America's Frontline Doctors : attention à cette vidéo trompeuse portant sur la COVID-19
Le groupe controversé met de l'avant des conseils qui vont à l'encontre de ce qui est généralement accepté.

La Dre Stella Immanuel, à la conférence de presse d'America's Frontline Doctors.
Photo : Capture d’écran
Prenez note que cet article publié en 2020 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Une vidéo controversée contredisant l'ensemble des recommandations sanitaires autour de la COVID-19 a explosé sur les réseaux sociaux au cours des derniers jours. C'est un autre exemple d'une vidéo virale contenant plusieurs mensonges au sujet de la pandémie.
De nombreux internautes ont signalé aux Décrypteurs des extraits vidéo qui circulent sur le web, où on voit une médecin, accompagnée d'autres médecins portant des sarraus blancs, affirmer que l'hydroxychloroquine est un remède pour la COVID-19, ou encore que les masques ne fonctionnent pas.
Personne ne devrait être malade. Il existe un remède pour ce virus
, déclare-t-elle, en faisant référence à l'hydroxychloroquine, avant d'ajouter que vous n'avez pas besoin de porter un masque
.
D'où vient cette vidéo?
L'extrait provient d'une conférence de presse organisée par un groupe nommé America's Frontline Doctors (les médecins de première ligne américains). C'est le réseau Breitbart, aux États-Unis, qui a diffusé cette conférence de presse en direct sur Facebook lundi.
La vidéo a causé un tollé après avoir explosé en popularité, cumulant des dizaines de milliers de visionnements en quelques heures seulement lundi soir. Le président américain, Donald Trump, et son fils, Donald Jr., en ont tous deux fait la promotion sur Twitter avant que le réseau social ne supprime leurs gazouillis. Mardi, Twitter a suspendu temporairement le compte de Donald Jr. pour avoir enfreint ses règles en matière de désinformation sur la COVID-19.
Facebook et YouTube ont emboîté le pas, supprimant à leur tour cette vidéo de leurs plateformes. Toutefois, des extraits de la vidéo y circulent toujours. D'autres copies existent aussi sur des plateformes alternatives, ou encore sont véhiculées dans des messages privés ou dans des applications chiffrées, telles WhatsApp ou Telegram.
Pourquoi c'est faux
L'hydroxychloroquine n'est pas considérée comme un traitement efficace contre la COVID-19.
Depuis le début de la pandémie, ce traitement est mis de l'avant, notamment par le professeur Didier Raoult, de l'Institut hospitalo-universitaire en maladies infectieuses de Marseille. Ce dernier affirme depuis la fin février que ce médicament, prescrit avec l'azithromycine, constitue un traitement efficace contre la COVID-19. Toutefois, ses études ont été sévèrement critiquées (Nouvelle fenêtre).
Depuis, de plus en plus d'études démontrent que l'hydroxychloroquine n'est pas un traitement efficace contre la COVID-19. D'ailleurs, la semaine dernière, une autre étude en double aveugle publiée dans le New England Journal of Medicine (Nouvelle fenêtre) a déterminé que chez des patients hospitalisés avec des symptômes légers ou modérés de COVID-19, l'utilisation d'hydroxychloroquine, avec ou sans azithromycine, n'a pas amélioré leur état clinique après 15 jours, par comparaison avec les traitements conventionnels
.
L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a cessé ses essais cliniques début juillet.
Les résultats préliminaires montrent que l'hydroxychloroquine ou l’association de lopinavir et de ritonavir ne réduisent pas ou très peu la mortalité des patients hospitalisés atteints par la COVID-19, par comparaison aux soins standards
, a-t-elle annoncé dans un communiqué.
Contrairement à ce qu'avance la médecin dans la vidéo, le médicament ne semble pas non plus fonctionner comme traitement préventif.
En ce qui a trait au port du masque, là encore, de plus en plus d'études (Nouvelle fenêtre) démontrent qu'il est efficace pour contrer la propagation du virus.
Par exemple, une étude publiée dans le journal Health Affairs (Nouvelle fenêtre) en juin a examiné les taux d'infection dans 15 États américains, ainsi que Washington D.C., avant et après l'obligation de porter un masque en public. L'étude a observé une baisse des taux d'infection après l'implantation de cette obligation et estime que le port du masque a prévenu entre 230 000 et 450 000 cas de COVID-19 entre la fin mars et la fin mai.
Qui est la médecin derrière ces affirmations?
La médecin que l'on voit prendre le micro est la Dre Stella Immanuel, une médecin et pasteure du Texas.
Comme plusieurs médias américains ont noté (Nouvelle fenêtre), elle n'en est pas à ses premières déclarations controversées. Lors de ses sermons religieux, elle a déjà déclaré entre autres que les maladies gynécologiques sont causées par des rapports sexuels avec des démons, ou encore qu'il existe de l'ADN extraterrestre dans certains vaccins.
Elle affirme avoir traité plus de 350 patients avec l'hydroxychloroquine et l'azithromycine, mais n'a jamais publié d'essai clinique à cet effet.
Qui sont les America's Frontline Doctors?
Ce groupe semble avoir été créé récemment. Il recoupe plusieurs figures controversées, pour la plupart des médecins.
La conférence de presse de lundi a été organisée par le groupe Tea Party Patriots, selon le réseau NBC (Nouvelle fenêtre). Cette organisation politique a recueilli plus de 24 millions de dollars américains depuis 2014 pour tenter de faire élire des candidats du Parti républicain de Donald Trump. Ce groupe dénonce notamment les mesures sanitaires mises en place pour contrer la pandémie.
Les affirmations du groupe America's Frontline Doctors vont dans le même sens que plusieurs déclarations du président Trump, qui a fait la promotion de l'hydroxychloroquine et qui a milité pour mettre fin au confinement. Lors de la conférence de presse, les médecins ont été présentés par Ralph Norman, un représentant républicain de la Caroline du Sud.
Un des médecins du groupe, le Dr James Todaro, ne traite plus de patients depuis 2018 (Nouvelle fenêtre) et semble maintenant promouvoir des cryptomonnaies. Il est d'ailleurs reconnu comme ayant joué un rôle prépondérant dans la promotion de l'hydroxychloroquine dès le début de la pandémie.
Une autre, la Dre Simone Gold, est une collaboratrice du réseau Fox News et a déjà produit du contenu vidéo pour le groupe Tea Party Patriots et est active dans les milieux politiques conservateurs aux États-Unis.
Comme le fait remarquer le communicateur scientifique et chirurgien américain David Gorski, le fait que ces personnes soient des médecins de première ligne ne leur confère pas automatiquement une autorité en termes d'épidémiologie.
[Leur expérience de travail] ne leur donne pas nécessairement des connaissances à savoir comment certains traitements fonctionnent (ou ne fonctionnent pas) pour traiter une maladie. Leur expérience clinique personnelle peut être trompeuse, surtout dans le cas de médecins affectés aux urgences, puisque plusieurs d'entre eux n'effectuent aucun suivi à long terme auprès de leurs patients au-delà de la visite à l'urgence
, a-t-il écrit dans son blogue (Nouvelle fenêtre).