Le ministre Bill Morneau annonce sa démission
Bill Morneau a annoncé lundi soir qu'il quittait la politique canadienne.
Photo : La Presse canadienne / Justin Tang
Prenez note que cet article publié en 2020 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Embourbé dans l’affaire UNIS qui ébranle le gouvernement de Justin Trudeau, avec qui il entretient en plus des relations tendues, Bill Morneau a annoncé lundi soir à Ottawa qu'il quittait ses fonctions de ministre des Finances du Canada et de député de Toronto-Centre.
J'ai rencontré M. Trudeau aujourd'hui pour l'informer que je n'avais pas l'intention de me présenter à nouveau lors de la prochaine élection fédérale
, a-t-il dit.
Il a nié que M. Trudeau lui ait demandé de démissionner.
Au sujet du scandale UNIS, M. Morneau a réitéré qu'il aurait dû se récuser quand est venu le moment d'octroyer le contrat, mais il n'a pas admis que cette affaire l'avait poussé vers la sortie du cabinet.
« J'ai toujours eu le plus grand respect pour mes fonctions et j'étais conscient du privilège qui était le mien. »
En poste depuis 2015, Bill Morneau a assuré qu'il n'avait jamais eu l'intention de réaliser plus de deux mandats.
Et comme il est impensable que l'économie canadienne puisse se rétablir de la pandémie de COVID-19 d'ici la fin de son actuel mandat, il a préféré laisser sa place à un nouveau ministre des Finances qui pourra accompagner le premier ministre sur le long chemin semé d'embûches
qui se trouve devant lui.
Nous devons reconnaître que ce processus prendra plusieurs années
, a-t-il dit.
Les médias ont beaucoup fait état des divergences d'opinions entre MM. Morneau et Trudeau. Le ministre des Finances aurait privilégié un contrôle beaucoup plus serré des dépenses, tandis que son patron a préféré délier les cordons de la bourse.
Bill Morneau n'est pas entré dans les détails, lundi soir, mais il a signalé que le premier ministre et lui étaient d'accord sur l'importance des discussions vigoureuses et des débats qui permettent d'établir les meilleures politiques
. Ceux-ci sont nécessaires
, a-t-il affirmé.
« Je suis absolument persuadé que les discussions vigoureuses que nous avons eues, au cours des cinq dernières années, nous ont menés à de meilleurs résultats. »
Il n'a pas précisé si la vigueur de ces discussions a atteint un point où il est devenu impossible pour M. Trudeau et lui de travailler ensemble. Toutefois, il n'a pas non plus profité de l'occasion pour démentir la chose.
Justin Trudeau a salué dans un communiqué l'engagement
et le dévouement
de M. Morneau.
« J'ai compté sur son leadership, ses conseils et son amitié au fil des ans, et j'ai confiance que cela se poursuivra dans le futur. Bill, tu as ma plus profonde gratitude, et je sais que tu continueras à apporter de grandes contributions à notre pays et aux Canadiens dans les années à venir. »
Bill Morneau tentera maintenant d'accéder au poste de secrétaire général de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), a-t-il indiqué. Je vais passer les prochaines semaines à me préparer à ce défi.
Il a ajouté que le premier ministre Trudeau le soutient dans cette démarche.
Le Canada appuiera fortement sa candidature en vue de diriger cette importante institution mondiale qui jouera un rôle essentiel dans la reprise économique mondiale
, a confirmé Justin Trudeau.
Les regards tournés vers Trudeau
L'opposition, qui demandait depuis des semaines que M. Morneau quitte ses fonctions, ne semblait guère satisfaite, lundi soir.
La démission de M. Morneau ne changera rien tant que M. Trudeau restera en poste
, a écrit sur Twitter le député conservateur Gérard Deltell. Personne ne croit la supposée "divergence d’opinions"! Le premier ministre et son ministre des Finances ont marché main dans la main pendant cinq ans en créant des déficits pharaoniques et incontrôlés. Tout en inventant de nouvelles taxes et charges pour les Canadiens.
Quel chaos libéral! Une démission du ministre des Finances en pleine pandémie! Justin Trudeau doit démissionner pour avoir perdu le contrôle de son gouvernement!
a lancé son collègue conservateur Luc Berthold. C'est pourtant sa propre formation qui exigeait le plus fort le départ de Bill Morneau.
Les gens ont besoin d'un gouvernement qui se consacre à les aider, pas sur leurs propres scandales
, a écrit pour sa part le chef néo-démocrate Jagmeet Singh. En pleine crise, le PM a perdu son ministre des Finances. Chaque fois qu'il brise les lois sur l'éthique, il fait porter le fardeau à quelqu'un d'autre. Ce n'est pas du leadership.
En entrevue à l'émission 24/60 diffusée sur les ondes de RDI, le député Rhéal Fortin du Bloc québécois a exprimé une position similaire. Ce qui m’apparaît évident, c’est que M. Trudeau se cherche un bouc émissaire. Il l’a toujours fait et il continue de le faire
, a-t-il accusé.
« Il ne faudrait surtout pas que M. Trudeau s’imagine que tout vient de se régler. […] J’espère encore que M. Trudeau va quitter ses fonctions de premier ministre, ne serait-ce que temporairement, le temps de l’enquête du commissaire à l’éthique. […] On n’a plus confiance en M. Trudeau. »
En eaux troubles
Il y a à peine six jours, Justin Trudeau assurait faire toujours confiance à Bill Morneau, malgré la nomination, la veille, de Mark Carney, ancien gouverneur de la Banque du Canada, à titre de conseiller spécial sur la gestion de la crise de la COVID-19. Le premier ministre a pleinement confiance envers le ministre Morneau, et toute déclaration contraire est fausse
, soutenait un communiqué.
Le commissaire fédéral aux conflits d'intérêts et à l'éthique, Mario Dion, a confirmé le mois dernier qu'il allait enquêter sur le fait que M. Morneau ne s'était pas récusé, lors de l’examen par le gouvernement fédéral, d'un important contrat accordé à l’organisme UNIS, avec lequel ont collaboré étroitement ses deux filles, Grace et Claire.
Bill Morneau a voyagé gratuitement avec l’organisme à deux occasions, en 2017, en Kenya et en Équateur. M. Morneau a remboursé les frais de 41 000 $ découlant de ces voyages à UNIS, il y a quelques semaines, tout juste avant de témoigner devant le comité des Finances, et donc bien après qu’il eut fait l’objet de questionnements.
Le commissaire Mario Dion a également ouvert une enquête sur la conduite du premier ministre Trudeau lui-même dans l'affaire UNIS.
UNIS, connu en anglais sous le nom de WE Charity, a depuis renoncé au contrat du gouvernement fédéral, qui portait sur la gestion de bourses étudiantes.