Inquiétude face à la suspension de l'admission pour 17 programmes de la Laurentienne

L'Université Laurentienne a confirmé mercredi la suspension des admissions pour 17 de ses programmes.
Photo : Radio-Canada / Frédéric Pepin
Prenez note que cet article publié en 2020 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Des étudiants, des associations et des acteurs du monde de l’éducation réagissent à la décision de l’Université Laurentienne de suspendre l’admission à 17 de ses programmes d’enseignement, dont plusieurs de langue française, cet automne.
L'administration a expliqué mercredi qu'il s'agit de programmes où le nombre d'inscriptions est très faible
, et que la décision vise à assurer une gestion financière responsable de l’Université
.
Elle soutient également que les étudiants qui en sont à leur 2e, 3e ou 4e année pourront terminer leur baccalauréat. Les nouveaux étudiants déjà inscrits aux programmes visés par la mesure seront accommodés.
Mais des inquiétudes persistent au sein des membres de la communauté universitaire.
Voici les témoignages de certains d'entre eux.

Simon Paquette étudie en biologie biomédicale à l'Université Laurentienne.
Photo : Soumise par Simon Paquette
Simon Paquette, président de l'Association des étudiantes et étudiants francophones de l’Université Laurentienne (AEF) : L’Université n’a même pas pris le temps de mentionner ses coupures à l'AEF. On ne sait pas combien d’étudiants francophones étaient inscrits à ces programmes.
Est-ce qu’il y a tant d’étudiants affectés, ou est-ce que c’est... disons… 3 ? J’ai aucune idée et j’aurais aimé avoir cette information-là.
On va faire ce qu’on peut pour tenir le recteur responsable de ses engagements. Sa déclaration comme quoi les étudiants inscrits aux programmes ne vont pas être affectés... on va vraiment être vigilant pour s’assurer que c’est le cas.
Des cours relativement équivalents , ça a besoin d’être vraiment équivalent. Je veux vraiment m’assurer que ces étudiants-là… il n’y aura pas de compromis. Qu’on ne se force pas à suivre des cours qu’on ne veut pas parce qu’il faut .
Est-ce qu’on est en train de couper ces programmes parce qu’on veut offrir d’autres cours et d’autres options aux étudiants, ou est-ce qu’on les a juste coupés pour sauver de l’argent pis that’s it? C’est ça la question.
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Rachel Barber s'inquiète pour les nouveaux étudiants qui ne pourront pas suivre le même programme qu'elle.
Photo : Soumise par Rachel Barber
Rachel Barber, étudiante en 4e année au baccalauréat en géographie à l’Université Laurentienne : Malgré que mon parcours ne sera pas affecté par la décision, c’est quelque chose qui m'affecte quand je pense aux étudiants qui n’ont maintenant pas la chance d’entrer dans un programme qui les passionne.
Par rapport aux programmes de géographie et d’environnement [dont certains ont vu leurs admissions être suspendues] - il n’y a qu’à Sudbury, où on parle vraiment des mines, on parle vraiment de tous les arbres qu’on a plantés depuis 1980.
Ici à Sudbury on touche des points différents d’ailleurs au Canada.
Si on suspend ces programmes, où on va-t-on parler de ça, où on va-t-on apprendre?
Tout au long de la pandémie, on s’est fait dire que la santé des étudiants et des professeurs, c’est la priorité numéro un... Et que priorité numéro deux c’est l’éducation des étudiants.
Je sais que l’Université Laurentienne a mentionné ses finances comme excuse pour la suspension de l’admission aux programmes, mais si on dit que l’éducation est notre priorité numéro deux, cette décision n’est pas fidèle à ce qu’ils ont dit auparavant. Donc c’est choquant.

Yalla Sangaré est également Directeur du département des sciences administratives à l'Université Sainte-Anne, en Nouvelle-Écosse.
Photo : ACPPU
Yalla Sangaré, trésorier de l’Association canadienne des professeurs d’Université : Nous dénonçons cette décision-là avec la plus grande vigueur. Les conséquences sur les francophones en situation minoritaire, les franco-ontariens, sont très graves.
Ces jeunes-là qui espéraient aller étudier en français, ils vont s’exiler ailleurs ou ils vont étudier en anglais.
Toutes les études sur la vitalité des communautés francophones en situation minoritaire montrent l’importance d’institution francophone très forte. L'institution par excellence, c’est l’Université.
Aujourd’hui c’est la Laurentienne. Hier c’était la faculté Saint-Jean, en Alberta, avant-hier c’était le collège Saint-Boniface, au Manitoba. Partout, l’éducation en français est sous attaque. Il y a une tendance inquiétante.

Joel Westheimer s'intéresse aux « modes préconisés par les théoriciens de l'éducation pour l'enseignement de la démocratie et déterminer dans quelle mesure les écoles les adoptent ou les rejettent ».
Photo : Soumise par Joel Weistheimer
Joel Westheimer, titulaire de la Chaire de recherche de l'Université en sociologie de l'éducation de l’Université d’Ottawa : Dans les 20 dernières années, les universités ont revu leur mission et sont plus près d’une vision entreprise
du savoir.
Et ce n’est pas que les administrations sont de mauvaise foi, elles ont été poussées dans cette direction en raison de coupes dans leurs financements publics. Elles sont davantage dépendantes des droits de scolarité et du financement privés.
Mais ce que l’administration de l’Université Laurentienne devrait faire, plutôt que de se plier, de suspendre les admissions de certains programmes pour sauver de l’argent, ce serait de se lever dire : "voyez, c’est ce qui arrive que le financement public est insuffisant".
L’administration de la Laurentienne dit essentiellement qu’elle sabre des programmes impopulaires auprès des étudiants. Dire ça, c’est un peu comme dire que sa mission se limite à préparer les gens au marché du travail.
Si une école de médecine coupait les cours moins populaires, comme la cardiologie, par exemple, tout le monde penserait que c’est ridicule.
Les universités ont une mission similaire, mais ce n’est pas de soigner le corps humain, c’est préparer les gens à la vie en société. Et pour ça, on a besoin d’art, de poésie, des sciences humaines, notamment.

Avec d'être recteur de l'Université de l'Ontario français, André Roy a notamment été doyen de la Faculté des arts et des sciences de l’Université Concordia.
Photo : Marc Bourcier, Université Concordia
André Roy, recteur de l’Université de l’Ontario français :
La période dans laquelle on vit est sans précédent. On vit dans une forme d’incertitude [en raison de la pandémie]. On est d’accord qu’au plan de la gestion des universités, la question fiscale va prédominer dans les prochaines années, et donc il y a des choix très difficiles à faire.
Si vous me demandez si je suis inquiet [pour l’enseignement en français en Ontario dans ces circonstances], oui je suis inquiet.
Parce que dans la mesure où ces choix ont un impact sur la francophonie, a un impact sur la qualité de l’enseignement en général, je suis inquiet.
C’est malheureux aussi que certaines de ces décisions soient prises par force de circonstances.
Je ne veux pas discuter des décisions prises dans d’autres universités… mais le climat fait que oui, il y a une inquiétude. Il y a une inquiétude très grande.
Pour l’instant on suit le plan tel qu’il a été conçu [pour une rentrée en septembre 2021]. On a pas entamé de réflexion par rapport aux nouvelles qui sortent des différentes universités et par rapport à nous s’il y aura un ajustement à faire.
On est tellement investi dans la mission fondamentale de ce qu’on a conçu et de ce qu’on veut mettre en place.
Les témoignages ont été raccourcis à des fins de concision.