bâtiment sismique Oruç Reis dans une zone revendiquée par Athènes, ce qui avait entraîné l'annonce d'abord par la Grèce et ensuite par la Turquie de l'organisation de manœuvres militaires concurrentes en Méditerranée orientale.
La source du conflit
L’origine du conflit entre la Grèce et la Turquie est la signature en 2019 entre Ankara et Tripoli d’un accord de délimitation maritime entre les deux pays, permettant à la Turquie d’explorer en Méditerranée orientale de vastes gisements de gaz découverts au cours des dernières années.
Le 8 janvier 2020, Chypre, l'Égypte, la France et la Grèce soulignent que l’accord turco-libyen porte atteinte aux droits souverains des États tiers
et n'est pas conforme au droit de la mer et ne peut en découler aucune conséquence juridique
, condamnant les forages réalisés par la Turquie au large de Chypre.
La marine turque et française se sont opposées en Méditerranée le 10 juin, créant une tension extrême entre les deux pays.
Le 6 août, l'Égypte et la Grèce signent un accord délimitant leurs frontières maritimes, autorisant les deux pays à aller de l'avant en tirant chacun le maximum d'avantages des ressources disponibles dans la zone économique exclusive (ZEE), notamment les réserves de pétrole et de gaz
.
Pour la Turquie, cet accord représente une violation du plateau continental et des droits de la Turquie et de la Libye. (...) il est nul et non avenu
.
Le 7 août, le président de la Turquie Recep Tayyip Erdogan annonce la reprise des recherches d'hydrocarbures, une semaine après leur suspension pour entamer des négociations avec Athènes.
Le 24 août, Ankara et Athènes ont annoncé la tenue, à partir du 25 août, d'exercices militaires rivaux en Méditerranée orientale.