Les retraités de la White Birch se tournent vers la Cour suprême

L'usine Papiers White Birch de Québec.
Photo : Radio-Canada / Daniel Coulombe
Prenez note que cet article publié en 2020 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Âgés d'en moyenne 77 ans et privés du tiers de leur fonds de pension depuis la relance de l'usine, les retraités de la White Birch de Québec refusent de rendre les armes. Récemment déboutés en Cour d'appel, ils frapperont à la porte de la Cour suprême, a appris Radio-Canada.
Ces anciens travailleurs de la Stadacona, à Québec, estiment avoir fait les frais de la relance de l'usine de pâtes et papiers, il y a 8 ans. Dans le cadre d'un rachat, l'acquéreur Black Diamond avait imposé la terminaison des régimes de retraite du Groupe White Birch, alors lourdement déficitaires.
Craignant une fermeture permanente et des pertes d'emplois, le syndicat Unifor avait accepté une offre finale de l'employeur, laquelle a eu pour effet d'amputer les montants destinés aux retraités.
Ces derniers déplorent depuis de ne pas avoir été consultés par le syndicat et d'avoir été écartés des négociations. Quelque 456 retraités ont intenté une poursuite de 75 millions de dollars en dommages-intérêts contre Unifor, en 2016.
La Cour d'appel du Québec a rejeté la poursuite en mai dernier, deux ans après un premier rejet de la Cour supérieure.
Règles à clarifier
L'objectif des retraités a toujours été de récupérer l'argent dont ils ont été privés. Selon leur avocat, Me Jocelyn Morency, certains ont dû recommencer à travailler pour éponger les pertes, d'autres ont changé leur train de vie, voire abandonner des services en centre d'hébergement.
Considérant ces conséquences, ils ne baisseront pas les bras
, affirme Me Morency lors d'une entrevue accordée à Radio-Canada. Ce sont des gens extrêmement résilients.
Ils espèrent également clarifier le cadre légal des régimes de retraite et des retraités, particulièrement en cas de faillite ou de relance d'une entreprise en difficulté. Selon Me Morency, plusieurs questions de droit, notamment sur le devoir de fiduciaire à l'égard des retraités, sont demeurées en suspend malgré les deux jugements rendus au Québec.
Si la Cour suprême pouvait établir [les règles] de façon catégorique, déjà là, il y aurait un grand bout de chemin de fait pour les causes à venir.
D'une certaine manière, dit-il, les retraités souhaitent tenir le fort
pour tous les autres retraités dont le régime de retraite est menacé ou pourrait l'être dans le futur.

Me Jocelyn Morency représente les retraités de la White Birch.
Photo : Radio-Canada
Intérêt national?
La Cour suprême du Canada n'accepte pas d'entendre toutes les demandes d'appel qui lui sont soumises. À travers un mémoire, le regroupement de retraités de la White Birch et Me Morency devront démontrer que l'enjeu est d'intérêt national.
On pense rencontrer ces critères-là. On connaît de plus en plus les groupes de retraités qui subissent des pertes énormes dans leurs régimes de retraite, surtout quand les entreprises sont en difficultés financières
, avance l'avocat. Près de nous, il cite en exemple le cas récent des retraités de Groupe Capitales Médias. Et il va y en avoir d'autres
, prévoit-il.
Dans cette optique, Me Morency invite les groupes ayant un intérêt à ce que la cause soit entendue à manifester leur appui.
La Cour suprême du Canada reçoit de 500 à 600 demandes d'appel par année. La décision de la Cour d’autoriser ou non un appel repose sur son appréciation de l’importance pour le public des questions de droit soulevées.
Source : Cour suprême du Canada
Parmi les alliés déjà connus, la Fédération canadienne des retraités est d'avis que les enjeux soulevés par le cas de la White Birch méritent d'être traités devant la Cour suprême.
Sous la loi canadienne actuelle, personne n'est responsable de la protection de la pension des retraités
, se désole Michael Powell, président de la Fédération. N'importe quel retraité, n'importe où au Canada, peut voir sa pension réduite à tout moment sans pouvoir exercer un contrôle ou une influence sur la décision
.
Il rappelle pour sa part le cas de Sears Canada, dont la faillite a laissé des milliers de retraités avec une rente réduite, toujours en raison de la sous-capitalisation du régime.
Selon lui, le dossier des retraités de la White Birch est une occasion pour la Cour suprême de faire un état de situation pancanadien et de renforcer la protection des droits des retraités.
C'est clairement un cas d'intérêt national.
Diverses solutions ont été proposées aux décideurs ces dernières années pour mieux protéger les régimes de retraite. Encore récemment, des groupes ont plaidé pour la création d'une assurance qui permettrait aux retraités de toucher leur pleine pension en cas de déconfiture de leur entreprise.
Au Québec, le ministre des Finances, Éric Girard, n'a pas montré d'intérêt pour cette option.
Une autre piste de solution avancée est de modifier la loi fédérale pour permettre aux retraités d'être des créanciers prioritaires en cas de restructuration d'une entreprise.