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Les policiers de Montréal ne pourront plus appeler directement les agents frontaliers

Les policiers du SPVM ont contacté l’Agence des services frontaliers du Canada plus de 3500 fois en 2019.

Un policier devant une porte d'entrée.

Un policier devant le quartier général du SPVM à Montréal.

Photo : Ivanoh Demers

La police de Montréal est incapable d’expliquer pourquoi ses agents contactent l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) des milliers de fois par année. Pour régler ce problème et éviter de possibles dérapages, les policiers sur le terrain ne pourront plus appeler directement l’agence fédérale, a appris Enquête.

10 000 fois par année, à travers le pays, des policiers de différents corps de police vont téléphoner à leurs collègues [de l’Agence des services frontaliers du Canada], affirme David Moffette, professeur au Département de criminologie de l’Université d’Ottawa, en se basant sur des informations obtenues grâce à la Loi sur l’accès à l’information.

Le sociologue y voit un risque pour les migrants en situation d'irrégularité, puisque cette agence fédérale est responsable d’expulser ceux qui vivent illégalement au Canada.

Les risques sont énormes pour des personnes sans papiers d'interagir avec un policier.

Une citation de David Moffette, sociologue

[Les sans-papiers] savent qu'il y a un risque de détention, un risque de déportation alors qu'ils se rendent au travail, qu'ils amènent leur enfant à l'école. Dans la vie de tous les jours, le risque de se retrouver dans les mailles de l'Agence des services frontaliers passe par les policiers dans la majorité des cas. Donc, les gens ont peur, dit-il.

Au pays, Montréal est la ville où les policiers contactent le plus souvent les agents frontaliers. En 2019, on recense plus de 3500 communications, soit 10 fois par jour en moyenne.

Les policiers peuvent appeler pour vérifier si une personne est visée par un mandat d'arrêt, explique David Moffette, mais dans la majorité des cas, c'est pour déterminer le statut d'immigration d'une personne.

Le SPVM incapable d’expliquer ces chiffres

Lorsqu'on a vu ces chiffres, on a également été préoccupés, admet l’inspecteur André Durocher du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM). Il se dit toutefois incapable de les expliquer. Pratiquement n'importe quel policier sur la route peut téléphoner. Donc, pour retracer tout ça, ça devient difficile.

Pour éviter les dérapages, le SPVM interdira donc prochainement à ses policiers de contacter directement les agents frontaliers. Ces derniers devront passer par un filtre.

À l'automne, il devrait être mis en place un système où il va y avoir un guichet unique. Un policier, peu importe il est où sur le territoire, va devoir appeler un endroit central au SPVM, et c'est une personne qui va faire les validations, les vérifications, dit-il.

Les policiers sur la route n'ont pas eu la formation sur la loi de l'immigration, ils ne connaissent pas nécessairement la Loi sur l'immigration, ce qu'ils peuvent faire, ajoute l’inspecteur Durocher, qui souligne que les policiers n’ont pas à jouer aux agents d’immigration.

Si le policier demande à une personne "quel est votre statut au Canada?" dans le but de la dénoncer, ça non, ce n'est pas dans notre travail. Ce n'est pas acceptable.

Ce qui est clair : ce n'est pas le mandat des policiers municipaux d'appliquer la Loi sur l'immigration.

Une citation de André Durocher, inspecteur au SPVM

Les policiers ont toutefois l’obligation d’exécuter les mandats d’arrestation. Selon le Bureau du vérificateur général du Canada, 35 000 sans-papiers sont recherchés et environ 3000 d’entre eux ont un passé criminel.

La peur des policiers

Enquête a recueilli les témoignages de plusieurs personnes qui vivent clandestinement au Canada et qui disent craindre d’interagir avec les policiers.

Il faut s'éloigner de la police. Il faut éviter des problèmes qui mèneraient à te faire identifier. Il faut faire des efforts pour être le moins visible possible, explique Sandrine, un nom d’emprunt.

Je ne suis pas à l'abri. Du moment où je fais un faux pas, c'est fini.

Une citation de Sandrine, sans-papiers vivant à Montréal

La jeune femme a décidé d’entrer dans la clandestinité après avoir vu sa demande d’asile rejetée. Elle travaille depuis dans l’industrie du tourisme, à Montréal, grâce à une agence de placement. Même son patron ignore qu’elle est sans-papiers.

Tisser des liens de confiances

De son côté, la Ville de Montréal aimerait bien tisser des liens de confiance avec les sans-papiers, dont la grande majorité ne sont pas des criminels.

Parfois, on a des victimes d’actes criminels ou on a des témoins d’actes criminels qui ont peur d’aller vers le service de police, explique Rosannie Filato, membre du comité exécutif et responsable de la sécurité publique à la Ville de Montréal.

On veut que les personnes qui se fassent interpeller soient en sécurité.

Une citation de Rosannie Filato, responsable de la sécurité publique

Montréal réfléchit à la création d’une carte d’identité municipale pour rendre accessibles les services policiers aux personnes sans papiers.

On peut penser au modèle de New York, par exemple, où il y a une carte universelle pour l'ensemble des citoyens, qui devient une façon de s'identifier officiellement. Ça ferait en sorte qu’un policier ne remettrait pas en question le statut migratoire d’une personne. Donc, on ne poserait pas cette question et on n'appellerait pas l'Agence de services frontaliers.

Selon des estimations de la Ville, quelque 50 000 personnes sans statut vivent sur le territoire de la métropole. Ce chiffre serait sous-estimé, selon des organismes communautaires, parce qu'il y a un facteur d'invisibilité lorsqu'on parle de personnes sans statut ou à statut précaire, ajoute Mme Filato.


À VOIR

Retrouvez tous les reportages de l'émission Enquête

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