Le référendum sur le projet d'Hydro-Québec au Maine est jugé inconstitutionnel
Il s'agit d'une victoire pour Hydro et pour ses partenaires américains, mais les détracteurs du projet ont assuré qu’ils poursuivraient leur combat.

La mise en service du NECEC, un corridor énergétique reliant le Québec et le Massachusetts en passant par le Maine, est prévue pour 2022.
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Prenez note que cet article publié en 2020 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
La tenue en novembre d'un référendum sur le projet de ligne de transport d'électricité d’Hydro-Québec dans le Maine violerait sa Constitution, a statué la plus haute cour de l'État. La consultation ne devrait donc pas avoir lieu.
Cette décision, rendue jeudi à l’unanimité par cinq juges, représente une victoire pour Hydro-Québec et son partenaire Central Maine Power, une filiale d’Avangrid Networks. Un précédent jugement avait favorisé les partisans d'un référendum.
La Cour suprême du Maine explique que la proposition de référendum ne répond pas aux exigences
de sa Constitution. Ainsi, soumettre le New England Clean Energy Connect (NECEC), un projet de 1 milliard de dollars américains, à une consultation populaire outrepasserait les pouvoirs législatifs que la Constitution du Maine confère à ses habitants
, comme le prétendaient Avangrid et ses partenaires.
Plusieurs avaient remis en question la démarche des opposants au NECEC en faisant valoir qu'en vertu de la Constitution du Maine, les consultations populaires doivent concerner les lois. Dans le cas du certificat octroyé au NECEC, on parle plutôt d'un permis. Ici, aucune loi n'est proposée
, notent les juges dans leur décision.
Ils mentionnent aussi que l'autorité compétente a déjà pris une décision informée : Ordonner à un organisme de parvenir à des conclusions diamétralement opposées à celles auxquelles il est parvenu sur la base d'audiences décisionnelles approfondies et d'un dossier de preuve volumineux ne revient pas à créer une loi.
C'est le certificat de la commission des services aux collectivités du Maine – une autorisation essentielle – qui devait faire l'objet d'un référendum.
La Cour suprême du Maine a également ordonné à une instance inférieure de revenir sur sa décision rendue à la fin juin afin de reconnaître le caractère inconstitutionnel de la démarche référendaire mise de l'avant par les opposants au NECEC. Elle lui prescrit d'interdire au secrétaire d’État Matt Dunlapp d'inclure la question référendaire sur les bulletins de scrutin à venir.
Le référendum devait avoir lieu à l'occasion de l'élection présidentielle, en novembre prochain.
Les scrutins sont généralement l'occasion pour les Américains de s'exprimer sur plusieurs questions. Il est en effet possible de mettre de l'avant des initiatives afin que les électeurs puissent se prononcer si un nombre suffisant de signatures sont recueillies.
Les détracteurs ne s'avouent pas vaincus
Ce jugement pourrait limiter définitivement la possibilité pour les résidents du Maine de se prononcer par le biais d’un référendum sur certaines décisions du législateur. Un appel reste possible, mais il reste peu de marge de manœuvre aux opposants au NECEC et le temps commence à manquer.
Les partisans du référendum et détracteurs du projet ont assuré qu’ils trouveraient le moyen de passer outre le jugement.
Nous n’abandonnons pas
, a déclaré l’ancien sénateur d’État Tom Saviello, qui dirige un groupe d’opposants. Ce n’est qu’un début.
Les opposants vont continuer d'évaluer toutes leurs options
, a également promis la directrice du comité Say NO to NECEC, Sandi Howard. Elle a déploré la décision de la cour, qui selon elle, s'est rangée derrière les intérêts de sociétés étrangères plutôt que du côté des citoyens du Maine.
Lynn St-Laurent, porte-parole d'Hydro-Québec, a rétorqué que le NECEC a passé le test devant les agences réglementaires de l’État [...] et satisfait les critères économiques et environnementaux
.
« On est ravis de pouvoir poursuivre le travail. Cette décision-là va permettre au projet NECEC d’aller de l’avant et de continuer de cheminer au Maine. Alors on est satisfait de cette décision-là. »
Thorn Dickinson, président-directeur général du NECEC, a dit voir dans le jugement une victoire pour l'État du Maine et pour l'avenir, autant d'un point de vue environnemental qu'économique
.
Le référendum qui était proposé a toujours été en violation directe de la Constitution du Maine
, a pour sa part estimé Jon Breed, le directeur du comité Clean Energy Matters, formé par Central Maine Power.
Le professeur de droit émérite de l'Université du Maine Orlando Delogu est aussi de ceux qui doutaient de la constitutionnalité d'un référendum. Si cela ne concerne pas une loi, vous n'avez rien qui peut être soumis aux électeurs
, a-t-il dit, au cours d'un entretien téléphonique, en estimant que la Cour suprême du Maine avait clairement communiqué ce message dans sa décision.
Le corridor énergétique doit encore obtenir des autorisations réglementaires des deux côtés de la frontière.
Bataille de communication
Hydro-Québec a dépensé au moins 8,5 millions de dollars pour promouvoir son projet de ligne de transport d'électricité en vue de ce référendum, notamment en achetant de la publicité dans les médias.
Central Maine Power a pour sa part dépensé plus de 11 millions.
On va continuer nos initiatives de communication et de sensibilisation quant aux mérites du projet avec les gens du Maine
, a indiqué la porte-parole d'Hydro-Québec.
Vous savez, c’est un projet d’infrastructure important, structurant et vraiment névralgique dans le cadre d’une transition énergétique qui est en cours
, a souligné Lynn St-Laurent. On veut évidemment utiliser moins d’énergie de source fossile. La Nouvelle-Angleterre, c’est une région où l’électricité est produite à 50 % par de l’énergie fossile.
« Une autre chose qu’on veut faire, c’est contrer toute la désinformation qui est véhiculée par nos concurrents de l’industrie des énergies fossiles au sujet de notre énergie, d’Hydro-Québec et du projet. »
La mise en service du NECEC, un corridor énergétique de 233 kilomètres, est prévue pour 2022. Traversant l'ouest du Maine, il doit permettre d'acheminer jusqu'au Massachusetts 9,45 térawattheures d'hydroélectricité par année pendant 20 ans. La société d'État estime que le projet lui rapportera quelque 10 milliards de dollars américains.
Au Québec, un tracé de 103 kilomètres doit passer surtout par des terres privées, à partir du poste des Appalaches et jusqu'au point de raccordement au réseau du Maine, dans la municipalité de Frontenac, à la frontière canado-américaine.
On s'attend à ce que des nouvelles emprises soient toutefois nécessaires à Thetford Mines, à Saint-Joseph-de-Coleraine, à Nantes, à Sainte-Cécile-de-Whitton et à Frontenac, selon des documents déposés auprès du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE), qui se penche présentement sur la portion québécoise du projet.
La société d'État a indiqué que les travaux entraîneront un certain déboisement, une perte d’habitats fauniques, des impacts sur des érablières exploitées et une altération du paysage. Elle compte mettre en place des mesures d'atténuation et de compensation.
Avec les informations de Bangor Daily News, et La Presse canadienne