Vague de départs d’infirmières du réseau public québécois
Le gouvernement assure qu’il a pris les devants pour une meilleure stabilité des horaires.

Le syndicat des infirmières dénonce des conditions de travail trop exigeantes.
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Prenez note que cet article publié en 2020 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Au Québec, des centaines d'infirmières ont quitté le réseau public de la santé depuis le début de la pandémie. Plusieurs d'entre elles se sont tournées vers le secteur privé, mais d'autres ont préféré quitter la profession.
Leur syndicat dénonce des conditions de travail trop exigeantes. De son côté, le gouvernement promet des jours meilleurs.
Montréal a été l'épicentre de la pandémie de COVID-19 durant la première vague de contamination. Ses hôpitaux et ses CHSLD ont dû composer avec une pression immense en raison de la hausse importante de demandes en matière de soins.
Cette crise a laissé des traces, comme l'explique Natalie Staké-Doucet, qui a travaillé pendant une dizaine d'années comme infirmière.
J'étais extrêmement fatiguée. C'était très difficile comme travail. Je lève mon chapeau à celles qui font ça depuis 5 mois
, dit-elle.
Mme Staké-Doucet travaillait à temps partiel dans un CHSLD, car elle est également chargée de cours à l'Université de Montréal.
J'ai commencé à recevoir des courriels du CIUSSS, comme quoi mes disponibilités allaient être changées, ou pouvaient être changées à la dernière minute, et que je devais respecter les quarts de travail qu'on m'imposait de plus. Et pour moi, c'était juste impossible
, explique-t-elle.
Comme elle, des centaines d'autres ont quitté leur emploi. Selon le quotidien Le Devoir, à Montréal seulement, elles sont quelques 800 à avoir démissionné. Et cette tendance est plus forte dans l'est de la ville.
Denis Cloutier est représentant syndical des travailleurs du CIUSSS de l'Est-de-l'Île. Ce qu'on voit beaucoup cette année, c'est une "écoeurantite" aiguë, si vous me permettez l'expression, dit-il. Ce sont des gens qui réorientent carrément leur carrière.
On est très, très inquiets pour l'automne, parce qu'on voit tout le temps une baisse de fréquentation des urgences l'été et, avec l'automne, les virus, ça recommence.
L'arrêté ministériel blâmé
La Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec montre du doigt l'arrêté ministériel adopté pour répondre à la crise de la COVID-19.
On a pris l'arrêté ministériel pour gérer la pénurie, les difficultés qu'il y avait avant et ça continue. Donc, les effets sont extrêmement dévastateurs, extrêmement néfastes; et on en a 800 et je peux juste vous dire que, tous les jours, le compteur de démissions continue de s'accentuer
, indique Nancy Bédard, la présidente de la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec.
Mme Bédard explique que le décret est venu à bafouer leurs droits, leurs vacances, leurs congés, changer leur horaire à la dernière minute, exiger d'elles qu'elles travaillent sur toutes sortes de quarts de travail, désorganiser leur vie
.

Entrevue avec Nancy Bédard, présidente de la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec
Depuis mars, les gestionnaires peuvent annuler des vacances et imposer des heures supplémentaires au besoin.
Au CIUSSS de l'Est-de-l'Île, on compte 363 départs depuis le 15 mars. Somme toute, c'est deux fois plus de départs qu'à pareille date l'an dernier.
Le CIUSSS précise avoir embauché un plus grand nombre d'infirmières et la pénurie est évitée, mais le syndicat n'est pas rassuré pour autant.
Interpellé à ce sujet, François Legault se défend.
Je pense que l'arrêté a été modifié, il est un peu plus flexible, il n'a pas été utilisé dans toutes les régions du Québec. Mais bon, je comprends qu'à Montréal, c'est un peu plus difficile.
Évidemment, on est en négociations de conventions collectives avec les infirmières. Un des sujets importants, c'est toute la question des ratios. On est ouvert à augmenter les ratios, mais pas autant que ce qui est demandé par les syndicats
, a-t-il ajouté.
Par courriel, le cabinet du ministre de la Santé affirme que formation, équipement et horaires de travail plus stables seront au rendez-vous pour une éventuelle deuxième vague de la COVID-19.
Avec les informations de Yessica Chavez et Eve Caron