Le marché immobilier du Yukon en faveur du vendeur

Depuis quelques semaines, les agents immobiliers remarquent un intérêt important des acheteurs potentiels pour le petit nombre de propriétés en vente.
Photo : Radio-Canada / Philippe Morin
Les plus récentes données du Bureau des statistiques du Yukon montrent que les prix de l'immobilier sont toujours élevés. Le prix moyen pour une maison unifamiliale était de 508 800 $ entre janvier et mars, soit 6,7 % de plus qu’à la même période l’an dernier.
Les données concernant les ventes de propriétés au Yukon durant le début de la pandémie ne seront connues qu’à l’automne, mais à en croire la fluctuation saisonnière du marché ces dernières années, la valeur devrait se situer encore bien au-delà des chiffres annoncés.
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L’avocat spécialisé en immobilier, Serge Lamarche dit avoir observé une augmentation des prix depuis environ une décennie. La situation, selon lui, atteint ces jours-ci des sommets.
Je ne croyais pas voir ça dans ma carrière : un condo résidentiel se vendre au-delà d’un million de dollars à Whitehorse. La question, c’est combien de temps on peut maintenir [ces prix] parce que tout marché à un moment donné va frapper un plafond.
Le danger, dit l’avocat, est de voir certains acheteurs acquérir une propriété au-delà de leurs moyens financiers, d’autant que les taux d’intérêt sont appelés inévitablement à remonter selon lui.
Les agents immobiliers du territoire soutiennent que la situation est due à la rareté des propriétés mises en vente. Le président de l’association immobilière du Yukon, Marc Perreault, estime voir jusqu’à 10 acheteurs pour chaque maison mise en vente.
Des experts en immobilier soulignent également une particularité du marché immobilier yukonnais : la représentation exclusive des vendeurs par les agents immobiliers.
Des conséquences sur le marché
En règle générale, les agents immobiliers du territoire ne représentent que les vendeurs de propriétés, un modèle plus simple pour la transaction
, selon l’association immobilière du Yukon.
Marc Perreault explique que de cette façon tous les agents peuvent avoir accès aux mêmes informations sur les propriétés et la commission des agents n'est assumée que par un seul parti à chaque fois.
À Toronto, l’agent d’expérience, conférencier et témoin expert dans les litiges en immobilier, Barry Lebow, affirme que ce modèle est très étonnant
et non sans conséquences sur l’équilibre du marché.
C’est le travail de l’agent d’offrir son avis au vendeur sur le prix à demander pour la propriété. [...] Alors le prix doit être établi pour représenter la véritable valeur du marché. La même chose doit se faire pour l’acheteur. Quelqu’un doit guider l’acheteur sur le prix qu’il doit s’attendre à débourser en fonction de ce qu’il recherche.
Un déséquilibre potentiel
La nature même d’une transaction immobilière est un conflit
selon Barry Lebow, qui affirme ne pas comprendre pour quelle raison les agents ne représentent que les vendeurs.
Si je suis un acheteur, comment savoir si j’obtiens une bonne valeur ou pas? L’agent par ailleurs est un négociateur [...] et si ces agents sont bons négociateurs, ils peuvent tout à fait faire pencher la balance.
Georges Gaucher, directeur général de Royal LePage Village dans la région de Montréal, voit aussi dans cette situation un déséquilibre.
C’est d’autant plus important [dans un marché à la hausse] parce que vous devez équilibrer les forces du marché, sinon tout est à l’avantage du vendeur.
M. Gaucher souligne que les lois de l’Ontario, de l’Alberta et de la Colombie-Britannique ont été ajustées récemment pour éviter les abus possibles.
Marc Perreault n’est pas du même avis. Selon lui, le déséquilibre vient des acheteurs.
Ce qui déséquilibre, c’est quand les acheteurs arrivent et offrent plus que la maison a de valeur ou plus que la maison devrait se vendre parce qu’ils veulent avoir la maison, parce qu’il n’y a pas beaucoup de choix.
Pas une obligation
La Loi sur les Agents immobiliers du Yukon (Nouvelle fenêtre) permet à ces professionnels de représenter tant les acheteurs que les vendeurs, mais ne les oblige pas à le faire.
Marc Perreault de l’association immobilière du Yukon est d’avis que les agents, même en représentant les vendeurs, ont la responsabilité éthique de transmettre toutes les informations aux acheteurs qui, selon lui, sont encore mieux protégés avec la Loi sur la Protection du consommateur
.
Au Yukon, c’est le gouvernement territorial qui se charge de faire appliquer ces lois. Brad Rowett, le directeur général adjoint du département de l’immobilier, affirme que la Loi sur les Agents immobiliers encadre les qualifications requises pour obtenir une licence et qu’en ce sens la loi fonctionne bien
.
Le territoire, dit-il, compte environ 50 agents immobilier. Le fonctionnaire affirme recevoir des plaintes principalement en ce qui a trait à ces qualifications, mais dit ne pas recevoir de plaintes d’acheteurs inquiets du manque de représentativité.
La Loi sur la Protection du consommateur est limitée dans ce qui protège les consommateurs. La mauvaise représentation de produits, la livraison de biens [...] rien ne parle spécifiquement des pratiques en immobilier.
Le fonctionnaire admet ne pas savoir où ces plaintes, s’il y en avait, pourraient être adressées.
Marc Perreault quant à lui affirme n’en avoir jamais reçues à l’association et qu’au contraire ceux qui ont vécu l’expérience apprécient [ce] modèle
.