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La marine américaine pourrait augmenter sa perturbation des épaulards sur la côte ouest

Des épaulards.

De nombreuses espèces seront affectées si la marine américaine peut aller de l'avant, dont les épaulards résidents du sud (archives).

Photo : Dave Ellifrit/Centre for Whale Research

Prenez note que cet article publié en 2020 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.

La marine américaine a demandé l’autorisation à des agences fédérales américaines de procéder à plus d'activités qui pourraient être dommageables pour les mammifères marins de la côte ouest. Les épaulards résidents du sud, déjà en voie de disparition, font partie des espèces qui seront affectées si la marine peut aller de l’avant.

En tout, ce que la marine militaire propose c’est deux fois et demie plus de dommages aux mammifères marins que ce qu’elle a demandé lors de sa période d’autorisation précédente, explique Michael Jasny. M. Jasny est directeur du Projet de protection des mammifères marins au Conseil de défense des ressources naturelles (NRDC), une organisation de défense de l’environnement.

Des bombes de 450 kg

Les exercices militaires prévus incluent notamment des tirs de torpilles, le déploiement de sonars sous-marins et l'explosion de bombes pesant plus de 450 kg en mer. De telles bombes servent à couler des navires et posent aussi des risques très sérieux pour les baleines, les dauphins et les autres espèces, affirme M. Jasny.

Le programme militaire, d’une durée de sept ans, devrait commencer en novembre. Il aurait lieu dans une vaste région allant du nord de la Californie à l'Alaska, y compris dans le détroit de Puget et la côte extérieure de l’État de Washington.

Le Service national des pêches maritimes (NMFS) et l’Administration nationale océanique et atmosphérique (NOAA) des États-Unis ont délivré une proposition d’autorisation pour ces activités (Nouvelle fenêtre). Elles doivent toutefois prendre en compte les commentaires du public, qui pouvaient être transmis jusqu’au 17 juillet, avant de prendre leur décision finale.

Des dommages potentiels inacceptables

Déjà, le gouverneur démocrate de l’État de Washington, Jay Inslee, s’est opposé à la proposition d’autorisation dans une lettre transmise à la NMFS (Nouvelle fenêtre). L’État de Washington considère que le niveau de prises collatérales de mammifères marins dans la proposition d’autorisation est inacceptable, écrit-il.

C’est que la marine militaire américaine s’attend à ce que ses activités exposent les épaulards résidents du sud au bruit causé par ses sonars et ses bombes, ainsi qu’à l’énergie produite par l’explosion de ces dernières. Les dommages faits aux mammifères marins, dans le jargon du milieu, sont des prises collatérales.

Parmi les prises collatérales prévues par la marine se trouvent jusqu’à 51 occasions de harcèlement de niveau B des épaulards résidents du sud par année. Le harcèlement de niveau B est défini dans la loi américaine sur la protection des mammifères marins (Nouvelle fenêtre) comme ayant le potentiel de perturber de nombreux comportements, dont la migration, la respiration, l'allaitement, la reproduction, et l'alimentation jusqu'au point où ces comportements sont abandonnés ou considérablement modifiés.

Il y a de bonnes raisons de penser que ce nombre représente une sous-estimation, selon Michael Jasny. Leurs estimations ne tiennent pas compte de choses aussi simples que la possibilité qu’un groupe d’épaulards soit ensemble quand il sera exposé.

Même son de cloche pour David Bain, biologiste marin et scientifique en chef chez Orca Conservancy. Je ne crois pas qu’ils seront assez prudents puisqu’ils ont sous-estimé la distance à laquelle leurs activités peuvent causer des dommages aux baleines, explique-t-il.

Impact « négligeable »

Malgré tout, la marine n’anticipe pas de conséquences à long terme sur la survie de la population. Le NMFS et la NOAA, pour leur part, considèrent que ces activités auront un impact négligeable sur l’espèce. 

C’est manifestement problématique considérant l’état de l’espèce actuellement, estime Cameron Jefferies, professeur à la faculté de droit de l’Université de l’Alberta et spécialiste du droit de l’environnement et du droit maritime.

Les épaulards résidents du sud sont protégés par la loi des deux côtés de la frontière. Selon le programme de rétablissement développé en vertu de la Loi sur les espèces en péril (Nouvelle fenêtre), cette population ne comptait plus que 74 individus en 2018. Parmi les menaces qui pèsent sur eux, on compte les contaminants environnementaux, la disponibilité réduite des proies, la perturbation et la pollution par le bruit, et les collisions avec des navires.

Les sonars militaires actifs peuvent constituer une menace importante pour les cétacés, peut-on lire dans le programme de rétablissement des épaulards (Nouvelle fenêtre). Ils ont été associés à des cas d’échouement à travers le monde pour diverses espèces.

En 2003, des chercheurs ont observé des membres du groupe J, l’un des groupes d’épaulards résidents du sud, fuir un secteur balayé par le sonar du USS Shoup, un navire de la marine américaine, dans le détroit de Haro.

Cet exercice a été bien documenté parce qu’il a eu lieu très près du rivage à un moment où des chercheurs étaient là, explique Michael Jasny. Mais on peut certainement imaginer des réactions similaires lorsque ces exercices ont lieu plus loin au large, hors de vue.

Population vulnérable

La population des résidents du sud est particulièrement vulnérable, note le programme, parce que ses membres passent beaucoup de temps dans la zone d’exercices militaires qui fait l’objet de la demande de la marine, au large de l'État de Washington.

Les résidents du sud font des allers-retours entre l’État de Washington et la Californie pendant l’hiver et au printemps. Des exercices militaires dans cette zone bloqueraient ces mouvements, explique David Bain. C’est problématique parce que cette population d’épaulards doit passer d’un endroit à l’autre afin de trouver de quoi se nourrir le long de la côte. De les priver d’autant de nourriture serait un sérieux problème, selon M. Bain.

Des moyens d’action limités

Pour ce qui est de la Marine royale canadienne (MRC), elle affirme suivre des mesures de mitigation strictes lors de ses opérations que nous travaillions seuls ou en collaboration avec nos alliés, dit un représentant par courriel. La MRCfait de grands efforts pour s'assurer que les procédures opérationnelles [...] créent le plus petit impact, tout en ne gênant pas la capacité de mener des missions.

Dans un bref courriel, Pêches et Océans Canada assure que le ministère sera consulté dans le processus d’autorisation des activités de la marine américaine. Aucun détail n’a été donné sur ce que le gouvernement fédéral compte faire pour protéger les épaulards résidents du sud dans ce contexte.

C’est très difficile de penser à un recours en justice de ce côté-ci de la frontière si la demande de la marine est approuvée, selon le professeur Cameron Jefferies. Il souligne néanmoins que l’article 65 de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (Nouvelle fenêtre) pourrait offrir un tel recours.

Cet article prévoit notamment que les États coopèrent en vue d'assurer la protection des mammifères marins et ils s'emploient en particulier, par l'intermédiaire des organisations internationales appropriées, à protéger, gérer et étudier les cétacés

Contrairement au Canada, les États-Unis n’ont pas ratifié ce document. Mais il y a un bon argument selon lequel cet article est de nature coutumière, affirme le professeur Jefferies. Une norme coutumière en droit international est obligatoire, qu’un État ait ratifié l’instrument en question ou non.

Pour le professeur Jefferies, le principal moyen d’action des Canadiens dans ce dossier demeure la pression politique. C’est aussi ce que pense Michael Jasny. Il affirme cependant que la NRDC considère actuellement ses options de recours en vertu de la loi américaine.

L’approche de la NOAA en ce qui concerne les mesures d’atténuation à mettre en place par la marine militaire a été pratiquement apathique, selon M. Jasny. Il affirme que la NOAA et la marine ont violé une pléthore de lois environnementales par le passé, dont les mesures de mitigations de la loi sur la protection des mammifères marins.

Une combinaison fatale

Cette demande de la marine militaire survient peu de temps après que la Cour suprême du Canada ait donné le feu vert au projet d’expansion du pipeline Trans Mountain. L’augmentation du trafic maritime associé à ce projet représente une menace sérieuse pour les épaulards résidents du sud, selon des experts.

Ça va aggraver la pénurie de nourriture à laquelle elles font face, explique David Bain. On prend une mauvaise situation et on l’empire.

« Nous sommes tout près du point de non-retour. »

— Une citation de  David Bain, biologiste marin et scientifique en chef chez Orca Conservancy

Le professeur Cameron Jefferies voit un parallèle évident entre l’expansion du pipeline au Canada et la demande de la marine militaire américaine.

D’une part, la loi et la science nous disent que cette espèce doit être protégée, dit-il, d’autre part, on a des décisions fédérales prises dans l’intérêt national qui outrepassent les impératifs de protection. Les États-Unis et le Canada doivent prendre leurs lois sur la protection des espèces menacées au sérieux et coopérer s’ils espèrent sauver cette population, estime le juriste.

Les trois spécialistes s’entendent, le moment est mal choisi pour accroître la pression sur les épaulards résidents du sud. Nous sommes à un moment où l’on doit vraiment faire plus d’efforts pour leur rétablissement, et non pas faire des choses qui vont rendre ce rétablissement encore plus difficile, résume David Bain.

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