Le gouvernement s'entend avec Jonathan Marchand, qui a démantelé sa cage

Jonathan Marchand.
Photo : Radio-Canada / Daniel Coulombe
Prenez note que cet article publié en 2020 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Après cinq nuits passées devant l'édifice de l'Assemblée nationale, sous un chapiteau aux allures de cage, Jonathan Marchand a finalement plié bagage. Même s'il n'a pas pu rencontrer le premier ministre François Legault, il a obtenu des concessions qu'il juge satisfaisantes de la part du gouvernement.
L'homme de 43 ans, atteint de dystrophie musculaire, retourne donc dès ce soir au CHSLD Sainte-Anne-de-Beaupré, où il réside contre son gré depuis 2012.
Si le militant pour le droit des personnes handicapées met fin à son coup d'éclat, c'est qu'il est finalement parvenu à décrocher une promesse de la part du gouvernement Legault. On a eu des gains, estime Jonathan Marchand. Le gouvernement a écouté.
Dès la semaine prochaine, un groupe de travail se mettra en branle pour étudier sa proposition de créer un programme québécois d'assistance personnelle autodirigée
.
Ce groupe de travail sera notamment composé de personnes handicapées, de la députée de Soulanges, Marilyne Picard, d'experts en soins à domicile et de représentants du cabinet de la ministre responsable des Aînés et des Proches aidants, Marguerite Blais.
Dans une lettre remise lundi à Jonathan Marchand et dont Radio-Canada a obtenu copie, la députée Marilyne Picard indique que le groupe de travail devrait accoucher d'un rapport en décembre 2020, au plus tard.
« Tant que je vais être là, en CHSLD, je ne peux pas crier victoire, mais la porte de la cage est entrouverte, donc c'est déjà un gain. Je reste absolument déterminé pour sortir de là et montrer qu'il y a une alternative. »
Le but ultime : rentrer chez lui
Plutôt que de payer pour maintenir les personnes handicapées en CHSLD, M. Marchand propose que l'État leur verse directement l'argent nécessaire pour qu'elles retournent vivre à la maison et qu'elles puissent embaucher des assistants de vie
.
Ces personnes pourraient à la fois offrir des soins et aider la personne handicapée à accomplir une variété de tâches domestiques.
Jusqu'ici, l'idée de Jonathan Marchand s'était butée au refus du gouvernement québécois. La ministre Blais a notamment indiqué, la semaine dernière, qu'un tel projet nécessiterait d'importants changements au Code des professions.
Dans un courriel, lundi après-midi, son attachée de presse Élizabeth Lemay a toutefois assuré que l'entourage de la ministre avait eu plusieurs échanges soutenus au cours des derniers jours pour trouver une solution qui satisferait aux besoins de [Jonathan Marchand]
.
« Notre gouvernement croit fondamentalement à l’importance de développer davantage le soutien à domicile. Il faut permettre aux personnes en situation de handicap de demeurer dans leur milieu de vie, s’il le souhaitent et s’ils le peuvent. »
Selon le ministère de la Santé et des Services sociaux, héberger une seule personne en CHSLD coûte en moyenne 92 000 $ par année au Trésor québécois.
À l'heure actuelle, plus de 3000 personnes âgées de moins de 65 ans vivent en CHSLD au Québec.
Autre gain : des soins plus personnalisés
En retournant au CHSLD Sainte-Anne-de-Beaupré, lundi après-midi, Jonathan Marchand a aussi obtenu l'assurance qu'il y recevrait des soins mieux adaptés à sa réalité.
À raison de huit heures par jour, un employé sera désormais dédié exclusivement à l'accompagner afin qu'il puisse mener une vie plus active et sortir plus souvent de l'établissement.
Il est important de souligner que nous avons le souci d’être équitables envers toutes les personnes en situation de handicap qui souhaitent vivre à domicile, et que cette proposition ne déroge pas de ce principe
, tenait à souligner le cabinet de la ministre Blais.
Pour Marie-Claude Lépine, qui mène aussi le combat en faveur de l'assistance personnelle autodirigée, les gains réalisés grâce au coup d'éclat de Jonathan Marchand sont substantiels.
« On a marqué l'histoire [...] Quand on est ici on ne s'en rend pas compte, on est dans le moment présent, mais là on va prendre le temps de retourner à la maison, de regarder tout ce qui a été publié et je pense qu'on va prendre conscience qu'on a marqué l'histoire. »
Rester sur ses gardes
Le Regroupement des organismes de personnes handicapées de la Capitale-Nationale (ROP03) estime que Jonathan Marchand a su créer un véritable rapport de forces
avec le gouvernement au cours des derniers jours.
Le directeur du ROP03, Olivier Collomb d'Eyrames reste toutefois sur ses gardes, ne sachant pas si les représentants politiques qui font partie du groupe de travail sauront répondre aux demandes des personnes handicapées.
« La composition d'un comité n'est pas gage de réussite ni de la qualité d'un rapport, ni surtout de l'écoute du gouvernement. »
Je dirais que c'est dans quelques mois qu'on va savoir si le comité a effectivement rempli ses attentes, mais je pense que le niveau d'attentes est clair et a priori, le mandat qui est confié est clair
, conclut-il.