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Elle coud 3759 boutons pour les personnes décédées de la COVID-19 en CHSLD

Au mur sont accrochés 5 panneaux, sur lesquels des milliers de boutons de vêtement colorés sont cousus. Des boutons blancs sont cousus de manière à ce qu'on puisse lire la phrase « La mémoire s'enfile ».

3759 boutons ont été cousus à la maison pour créer l'œuvre intitulée « La mémoire s'enfile ».

Photo : Guillaume Morissette

Impuissante devant l’escalade du nombre de décès dans les centres hospitaliers de soins de longue durée (CHSLD) du Québec causés par la COVID-19, l’ancienne accessoiriste de plateau Sylvie Bilodeau a voulu rendre hommage aux victimes au moyen de l’œuvre La mémoire s’enfile, « pour ne pas oublier ». Elle a cousu et agencé, un à un, 3759 boutons en souvenir des 3759 personnes décédées, « trop souvent seules », du virus.

Au printemps, alors qu’elle était confinée au plus fort de la pandémie, Sylvie Bilodeau écoutait d’une oreille Stéphan Bureau parler de voyage à la radio. Elle a ressenti à la fois une grande plénitude, un calme, mais aussi – et surtout –, un grand bouleversement. L’idée de ces personnes alitées en CHSLD, déjà confinées en quelque sorte, qui allaient être enfermées et séparées de leurs proches pour plusieurs semaines, occupait ses pensées. À ce moment-là, les décès ne se comptaient plus sur les doigts de la main; il en aurait fallu trop.

J’ai été très bouleversée de savoir ce qui s’était passé dans les CHSLD pendant la pandémie. Comme, sans doute, bien des gens. Je me sentais très impuissante, raconte Sylvie Bilodeau. Vu mon âge, je ne pouvais pas aller aider quelque part.

En classant mes boutons, je me suis dit : "Je vais les toucher un à un, en pensant que chaque bouton représente une personne qui est morte [de la COVID]." Comme si chaque bouton représentait une âme.

Une citation de Sylvie Bilodeau

Lui est venue l’idée de coudre les boutons, d’en coudre beaucoup, des tonnes, comme les décès qui survenaient alors dans les foyers pour personnes âgées. Au début, je voulais en coudre 4000. Mais j’ai eu l’idée de m’arrêter sur une quantité, pour que le chiffre prenne un sens. J’ai voulu donner une portée au nombre, parce que 4000 pour 4000, ça n'a comme pas de signification, dit-elle.

Une femme est assise sur un petit divan. Elle a les bras croisés et elle sourit.

Sylvie Bilodeau souhaite que son œuvre touche le plus de gens possible.

Photo : Guillaume Morissette

COVID-19 : tout sur la pandémie

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Une représentation du coronavirus.

Elle a choisi de s’arrêter à 3759, soit le nombre de décès dus à la COVID-19 dans les CHSLD du Québec du 13 mars au 13 juin.

[Ce sont] 3759 visages que l'on ne verra plus, insiste Sylvie Bilodeau. Mon geste est aussi politique. C’est de l’engagement social. Je ne veux pas qu’on oublie ce qui s’est passé, explique-t-elle.

(S’)assembler pour comprendre l’ampleur

Dans un geste qu'elle qualifie de très simple, elle a cousu pendant des semaines, laissant les assemblages de boutons sur ses tables à café, à la vue de sa famille ou des personnes en visite.

Je leur disais qu’il fallait regarder les boutons comme [s'ils étaient] des personnes. Et tu voyais que ça prenait un sens. Tu le voyais dans leur langage corporel.

Une citation de Sylvie Bilodeau
Un panneau, vu de près, où sont cousus des centaines de boutons de vêtement colorés. Des boutons blancs sont placés de manière à ce qu'on puisse lire le mot « mémoire ».

Il a fallu plusieurs semaines à Sylvie Bilodeau pour coudre près de 4000 boutons.

Photo : Guillaume Morissette

Les milliers de boutons – dont plusieurs ont été donnés par des proches – ont été cousus à la main sur 321 cartons, puis posés sur cinq panneaux différents. L’assemblage, ici, porte en quelque sorte plusieurs significations, selon Sylvie Bilodeau.

« Assembler », comme dans le simple geste de la couture.
« Assembler », pour prendre conscience du nombre.
Et « rassembler » les gens autour de La mémoire s’enfile, pour faire comprendre les répercussions de la pandémie, pour se souvenir, se soutenir et se rappeler collectivement.

L’artiste, qui, l’an dernier, avait elle-même perdu sa mère qui vivait dans un CHSLD, souhaite ardemment que son œuvre soit vue par le plus de gens possible.

Si quelqu’un est emporté dans une pandémie, comme ça, quel souvenir tu en as après, du mot "CHSLD"? Je ne veux pas les condamner, mais de dire qu’il y a des personnes qui ont été oubliées pendant tout ça, je trouvais ça tellement violent. Ça grafigne le cœur. Je ne voulais pas qu’on oublie ça, conclut-elle.

Je veux que les gens s’enfilent à mon idée, que tout le monde ait une sensibilité par rapport à ça. En fait, le geste, c’est pour ne pas oublier.

Une citation de Sylvie Bilodeau

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